Les 24 mai et 7 juin 1869, les électeurs masculins de plus de 21 ans sont appelés aux urnes. Ils doivent renouveler la Chambre, qui est composée de 283 représentants rassemblés dans un Corps législatif. Ils ont été élus en 1863 et remettent leur mandat en jeu, étant entendu que le régime impérial a pris, dès 1860, un tournant un peu plus libéral : la loi sur la liberté de la presse a été assouplie. Dès les élections de 1863, l’opposition a pu tenir des réunions privées. En 1868, la loi du 6 juin tolère les réunions publiques de l’opposition, au grand dam de la gauche qui la trouve encore trop restrictive et à celui de la droite très conservatrice qui la juge « dangereuse ». Un journaliste, Étienne Masseras, écrit à propos de cette campagne de mai-juin 1869 : « Non seulement les candidats ont eu à s’expliquer devant un public mixte, inconnu par eux et souvent renouvelé, mais il leur a fallu répondre à mille questions posées à l’improviste par les assistants. Mieux encore : on a pu voir des rivaux, des adversaires politiques comparaître côte à côte devant les électeurs dont ils sollicitaient concurremment les suffrages. »

Le « temps des réformes utiles » voulues par l’empereur Napoléon III (1808-1873) commence à porter ses fruits et à irriguer les esprits. Le vent de liberté qui souffle sur ces élections prend un caractère tempétueux avec des émeutes qui commencent à éclater un peu partout en France. Ont-elles, comme certains le suggèrent, été une répétition de la Commune de Paris en 1870 ? Les historiens en débattent encore, même si beaucoup de ces incidents se déroulent après le second tour des élections législatives fixé au 7 juin.

Avant le premier tour, dans la région de Saumur, le député sortant Charles Louvet (1806-1882) aborde ses électeurs en porte-à-faux et réussit à glisser du « parti impérial » vers le tiers parti malgré son étiquette de candidat officiel, c’est-à-dire favorable à Napoléon III et ayant l’appui des autorités administratives (préfets, maires…). Beaucoup font comme lui et, finalement, le clan bonapartiste se scinde en deux camps avec, d’un côté, les « libéraux » et, de l’autre, les « autoritaires ». Au soir du 7 juin 1869, le premier camp récolte 42 % des suffrages exprimés et envoie 120 députés. Le second camp recueille 32,5 % des voix, ce qui lui permet de conquérir 92 sièges. Les bonapartistes restent largement majoritaires, avec 212 sièges sur 283, bien qu’ils perdent presque 40 sièges d’un scrutin à l’autre. Les royalistes gagnent 26 sièges par rapport à 1863 et se comptent 41 représentants. Les républicains, qui disposaient de 17 sièges dans la législature précédente, en remportant 30, commençant petit à petit à grignoter ce que beaucoup appelaient le régime des notables. Napoléon III nomme Eugène Schneider (1805-1875) président du Corps législatif.

Les réformes libérales ne vont cependant pas sauver Napoléon III, qui abdiquera quinze mois plus tard. C’est déjà le début de la fin…

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25 mai 2019 à 9:06

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