« Le sommet de l’État n’écoute pas les Français, d’où l’abstention et la colère ! »

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Analyse des raisons profondes de l'abstention : souffrance de la France périphérique, colère des gilets jaunes, mépris du peuple.

https://www.youtube.com/watch?v=TA4aylzN5Yg&ab_channel=BoulevardVoltaire

Le 27 juin aura lieu le second tour des élections départementales et régionales. Ces élections sont marquées par une abstention historique, puisque pas loin de 7 électeurs sur 10 ne se sont pas rendus aux urnes lors de ce premier tour. Ces Français sortent de plusieurs vagues de Covid-19 et ont vu l’économie se fragiliser. Peut-on aller chercher les causes de cette abstention dans ces facteurs-là ?

En grande partie, oui. Les causes sont multiples. Tout à coup, on a dit notamment aux commerçants qu’ils faisaient partie des métiers non essentiels. Notre pays affronte une crise et, au lieu de dire qu’il faut être solidaire et que toutes les énergies sont nécessaires, on dit à ces gens qu’ils ne sont pas essentiels pour le pays, alors on vous met sur le côté et on va vous indemniser.

On a dit aux travailleurs que leur travail ne servait quasiment à rien. Comment voulez-vous que ces personnes se mobilisent dans l’intérêt du bien commun et se mobilisent en allant voter ?

C’est les dégoûter de toute la vie sociale, d’autant plus que l’on ne connaît pas trop quelles sont les prérogatives tant des régions que des départements. Ce que l’on connaît le mieux, c’est l’Assemblée nationale et elle ne sert pratiquement à rien.

Prenons l’exemple de la loi Bioéthique. Une partie de la population est très attachée à ce que l’intégrité humaine soit sauvegardée. Dans la législation, une loi veut permettre de priver intentionnellement un enfant de père et veut permettre la création de monstres, de chimères. Il n’y avait qu’une poignée de députés pour en discuter. Comment voulez-vous, ensuite, que l’on fasse confiance à cette classe politique ?

Les vrais gilets jaunes qui étaient dans la rue sur les ronds-points crient au secours depuis des décennies de ne pas les laisser à l’abandon. Ces gens-là n’ont absolument pas été écoutés et entendus, pourtant ils avaient prévenu en disant qu’ils n’iraient pas voter. Voilà les multiples raisons qui expliquent cette abstention.

 

Peut-on dire que les Français n’ont pas expliqué aux politiques qu’ils étaient, eux aussi, pour eux, non essentiels ?

C’est exactement cela. Les politiques n’écoutent pas les Français et les corps intermédiaires n’existent pratiquement plus. Un corps intermédiaire est un corps constitué et organisé qui fait remonter ses revendications, sa façon de voir les choses au plus haut niveau du pays et, surtout, qui est en capacité de prendre des décisions. C’est ce qu’on appelle le principe de subsidiarité.

Visiblement, au plus haut sommet de l’État, on n’écoute pas les Français.

Rappelez-vous le référendum sur l’Europe : les Français avaient dit non et le pouvoir politique avait dit oui. Par conséquent, il est tout à fait logique que les Français se disent qu’ils ne servent à rien, même lorsqu’ils s’expriment dans les urnes, alors pourquoi se déplacer ?

La colère est présente. Les soucis exprimés par les gilets jaunes et par les travailleurs sont toujours présents. Lorsque je dis les travailleurs, j’englobe les salariés qui s’inquiètent pour leur avenir, pour leur emploi et pour leur salaire. Ce sont aussi les professions libérales, les indépendants, les artisans, les chefs d’entreprise et les commerçants. Puisqu’ils ne sont pas écoutés, la colère monte. Le problème, c'est que lorsque la colère explose, ce n’est pas toujours intelligent et constructif.

Je suis à Sofia avec les syndicalistes européens des pays de l’Est et je peux vous dire que le sentiment est à peu près le même partout. Ce n’est pas très réjouissant. Lorsqu’on en est à remplacer les hommes politiques par des humoristes, c’est qu’il y a vraiment un gros souci.

Joseph Thouvenel
Joseph Thouvenel
Secrétaire confédéral de la CFTC, président de l'Union départementale de Paris.

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