[L’œil américain] Pourquoi Trump a déjà gagné

Trump

Et si c’était finalement lui ? Les sondages se succèdent et l’impensable semble se confirmer : Trump pourrait bien retrouver le chemin de la Maison-Blanche en 2024. La dernière enquête du New York Times le donne en tête dans cinq des six États clés susceptibles de faire basculer la prochaine élection présidentielle. Le pire étant, pour les démocrates, que leur adversaire honni parvient à obtenir des gains sans précédent parmi les jeunes et les minorités noire et hispanique.

Si une telle tendance se confirmait, « ce serait le point culminant d’une décennie de réalignement de l’électorat dans le sens du populisme conservateur de Trump, tout en anéantissant les espoirs démocrates de rassembler une majorité progressiste autour d’une nouvelle génération d’électeurs jeunes et non blancs », se désole le New York Times. Les schémas familiers de la politique américaine se brouillent toujours plus et les analystes n’y comprennent plus rien.

Trump toujours là

Tout le monde pensait que les avalanches de procédures judiciaires intentées contre Trump allaient le couler. Bien au contraire, elles l’ont propulsé vers les sommets. Et le voilà qui, désormais, arbore fièrement ses multiples inculpations comme un maréchal soviétique ses médailles ! Non seulement Trump n’a pas été effacé du paysage politique américain, mais il en constitue le centre autour duquel gravitent, inexorablement, adversaires et partisans.

La seule explication rationnelle serait alors à chercher du côté des faiblesses de son adversaire. Il est vrai que Joe Biden cumule des records d’impopularité. Ce serait cependant oublier les enjeux de la campagne présidentielle actuelle : protectionnisme économique, immigration, politique étrangère. Les thèmes phares de Trump lors du lancement de sa première campagne en 2015 et qui se sont imposés depuis.

« America First »

En réalité, ce n’est pas tant la personnalité de Trump que sa dynamique populiste « America First » qui remodèle le paysage politique américain. En 2020, Lou Dobbs, un ancien animateur de Fox News, avait fait paraître un ouvrage intitulé The Trump Century. De prime abord, un panégyrique un peu grotesque. Et pourtant, à y regarder de plus près, on est frappé, rétrospectivement, par la justesse de certaines analyses. Notamment l’affirmation d’après laquelle les questions qui seraient débattues à l’avenir seraient celles que Trump avait poussées de la périphérie vers le centre de la politique américaine.

Selon Dobbs, le programme « l’Amérique d’abord » imbriquait cinq priorités liées les unes aux autres. Le retour de l’emploi aux États-Unis supposait d’en finir avec les délocalisations d’un mondialisme destructeur, de réguler fermement l’immigration et de rééquilibrer les échanges commerciaux, notamment avec la Chine. Pour atteindre ces objectifs, il fallait également une politique étrangère centrée sur les intérêts américains ainsi qu’une sécurité nationale renforcée.

Sur cette base, expliquait Dobbs, les démocrates pourraient bien gagner des batailles mais ils resteraient confinés dans le cadre défini par Trump. La suite lui a donné raison. Biden l’a emporté, mais sur de nombreux thèmes, il s’est vu contraint de s’en tenir à la vision de son prédécesseur.

Biden dans les pas de Trump

« Mon plan économique consiste à investir dans des endroits et pour des gens qui ont été oubliés », déclarait l’actuel président, en février 2023. « Au milieu des bouleversements économiques des quatre dernières décennies, trop de personnes ont été laissées pour compte et traitées comme si elles étaient invisibles », ajoutait-il. Loin de s’opposer à Trump, Biden a fait sien son protectionnisme assumé et s’est lancé à son tour dans une confrontation commerciale avec la Chine.

En matière migratoire, et face à une situation devenue incontrôlable à la frontière sud, le président américain a, depuis son élection, multiplié les reniements. Dernier en date, et sans doute le plus symbolique : la reprise de la construction du mur voulu par Trump à la frontière avec le Mexique. « Il n'y aura pas un autre mètre de mur construit sous mon administration », avait affirmé Biden, en août 2020, lors d’une interview.

