Les thèmes de la droite
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« Pour gagner de l’argent, il faut une compétence ; pour le dépenser, il faut une culture » (Moravia).
Les thèmes de la droite ! Désormais, c’est une expression consacrée du journalisme et, par extension, du monde intellectuel français. Le locuteur ne précise jamais de quels thèmes il s’agit, tant la chose est connue, censée être connue, convenue, nul ne doit en ignorer. En général, l’expression est suivie de points de suspension comme lors de la désignation du membre d’une fratrie dont la bonne éducation interdit de nommer les tares et les disgrâces. Las ! Les thèmes de la droite ! Ces thèmes qui, d’emblée, situent leurs porte-parole dans le camp, honni, de la mal-pensance, de l’esprit réactionnaire le plus rétrograde !
Les thèmes de la gauche, en revanche, bénéficient d’un tout autre accueil. À leur énoncé, les visages s’éclairent, le sourire vient aux lèvres, la parole se fait volubile comme pour le retour d’un fils prodigue à la besace chargée de trésors. Et cette prodigalité se fait contagieuse car, à gauche, on a la promesse prompte et la main généreuse, même lorsque la besace a des airs de baudruche trouée. On prétend sauver le monde sans s’inquiéter de disposer des ressources nécessaires pour le faire. On prétend porter le glaive de la liberté aux quatre coins de ce monde sans prendre garde à la logistique qui depuis longtemps ne suit plus, et à ses propres quartiers où le feu couve.
À l’acte I, Timon d’Athènes, lui non plus, ne sait pas encore qu’à force de flagornerie, ses courtisans l’ont dépouillé. Pourtant, lorsque les caisses de l’État sont vides, ses officines remplies de fonctionnaires aux missions de devenir, ses entreprises désertées et ses rues envahies par solliciteurs et indignés, lorsque s’installe le désordre comme dans toute maison mal tenue, alors, il y a péril en la demeure. Mais la gauche n’en garde pas moins son cap. Ce qui a échoué une fois peut échouer une seconde fois et il serait dommage de s’en priver. La gauche ne veut pas savoir que les mêmes causes produisent les mêmes effets et ne sait pas que « Dieu se rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes. » Plutôt que d’agir sur ces dernières, elle cherche d’un doigt prompt quelque bouc émissaire à livrer à la vindicte populaire. Elle pratique le déni, les choses qu’on ne nomme pas ne se voient pas et, donc, n’existent pas. Elle sait détourner les yeux et se pincer les narines. Et ses adversaires de droite veulent-ils remédier à la situation - gestion, sécurité, réduction des dépenses publiques, application des peines, rétablissement des frontières, souveraineté, etc. -, aussitôt, elle les voue aux gémonies et aux anathèmes. Comme alibi, elle trouve toujours une minorité à dédommager du préjudice de majorité et lui indiquer le chemin des urnes.
« Les thèmes de la droite », dit-elle avec dégoût, comme si ces thèmes ne la concernaient pas et qu’elle n’ait pas quelque responsabilité dans leur récurrence. Elle préfère se rendre en Vélib' aux conférences de quelque ténor aux verbes conjugués au futur et communier aux vêpres des lendemains qui chantent. À propos de la culture à laquelle Moravia fait allusion, la gauche récuse toute hiérarchie, toute priorité, toute préférence, aussi saupoudre-t-elle. Quant à gagner l’argent nécessaire, elle se contente d’augmenter taxes et impôts. Tout lui est préférable plutôt que ces « thèmes de la droite » qui lui rappellent les monceaux de poussière qu'elle ne cesse de dissimuler sous le tapis.