L’enseignement de la grammaire en détresse

grammaire

D'où vient que les enfants sont si nuls en grammaire ? Bien sûr, comme toujours, il y a des exceptions qui confirment la règle. Mais la plupart des élèves sont les victimes de ce mal qui, malheureusement, ne concerne pas que cet enseignement. Le collectif Sauvez les lettres, qui porte bien son nom, vient de lancer une pétition dans un « Appel au ministre de l'Éducation nationale : plaidoyer pour une grammaire scolaire », dont L'Obs du 7 mars s'est fait l'écho. « Il est grand temps d'ouvrir les yeux », écrivent les signataires, mais n'est-ce pas déjà trop tard ?

Les promoteurs de cette nouvelle grammaire enseignée aujourd'hui aux élèves s'appuient sur des travaux universitaires de linguistique, qui sont, sans doute, de qualité, mais ne sont pas transposables à l'école primaire. Ainsi peut-on lire dans cette tribune, selon la terminologie officielle que doivent suivre les professeurs : « Dans la phrase "Je vais à Paris", "à Paris" est un COI (complément d’objet indirect) du verbe aller, et non un complément de lieu, comme le pensent encore naïvement une grande majorité de Français. » N'importe quel enfant comprend spontanément que « à Paris » désigne un lieu, mais qu'est-ce que ce COI qu'on emploie à toutes les sauces ?

Les méthodes pédagogiques contribuent aussi à ce désastre. Depuis quelques décennies, sous l'influence des prétendues sciences de l'éducation, on veut rendre l'enseignement de la grammaire ludique et plus actif, on laisse les élèves manipuler les phrases pour en tirer eux-mêmes des conclusions. Bref, on les fait réfléchir comme des scientifiques alors qu'ils n'ont pas les connaissances de base qui le permettent. Le bon sens préconise un enseignement structuré et progressif où l'on passe du simple au complexe. Il ne semble pas partagé rue de Grenelle, où l'on préconise tout le contraire.

Si l'on ajoute le peu d'heures consacré à l'apprentissage de la langue française, le laxisme qui se substitue à une exigence bienveillante, la quasi-disparition des textes littéraires, les exhortations du ministère et de quelques inspecteurs à sa botte sommant les professeurs de se plier à cette nouvelle grammaire, on comprend pourquoi cet enseignement est aujourd’hui en déshérence et pourquoi la majorité des élèves ont tant de lacunes en orthographe. Sans compter que cet enseignement, qui n'en est pas un, nuit aux plus défavorisés socialement, qui ne peuvent compter que sur l’école publique pour s'instruire et se cultiver.

« Comme vous le savez, c’est sur les ruines de la grammaire que germe l’obscurantisme », conclut l'appel au ministre. On peut douter qu'il y soit sensible. Il fait, en effet, partie de cette caste qui met ses enfants à l'abri des dérives qu'elle laisse se propager dans l'enseignement. Pour elle, le peuple n'a pas besoin d'accéder à la logique de la langue, à la compréhension d’un texte et à la profondeur de la littérature. Ce serait même dangereux qu'il pût faire preuve de jugement critique et se mît à penser par lui-même. Il est fait pour exécuter et consommer sans se poser trop de questions.

Tous ces progressistes de pacotille feraient bien de relire Condillac, qui écrivait en 1775 : « Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser. » Un peuple qui pense, c'est le cauchemar de nos prétendues élites. C'en serait fini de leur suprématie, de la morgue qu'elles ont du mal à cacher et dont Macron est le parangon.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Le niveau, si tant est que l’on puisse parler de « niveau »,est en chute libre, sans jeu de mots,depuis 1968 !
    La langue française disparaît au profit d’un franglais, stupide !
    Je parle couramment anglais, mais je déteste voir ma langue ancestrale disparaître !
    Soit on parle français, soit anglais, ou une autre langue !

  2. « Vendre ou Vendu » Vous vous souvenez? C’est déjà la première chose à faire si c’est « vendre » c’est ER (infinitif) et si c’est « vendu » (participe passé) on demande qu’est ce qui a été vendu? Si l’on sait ce qui a « été vendu » on accorde, sinon c’est É. Tout simple, non? À 80 ans, c’est automatique dans ma tête. Ça n’exclue pas les fautes d’étourderie dont je suis friande!!!

  3. Déliquescence de la culture française ou redirection des priorités, mais il me semble bien que Condillac soit plus connu par une charade à tiroirs (eessentiellement spirituelle) que par sa production savante.
    Par ailleurs, tout, dans cet article, est juste. Et la conclusion de l’adresse au ministre n’a rien de nouveau, puisque « les ruines de la grammaire » remplacent par d’autres mots « l’ignorance » dénoncée par nos lumières, et d’autres, bien avant que la France ne devint une République.

  4. Je vois la photo accompagnant l’article du -est-ce le Bescherelle ??- ouvert sur le participe passé, et j’avoue avoir parfois du mal avec ce point précis, quand accorder ou ne pas accorder …
    Mais cette complication extrême du français a parfois du bon, en particulier pour faire la part du vrai et du faux quand on reçoit un email de sa banque, ou ce qu’on croit être sa banque. Les faux emails ont invariablement des erreurs d’orthographe ou de syntaxe, et merci à tous ceux qui ont préservé ce casse-tête linguistique depuis des siècles.