Enfin, pour ce qui est de la politique étrangère, Joe Biden a fait du Trump à l’envers. Face à la Russie, il a adopté une approche idéologique sans concession axée sur une logique d’escalade militaire. Résultat : l’Ukraine se transforme, après l’Afghanistan et l’Irak, en une nouvelle guerre sans fin pour les États-Unis.

Au Moyen-Orient, Biden a commencé, là encore, par une approche idéologique et morale fustigeant le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. « Nous allons leur faire payer le prix et nous ferons de cet État les parias qu’ils sont », avait-il déclaré en 2019, évoquant l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi alors qu’il était candidat.

Par la suite, devenu président, Biden a adopté, dans le prolongement des accords d’Abraham lancés par Trump, une approche pragmatique et transactionnelle qui, sans l’attaque du Hamas, devait aboutir à un accord de normalisation israélo-saoudien.

Seul bémol : la stratégie de Trump s’accompagnait du maintien d’une ligne dure à l’encontre de l’Iran, principale menace régionale pour Israël. À l’inverse, Joe Biden a tenté la désescalade avec Téhéran, avec les résultats que l’on constate aujourd’hui.

En bientôt une décennie, qu’il s’agisse d’économie, d’immigration ou de politique étrangère, Trump a contribué à redéfinir les cadres de la vie politique américaine. Un succès que ses adversaires ne risquent pas de lui reconnaître.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Ce site a omis de parler d’une affaire pourtant très grave: le fait que la gazoduc Northstream 2 a été saboté, comme on vient de l’apprendre, par un militaire ukrainien. A qui le crime profite, si ce n’est à l’Amérique de Jo Biden qui nous vend très cher son gaz de schiste. Or, les personnes bien informées ne sont pas sans savoir les relations plutôt glauques existant entre Biden et Zelenski. Donald Trump pourrait bien avoir en main assez de trump cards (d’accord elle est facile) pour mettre l’actuel président en très mauvaise posture.

  2. Ce qui est bizarre c’est que en dépit de ces sondages, il y a eu ces derniers jours des élections partielles dans plusieurs états, qui ont été remportées par les démocrates. C’est sûr que Biden ne fait pas très envie. Il est à peine plus vieux que Trump, mais paraît beaucoup plus. Ça va le desservir, malgré des résultats économiques plutôt bons (chômage au plus bas, inflation qui a refluée plus qu’en Europe, croissance à 5% (ce dont nous rêvons)). L’autre paramètre est que si Trump finit en prison, ce sera compliqué d’être président. Or ses co-inculpés en Géorgie avouent finalement les uns après les autres qu’ils savaient bien que Trump avait perdu, mais qu’ils étaient pris dans un engrenage de déni. Oui, Trump est actuellement au plus haut, mais les bas peuvent succéder aux hauts. Et il faudra qu’il se méfie de Nickie Halley, laquelle part de bas, mais monte…

  3. Vivement le retour de Trump ! Lui au moins il s’occupe en priorité de son pays et il fout la paix aux autres. Combien de guerres déclenchées dans le monde sous la présidence « démocrates » et combien sous la présidence « républicains » ? Un écart monstrueux ! Et quand il faut se protéger contre les migrations destructrices de la civilisation occidentale, les pseudo-démocrates optent pour la suppression des frontières et l’imposent à l’Europe par GAFAM et DAVOS interposés!

  4. Quelque soit le pays (et surtout pour les EU), la gauche a toujours déclaré les guerres (principalement par idéologie) et la droite les a souvent arrêtées (par souci du commerce et de la reconstruction).

  5. Merci Monsieur Lassez , bon nombre de personnes jugeaient Trump à son aspect physique et sa nonchalance alors qu’il suffisait de voir et d’écouter et de constater ..dès les premiers moments je n’ai pas douté ..il faut aussi penser, si vous pouvez dire un mot, à cette dénonciation qu’il a faite sur le rapt d’enfants et la pédophilie ..un film sort aujourd’hui ..

  6. l’état profond amerloque a mille moyens pour se débarrasser du gêneur :
    1) le truandage aux élections
    2) les procès avant la date
    3) le moyen le plus sur ; l’élimination physique
    Soyez sur qu’ils n’hésiteront pas et ce n’est pas LCI et autre TIME qui « feront toute la lumière »
    selon l’expression progressiste consacrée.
    Enfin, bonne chance au « Donald » !

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