Le Schmilblick a drôlement bien avancé

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Décidément, le temps est à la nostalgie. Avec la disparition de Jacques Chirac s’est éteint l’un des derniers ministres ou secrétaires d’État du général de Gaulle. Trois, seulement, sont encore en vie : un certain Jacques Trorial, secrétaire d’État à l’Éducation nationale après les événements de Mai 68, Albin Chalandon, plus connu, et, évidemment, Valéry Giscard d’Estaing, qui tient bon la barre. Il est vrai, comme disait Alphonse Allais, que « plus on ira, moins il y aura de centenaires qui auront connu Napoléon Ier ».

Rien à voir avec la disparition du paysage politique du général de Gaulle en 1969, mais la même année, le 29 septembre, très exactement, il y a donc un demi-siècle, apparaissait, sur le petit écran de la première chaîne de l’ORTF, la première émission du « Schmilblick ».

Qu’est-ce que le Schmilblick (ou schmilblic) ? C’est la question que posa, durant plus d’un an, le regretté Guy Lux à la France pompidolienne, à l’heure où la ménagère préparait le dîner et faisait réciter les leçons aux enfants pendant que le mari lisait le journal (la libération de la femme n'avait pas encore produit tous ses effets). Apparaissait à l’écran, en noir et blanc, la photo d’un objet pris en gros plan. Il s’agissait de découvrir ce qu’était cet objet mystérieux, ce qui était loin d’être évident. Le jeu faisait le tour de France quotidiennement, allant de ville en ville, comme Kiri le clown dans sa roulotte. Les Français et Françaises moyens et moyennes, endimanchés, cravatés, parfois chapeautés, défilaient poliment et gentiment devant le micro. Ils déclinaient dans l’ordre nom et prénom, comme à la communale ou au service militaire, et se prénommaient Roger, Gilberte, Marcel, Micheline ou Jean-Claude. Parfois, un gamin – on ne disait pas encore un jeune – s’aventurait devant les caméras, présentant son autorisation parentale.

Bon, on va s’arrêter là et ne pas sombrer dans la nostalgie. Ce n’est pas le moment !

Amusant, tout de même, que ce jeu éphémère soit passé à la postérité avec l’expression « faire avancer le schmilblick ». Pour beaucoup de candidats, il ne s’agissait pas tant de trouver la réponse que de passer à la télé. Alors, ils posaient leur question et lorsque Guy Lux leur demandait à quoi ils pensaient, ils répondaient : « À rien. C’était pour faire avancer le schmilblick. » Expression que Coluche rendit célèbre, cinq ans plus tard, avec son sketch du Schmilblick.

Faire avancer le schmilblick ! Faire avancer les choses, être constructif, aller de l’avant. Être progressiste, quoi !

En cinquante ans, on peut dire qu’ils ont drôlement fait avancer le schmilblick. Roger, Gilberte, Marcel, Micheline ou Jean-Claude, que nous évoquions plus haut, ne sont peut-être plus de ce monde, ou alors en EHPAD, où le soir ils peuvent regarder Hanouna. Le jeune Thierry, âgé de 13 ans à l’époque, taille peut-être ses rosiers dans son pavillon après des années de chômage et de préretraite. Ses petits-enfants se prénomment Ugo, Mila, Léo, Léa ou Mohamed.

Pendant ces cinq décennies, et plus particulièrement durant les trois dernières, le jeu a souvent consisté, en France, à, justement, ne pas découvrir, à ne pas nommer, à ne pas trouver le schmilblick. Plus on regardait la télé, moins on semblait voir. Le schmilblick n'était pas un objet. Encore moins un sujet. Vous pensez à quoi ? À rien, c’était pour faire avancer le schmilblick…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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