[L’œil américain] Face au Moyen-Orient, l’Amérique toujours plus divisée

drapeau américain déchiré

Lors d’une interview télévisée diffusée par CBS le 15 octobre dernier, un journaliste demandait à Joe Biden s’il pensait que les États-Unis avaient la capacité d’affronter en même temps la guerre en Israël et en Ukraine : « Nous sommes les États-Unis d’Amérique pour l’amour de Dieu, la nation la plus puissante […] de l’histoire du monde, répondait avec assurance le président américain. Nous pouvons nous occuper des deux à la fois […] »

Pouvait-il dire autre chose ? Joe Biden ne serait plus vraiment américain s’il ne croyait plus en l’« exceptionnalisme » de son pays. Et pourtant, comme le remarquait le journaliste de CBS en introduction de son interview, « il est rare qu’un président soit confronté à autant de périls ».

Avec deux crises internationales majeures, un Congrès divisé et paralysé, un risque de blocage budgétaire de l’État fédéral, une crise migratoire à la frontière sud et une campagne présidentielle qui risque de se décider dans l’enceinte des tribunaux, l’optimisme de Joe Biden semble plus relever de la communication politique que d’une analyse lucide de la situation de son pays.

Interaction des crises

En réalité, les crises ne se contentent pas de s’accumuler, elles interagissent entre elles. Aussi, quoi qu’en dise Joe Biden, le réengagement contraint de l’Amérique au Moyen-Orient impactera inévitablement le soutien à l’Ukraine. Volodymyr Zelensky en est le premier conscient, lui qui, quelques jours après l’attaque terroriste du Hamas, s’est précipité au siège de l’OTAN à Bruxelles afin d’obtenir des garanties que l’aide occidentale n’allait pas diminuer. « De hauts responsables de l'OTAN ont admis en privé que l'Ukraine pourrait avoir des raisons de s'inquiéter, compte tenu de la violence en Israël et de la lutte budgétaire au Congrès américain qui menace le financement américain de la guerre », rapportait alors le New York Times. Une lutte budgétaire qui montre que la politique étrangère pèse de plus en plus lourdement sur la politique intérieure américaine. Si l’Ukraine divise le camp républicain, Israël et la question palestinienne sont en train de faire de même, côté démocrate.

Divisions républicaines

Depuis le 3 octobre dernier, la Chambre des représentants à majorité républicaine se retrouve sans président à la suite de sa destitution par une poignée d’élus proches de Donald Trump. Une crise institutionnelle en grande partie provoquée par leur refus d’accorder un nouveau « chèque en blanc » à l’Ukraine qui se ferait au détriment d'enjeux nationaux jugés prioritaires, comme la pression migratoire à la frontière mexicaine. Ne parvenant pas à s’accorder sur un nouveau candidat, les républicains du Congrès semblent désormais au bord de l’implosion alors que se rapproche la date d’expiration de la loi de finances temporaire dont le vote a permis, récemment, d’éviter le fameux « shutdown », c’est-à-dire le blocage de l’État fédéral. Derrière ce psychodrame, que la presse mainstream s’efforce de présenter comme la stratégie du chaos des suppôts de Donald Trump, se manifeste surtout la fracture entre l’establishment républicain, adepte des petits arrangements bipartisans, et la base du parti qui réclame une opposition plus ferme à la politique de l’administration Biden.

Un récent sondage, publié par CBS le 8 octobre dernier, montre que 59 % de l’électorat républicain souhaitent que le nouveau président de la Chambre soit fidèle à Donald Trump. Quant à la poursuite d’une aide militaire et financière à l’Ukraine, une grande majorité des républicains s’y oppose et souhaite que les États-Unis recherchent une solution diplomatique avec la Russie.

Fronde démocrate

Si, à l’inverse, les démocrates restent majoritairement favorables au maintien du soutien à l’Ukraine, le conflit israélo-palestinien brise l’unité du parti et met au jour la radicalisation d’une frange de son électorat et de ses soutiens.

