Le steak, symbole de virilité ? Déconstruits ou épluchés, les hommes sur le gril écologiste…

barbecue

On n'arrête plus Sandrine Rousseau. Samedi 27 août, à Grenoble, l'écologiste la plus originale de sa génération a affirmé qu'il fallait faire en sorte que faire cuire un steak ne soit plus considéré comme un symbole de virilité. Twitter a réagi, plus ou moins bien, à cette sortie. Le quotidien Libération, évidemment, s'est empressé de rappeler que, oui, les hommes considéraient que faire cuire la viande était une de leurs prérogatives. On peut notamment lire dans le quotidien de gauche cette phrase pleine de gentillesse et d'objectivité : « En effet, qui n’a jamais vu l’Homme devant son barbecue, remuant une saucisse comme s’il s’agissait du saint Graal, commentant avec la précision d’un entomologiste la cuisson des ribs de porc, déposant triomphalement son entrecôte saignante sur la table familiale avec la satisfaction du devoir accompli ? » Tous des bourrins, ces hommes ! Y a que la viande qui les intéresse. Et quand on ne mange pas de viande, c'est qu'on est une gonzesse, c'est bien connu.

Patriarcat du steak

On pourrait exhumer les travaux de Priscille Touraille, anthropologue au CNRS, essayant de démontrer dans un livre que, si les femmes étaient en moyenne plus petites que les hommes, c'était parce que le patriarcat préhistorique leur avait volé leur viande à coups de poing dans la gueule. Cette injustice, expliquait-elle, avait fini par modifier le patrimoine génétique des femmes. Ou, tout, simplement, on peut écouter Clémentine Autain qui affirmait, ce 29 août sur BFM, qu'il y avait une différence de consommation de la viande entre les femmes et les hommes.

Prenons les choses dans l'ordre. Un ascète qui ne mange pas de viande manque-t-il des qualités traditionnellement considérées comme viriles (engagement, volonté, sacrifice, don de soi) ? Non. Un homme qui fait griller de la viande espère-t-il secrètement être considéré comme un homme préhistorique ? Non plus. La viande contient des protéines qui favorisent la croissance musculaire et elle est associée, dans l'inconscient collectif, à la chasse, traditionnellement plutôt une activité d'hommes. Certes, mais c'est un peu léger.

Cette guerre des représentations est de nature quasiment psychanalytique. Dans l'esprit de celles et ceux qui détestent les hommes, c'est toute une imagerie qu'il faut « déconstruire ». Sandrine Rousseau, inventrice (inventeure ?) de l'Androcène, l'âge de tous les maux parce que l'âge du patriarcat, n'est pas la dernière. Ces gens, qui sont souvent des femmes mais pas seulement, se font des hommes une image caricaturale : goût de la force brute, manque de délicatesse, prédilection pour les activités meurtrières et/ou très polluantes, amour de la conquête et du massacre, incapacité à faire preuve d'empathie... Ont-elles ou ont-ils seulement rencontré des mufles de ce calibre ? Cela m'étonnerait. C'est un peu comme si un homme affirmait que les femmes, par essence inconstantes, irrationnelles, vénales, coquettes, mauvaises langues et incapables de sang-froid, étaient responsables d'un monde hypocrite, dominé par l'émotion immédiate, incapable de recul, faussement compassionnel, faussement amical, qui marchandise tout et ne propose que de la mode jetable, jusque dans les domaines qui sont censés durer. Un peu caricatural, non ?

Seulement voilà : de même que traiter quelqu'un de sale Blanc n'est pas considéré comme du racisme, puisque les Blancs sont des profiteurs, considérer les hommes comme des primates n'est pas insultant. Dans l'esprit de ces militant.e.s, l'homme doit être déconstruit. Il est simplement surprenant que cette haine du mâle blanc « traditionnel », dans sa forme la plus exagérée, se double d'une fascination pour la figure du migrant, venu de pays maghrébins ou africains dans lesquels les femmes n'ont pas tellement le loisir d'insulter les hommes.

On attend les prochaines prises de parole de Sandrine Rousseau. En attendant, au nom de l'inclusivité, de la tolérance et du respect de l'ordre naturel des choses, elles pourraient enfermer tous les mangeurs de viande dans des camps, leur interdire de s'exprimer et mettre fin au système reproductif patriarcal : on irait alors vers une parthénogénèse écoféministe, végétarienne et dégenrée. On appellerait ça, je présume, la démocratie.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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