    • complication extrème ? Essayez donc d’apprendre le polonais, le portugais ou le mandarin !

  5. Les analyses logiques et les analyses grammaticales parfois fastidieuses nous ont tout appris ..;Leur suppression a été le début de la chute de notre enseignement .
    C’est trop tard on ne reviendra pas en arrière .Encore une déconstruction voulue .Lisez Brighielli.

  6. Nous prêchons, nous prêchons mais tant que le pouvoir dormira sur ses ronds de cuir ou fera la sourde oreille, rien ne changera. Rappelons encore et encore l’objectif sournois, inavouable de Macron , la déconstruction de la France. Tout converge vers cet acte, toutes les activités laissées volontairement en déshérence, à l’abandon, au gré des courants et pouvoirs de minorités décadentes. O bien sûr des ersatz amusent, distraient, les vigilances en sont ainsi endormies. Mais nos élites, nos supposées élites s’en réjouissent. Elles disposent de bretelles qui leur permettent d’échapper à ce désordre, elles gardent ainsi leur domination, leur dirigisme. Elles vivent sur le dos de la misère humaine.

  7. Bonjour
    Cette haine des socialistes pour l’intelligence est assez fondée, car c’est précisément l’intelligence qui sera l’obstacle éternel devant lequel se briseront leurs idées égalitaires. (Gustave Le Bon)

  8. Le BLED et rien que le BLED, mes enfants l’ont avalé, et ma fois ça n’a pas nuit à leur carrière, au moins ils savent s’exprimer en français, ce qui leur a été utile en prépa.

  9. Comme vous le soulignez si bien ils ne veulent plus de gens capables de comprendre et réfléchir , ils veulent des moutons bien soumis . Cela bien sur pour le peuple uniquement , leurs enfants fréquentent les meilleures écoles . Pas d’écriture inclusive , pas de drag queen ….

    • Bonjour
      « Un individu conscient, éveillé et debout est plus dangereux pour le pouvoir en place que 10.000 individus endormis et apeurés. »
      Gandhi

  10. « Ce qui est ». Il aurait été plus clair de maintenir la formule « il y a accord du participe passé avec le COD si celui-ci est placé avant l’auxiliaire avoir. En plus, fastoche de repérer le COD rien qu’en posant la question « quoi » : elle a acheté « quoi ? », les livres pardi !
    « Ce qui est » est bien vague, quelque peu métaphysique. Cela suppose qu’il y a des choses ou même des êtres qui ne sont pas, qui n’ont pas d’existence. Mais s’ils ne sont pas, comment prouver qu’ils ne sont pas ? Les nouveaux grammairiens n’ont pas pensé à ça ! en plus le « ça » de mon ancien prof de philo n’avait déjà pas bonne réputation… Enfin, la grammaire woke rejoint, malgré elle, la fameuse phrase « être ou ne pas être, telle est la question ». Comme quoi le wokisme ne peut se défaire de la culture classique.

  11. Votre conclusion, monsieur Kerlouan, résume bien le pourquoi de cette volonté d’acculturation de nos enfants.

  12. Comment voulez-vous que les professeurs des écoles enseignent correctement des règles de grammaire qu’ils n’ont, eux mêmes, pas comprises ?
    La création des IUFM fut une catastrophe.

  13. Il vaut mieux enseigner le sexe aux enfants que la grammaire c’est bien ce que veux faire le ministre .

    • « Il », masculin. » Elle », féminin. Grammaire classique.
      Selon la grammaire woke, « iel », masc-fem ou mâl-fem ou femmâl. On mélange, on associe les deux sexes, ce qui donne une grammaire hermaphrodite. Et dans l’antiquité romaine, l’hermaphrodite était considéré comme une espèce de demi-dieu. C’est assez symbolique puisque le nouvel homme dont parlait Macron et que veulent créer les mondialistes transhumanistes serait un demi-dieu transformé biologiquement par la science de l’ADN, l’ajout de puces informatiques, de nanoparticules.

  14. Un peuple qui pense est un peuple qui désobéit. Il fait donc l’abrutir.

    40 ans de soumission gauchoïde y ont contribué.

    « Ce serait même dangereux qu’il pût faire preuve de jugement critique et se mît à penser par lui-même… »

    Merci d’avoir employé l’imparfait du subjonctif qui est un heureux rappel de la richesse de notre belle langue lorsque le passé simple de l’indicatif est devenu un simple rappel désuet dans le cursus de l’Édulcoration Nationale.

  15. Le problème vient du fait qu’on persiste à considérer les « sciences » sociales comme de véritables sciences.
    Du coup, ces charlatans modernes bénéficient d’un crédit complètement usurpé ne reposant sur aucun résultat.
    La sociologie est une pseudo-science parmi les plus fumeuses, il faut donc arrêter d’écouter ses soi-disant diplômés et chercheurs pour revenir à ce qui a fait ses preuves.
    Et tant pis si le délégué syndical Sud Éducation doit prendre un peu plus de temps à préparer ses cours et corriger ses copies.

    • Je suis entièrement d’accord: les « sciences » sociales, et même économiques n’ont de science que le nom usurpé : Pour les unes , il s’agit d’un brouillard fumeux évitant lettres, sciences et même mémoire afin der ne rien choisir ; Pour les autres il s’agit de technique

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