Peu après le massacre perpétré par le Hamas, plus de trente organisations étudiantes de Harvard ont signé une déclaration ne laissant place à aucune empathie à l’égard des victimes israéliennes : « Nous, les organisations étudiantes soussignées, tenons le régime israélien pour entièrement responsable de toute la violence qui se déroule. […] Le régime de l'apartheid est le seul responsable », affirmait le document. « La guerre au Moyen-Orient enflamme les campus universitaires et fait craindre l’antisémitisme », s’inquiétait, par la suite, le Washington Post, qui rapportait nombre d’incidents visant des étudiants juifs.

Un retour de flamme pour les démocrates qui mesurent aujourd’hui les conséquences de la diffusion de l’idéologie radicale woke. Parallèlement à l’activisme des organisations militantes, des élus démocrates du Congrès ont signé, ces derniers jours, deux documents adressés à Joe Biden afin de l’inciter à infléchir sa politique pro-israélienne.

Parmi eux, la représentante démocrate Rashida Tlaib qui, à la suite de l’explosion de l’hôpital de Gaza, a interpellé sur X le président américain, dénonçant son refus de « faciliter un cessez-le-feu et de contribuer à la désescalade ». « Votre approche axée uniquement sur la guerre et la destruction m’a ouvert les yeux, ainsi que ceux de nombreux Palestiniens-Américains et musulmans américains comme moi. Nous nous souviendrons de votre position », a-t-elle ajouté.

Une opposition qui pourrait s’étendre à gauche. Interrogés lors d’un sondage réalisé juste après les attaques du Hamas, sur là où allaient leurs sympathies, 26 % des démocrates ont indiqué du côté israélien. Les républicains étaient, quant à eux, 66 % à faire ce choix. Une illustration supplémentaire des fractures de la société américaine.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

10 commentaires

  1. C’est bien les Américains avec leurs complices Anglais (nos ennemis héréditaires) qui sont responsables. pour continuer à nous nuire car nous avions la main sur la Méditerranée orientale, ils sont même intervenus et sont bien responsables des états devenus islamistes. Il ont obligé Israël à ne pas intervenir. C’est pareil pour leur politique en Turquie. Ils ont même fait rentrer la Turquie dans l’OTAN et voulaient y faire rentrer l’Ukraine, ce qui a mis POUTINE en colère car l’est de l’Ukraine était de culture Soviétique ainsi que ses opinions.

  2. Toutes ces idéologies mortifères ( le wokisme, la repentance, la bien-pensance) sont toutes nées du gauchisme, la gangrène de ce monde, qui arrivé à son apogée, s’autodétruit.
    Quand on n’a plus à se battre pour vivre, ou survivre, on s’invente des causes délirantes à défendre. La stupidité de l’humain réside dans son besoin d’exister et d’être reconnu. Pour cela, il préfère mettre sa vie en péril plutôt que vivre en paix.

    • Et le gauchisme, d’où vient-il? Bien que non reconnu, il est issu à l’évidence du bon vieux trotskisme, lui-même créé de toutes pièces par ces braves humanistes français que furent Robespierre et Saint-Just et dont l’idéologie peut se résumer en deux aphorismes : « Du passé faisons table rase » et « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

  3. L’Amérique de ma mère est en train de récolter ce qu’elle a semé !
    Et, « (s’)il est rare qu’un président soit confronté à autant de périls », c’est que son pays l’a bien cherché.
    Le sens de la supériorité des États-Unis est actuellement extrêmement mis à mal, et ses innombrables contradictions lui reviennent en boomerang.
    Le plus grand « péril » des États-Unis, sont les « democrats », cette mafia gauchiste, et son président Joe Biden qui est un vrai « burden ».

  4. C’est normal que les états « unis » d’Amérique et non pas l’Amérique, car ils ne sont pas seuls sur ce continent, aient des divergences d’appréciations sur la politique menée à l’intérieur comme à l’extérieur, certains voudraient continuer coûte que coûte de dominer le monde économiquement, judiciairement et militairement, quitte à avoir un système très inégalitaire pour leur population et d’autres préfèreraient se recentrer sur leur pays et améliorer le partage des richesses. Dilemme cornélien.

  5. Cette député montre au moins que quoi qu’il en soit, un musulman reste un musulman et choisira toujours l’islam, se méfier donc dans l’armée et la police.

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