Logement social : la vieille dame peut toujours remplir un dossier…

À 89 ans, il est devenu bien difficile à Solange, pour gagner son lit, de monter l'escalier de sa petite maison dénuée de tout confort, située à l'écart de son village - Baud, dans le Morbihan. Et comme Solange est née à une époque où on n'était pas du genre à demander, elle n'est pas près d'obtenir un logement social, un logement adapté à son grand âge et à son maigre revenu. Ses cousins s'insurgent ! Parce que Solange en a aidé, des gens, dans sa toute jeunesse ! Et quels gens : les maquisards de Poulmein. Les actes héroïques ne mériteraient-ils pas mieux de la part de la mairie, du ministère des Anciens Combattants, que de se renvoyer lamentablement la balle pour cause de logement non disponible, alors que la Bretagne se montre à la pointe de l'accueil des migrants et des mineurs étrangers isolés en particulier ?

Automne 1943, la résistance française s'est s'organisée. Henri Bouret, le responsable du mouvement Service national maquis pour la Bretagne, constate un nombre croissant de jeunes réfractaires au STO (Service du travail obligatoire). Contacts sont pris avec le commandant Guillaudot, le responsable départemental de la Résistance pour créer un maquis armé. Décision actée : ce maquis s'établira à Poulmein, à Baud, dans la ferme du père de Roger Le Priol, Joseph, et exploitée par son oncle, Émile Le Labourer, marié à Marie-Joseph. L'ambiance y est tellement chaleureusement familiale que les maquisards (il y en aura 28) appellent Marie-Joseph « maman ».

Marie-Joseph, c'est la maman de Solange et de Thérèse, 16 et 18 ans. Las, le maquis de Poulmein sera dénoncé et, début 1944, Solange avec sa ma mère et sa sœur ont tout juste le temps de s'échapper, tandis que les nazis fusilleront, après tortures, son père et trois autres maquisards, puis pilleront et brûleront la ferme. Solange en fait encore des cauchemars.

Et voilà donc où en est, aujourd'hui, la pauvre Solange, percluse de rhumatismes sans personne des services sociaux à se déplacer pour l'aider à faire des démarches qui lui permettraient d'obtenir un logement social, plus pratique pour s'y déplacer que sa petite maison inconfortable. "Tout le monde botte en touche", dénonce son cousin. Rien de disponible pour Solange, confirme le maire de Baud, et puis, elle peut toujours remplir un dossier, poursuit-il, en substance.

Elle est bien bonne, celle-là ! Mais "pourquoi personne ne se déplace pour l'aider dans ses démarches", tempête ledit cousin. Eh oui, parce qu'elle n'y voit plus bien, pour les faire elle-même, Solange ! Et puis, c'est bien joli de l'inviter chaque année aux cérémonies célébrant le maquis de Polmein, mais ce ne sont pas les gerbes de fleurs et les grands discours qui l'aident à vivre au quotidien, la quasi-nonagénaire, que ses jambes ne soutiennent plus comme à 20 ans !

Alors, quoi, pas de logement pour une ancienne toute jeune résistante, fille de résistants ? Mais à qui sont-ils destinés, ces fameux logements, dans sa région Bretagne ? Forcément à d'autres personnes. À des migrants, à des mineurs étrangers isolés, peut-être bien, qui affluent toujours plus nombreux dans la région ?

"C'est la honte !", "Un devoir humanitaire et citoyen", lisait-on dans Le Télégramme du 7 février dernier. À propos de Solange Le Labourer ? Non, au sujet de ces "mineurs étrangers isolés sans ressources".

M'enfin, de quel côté est la honte ? De celui de ne pas porter secours à une ancienne résistante ou de dépenser l'argent public pour des étrangers, mineurs ou pas, parfaitement illégaux ? La réponse est dans la question.

Caroline Artus
Caroline Artus
Ancien chef d'entreprise

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