« Les populistes prennent pour cibles les télévisions publiques » ? L’inquiétude de Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions…

Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, nommée le 1er janvier de cette année à la tête de l’UER (Union européenne de radio-télévision), est inquiète. D’où cet entretien accordé au Figaro, ce 30 novembre. Pour elle, tout est simple, sachant que tout irait sans doute mieux si l’on en finissait enfin avec une « télévision d’hommes blancs de plus de cinquante ans ». Il suffisait d’y penser, quitte à stigmatiser une grande partie de la population française.

Ainsi, certains médias, de Valeurs actuelles au Figaro Magazine, tout en passant par Causeur, ne cessent de se poser la question de l’utilité publique du service éponyme, la candidate Marine Le Pen allant jusqu’à proposer sa privatisation. Et Delphine Ernotte de s’alarmer : « Nous sommes inquiets, car partout les populistes prennent pour cibles les télévisions publiques. Quand on veut réduire la démocratie, on affaiblit l’audiovisuel public. […] Les médias publics sont un pivot pour la vitalité des démocraties et de la culture européenne. »

Et cette dernière de préciser, en qualité de présidente de l’UER : « Nous avons exclu la Biélorussie qui a transformé le service public en média de propagande. » Il est un fait que ce n’est pas sous nos latitudes bienveillantes qu’un tel scandale se produirait, Delphine Ernotte affirmant sans rire : « Nos antennes sont à l’image de la France : extrêmement diverses. À France Télévisions, toutes les opinions sont les bienvenues. […] Les médias sont un bien commun. » D’ailleurs, poursuit-elle, « nous sommes la seule chaîne à organiser le débat politique ».

Là, de deux choses l’une : ou Delphine Ernotte ne regarde jamais la concurrence, ou elle consomme des substances dont même les services sanitaires compétents n’ont pas connaissance. Car en la matière, il n’y a pas que CNews à avoir ouvert ses plateaux à des voix discordantes, tout en permettant à un Julien Dray, parrain de SOS Racisme, d’apporter la contradiction à Charlotte d’Ornellas, ancienne de Boulevard Voltaire passée, depuis, à Valeurs actuelles. BFM TV a emboîté le pas, avec les échanges réguliers entre Geoffroy Lejeune, du même Valeurs actuelles, et Alice Coffin, féministe de l’espèce ébouriffée.

Le monde d’avant était un peu plus « divers »

Pourtant, et n’en déplaise à Delphine Ernotte, le monde d’avant était un peu plus « divers ». Sur TF1, chaîne pas encore privatisée, Jean Bourdier, de Minute, est un invité récurrent du « Droit de réponse » de Michel Polac, où il joute en bonne entente avec Claude Cabanes, de L’Humanité, et Dominique Jamet, du Quotidien de Paris. D’un point de vue musical, il y en avait aussi pour tout le monde : en 1976, Freddy Hausser filme les Rolling Stones aux abattoirs de la Villette, concert diffusé en prime time sur Antenne 2. Puis, Ève Ruggieri nous fait découvrir les beautés de la musique classique avec son émission « Musique au cœur », tandis que Pascal Sevran, avec « La Chance aux chansons », nous donne le meilleur de la variété française, tout en n’oubliant pas Antoine de Caunes et son « Chorus », autre émission de service public grâce à laquelle certains adolescents, arborant aujourd’hui quelques cheveux blancs, pouvaient voir, le dimanche, les prestations d’artistes tels que James Brown, Vince Taylor ou Roxy Music…

Et aujourd’hui ? Rien, si ce n’est « Plus belle la vie », feuilleton sociétal emblématique du service public. Là où l’on apprend, soir après soir, que Ginette a changé de sexe et Maurice de mari, que le voisin d’à côté est un méchant raciste et que, face à l’adversité populiste, mieux s’entraider, sachant qu’on n’est jamais trop aidé.

En attendant, les Français semblent bouder la télévision d’autrefois, publique comme privée. Peut-être parce qu’elle entend nous faire avaler de force, chaque jour que Dieu fait, le même indigeste brouet. À en croire Radio Classique, le temps hebdomadaire passé par nos compatriotes devant l’étrange lucarne aurait diminué de quarante minutes en un an, passant de 4 heures 23 à 3 heures 41. C’est encore beaucoup. Beaucoup trop, ricaneront les esprits coquins. J’en suis.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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