[L’œil américain] Assassinat de Kennedy : de nouveaux documents déclassifiés dérangent la CIA

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Sur la photo en noir et blanc choisie par le Washington Post pour illustrer son article consacré à la publication de nouveaux éléments du dossier, Kennedy esquisse un sourire et salue la foule qui s'est pressée, ce vendredi 22 novembre 1963, à Dallas pour apercevoir le cortège présidentiel. On ne voit pas le visage de Jackie, tournée vers lui. Sa main gantée retient son chapeau alors que la Lincoln Continental décapotable traverse la ville sous le regard des badauds. Peut-être lui adresse-t-elle quelques mots. Ce seront alors les derniers.

Une minute plus tard, l’impensable se produit. On a tiré sur le président. L’Amérique se fige, pétrifiée, et, dès ce moment-là, la destinée du 35e président des États-Unis quitte l'Histoire pour rejoindre le mythe qui métamorphose le pauvre mortel en héros surnaturel. Comment accepter, alors, qu’un tel acte ne relève que du simple fait divers ? Cette tragédie américaine ne peut s’enfermer dans les froides limites des explications de l’Histoire officielle. Elle ne peut que déchaîner les passions et se couvrir pour toujours du voile du mystère.

La récente publication de milliers de nouveaux documents par les Archives nationales américaines, censée mettre un terme aux débats sur les conclusions de l’enquête, risque alors, une nouvelle fois, d’aboutir à l’effet inverse. À la décharge de ceux qui auraient succombé aux charmes vénéneux de la paranoïa, on reconnaîtra que le comportement de l’administration américaine a de quoi éveiller les soupçons. Face aux reports continus de la publication des archives, malgré une loi du Congrès de 1992 exigeant que tous les documents liés à l’assassinat soient publiés dans les 25 ans, même la famille Kennedy semble s’irriter : « C'est aberrant. Cela fait presque 60 ans depuis la mort de mon oncle », déclarait en octobre dernier Robert Kennedy Jr. à NBC News. « Qu'est-ce qu'ils cachent ? », s’interrogeait-il.

Trump comme Biden ont multiplié les promesses puis les prétextes pour se dérober. Tous les documents auraient dû être communiqués en octobre dernier, mais le président avait invoqué la nécessité d’un report temporaire « pour se protéger contre les dommages liés à la défense militaire et aux opérations de renseignement […] qui sont d'une telle gravité qu'ils l'emportent sur l'intérêt public d'une divulgation immédiate ».

Or, les archives rendues publiques le 15 décembre dernier ne couvrent toujours pas la totalité des informations disponibles. On estime qu’environ 97 % des millions de pages du dossier sont désormais accessibles. Il reste donc toujours un petit pourcentage à même de nourrir le doute sur les conclusions de la « commission Warren » qui avait affirmé, en 1964, que Lee Harvey Oswald avait agi seul.

Et ce, d’autant plus que les médias outre-Atlantique ont régulièrement mis en cause, ces dernières semaines, les services de renseignement américain accusés d’avoir caché certains éléments. « La CIA a joué un rôle central dans la dissimulation des informations sur l'assassinat de JFK au fil des ans », affirmait NBC News, début décembre.

Parmi les récentes révélations venues bousculer la version officielle, on retiendra notamment un étrange voyage d’Oswald à Mexico, en septembre 1963, quelques semaines avant l’assassinat. « Des fichiers précédemment publiés par la station mexicaine de la CIA montrent qu'Oswald, un marxiste autoproclamé qui cherchait apparemment à obtenir un visa pour se rendre à Cuba, [avait] pris contact dans la capitale mexicaine avec des espions soviétiques et cubains », notait Politico, le 15 décembre dernier.

Autre élément, avec l’existence d’un dossier de la CIA concernant Oswald, créé en décembre 1960 à la suite de sa tentative de défection vers l'Union soviétique, soit près de trois ans avant la mort de Kennedy. Une note interne de la CIA datée de février 1964, déclassifiée des décennies plus tard, montrait, toujours d’après Politico, que l'agence savait qu'au moins 37 documents avaient disparu du dossier lorsqu'il avait été examiné dans les jours qui avaient suivi l'assassinat.

De quoi relancer les spéculations avec, au bout du compte, une presse américaine empêtrée dans ses contradictions qui stigmatise, comme il se doit, les « complotistes » tout en dénonçant les petites cachotteries de la CIA pour arranger la version officielle. Déclassification ou pas, l’assassinat de Kennedy demeurera une tragédie américaine qui ne cessera d’échapper autant à l’Histoire qu’à la raison.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

35 commentaires

  1. En regardant du côté de Tel Aviv on pourrait aussi avoir quelques indications sur les commanditaires..américains, bien entendu!

  2. Et pour la France, à quel moment va-t-on déclassifier les docs sur les morts suspectes (en moins de 2ans) de Coluche, Balavoine,…. et même LeLuron ou Desproges ?

  3. C.I.A. et K.G.B. mènent le Monde aux ordres ou en parallèle du Pouvoir en place. Il en a été ainsi en Ukraine depuis bien des années, donc bien avant que Macron nous dise avec force Médias en février 2021 : « qu’il allait voir Poutine pour négocier la Paix » ! ! Quand serons nous toute la vérité sur l’Ukraine ? Sans doute jamais.
    Depuis J F Kennedy, les Chefs d’Etats sont bien gardés

  4. Tout assassinat reste une énigme tant que le coupable n’a pas avoué clairement et clarifié la situation, trop de gens sont compromis et avaient intérêt à la disparition de ce président. Rien n’a été simple dans l’historique des événements et tout reste possible …jusqu’à quand ?

  5. Pour bien comprendre qui était Kennedy, il faut reprendre l’histoire de la prohibition et surtout son arrêt.
    L’implication des mafias dans le financement des campagnes démocrates et les compensations offertes à ces dernières sur l’île de Cuba.
    Compensations qui ont évidemment disparues avec l’avènement du communisme, transférant ainsi les activités louches cubaines vers la toute nouvelle ville de Las Vegas.
    Dès lors qu’on remonte le fil, on a beaucoup moins de peine pour JFK.
    Pour ma part, j’aimerais même qu’un descendant de Hoover s’occupe un peu des corrompus français.

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