Le roman de l’été : La Reconquête (3)

reconquete

Pour lire le deuxième épisode : ici.

Quelques heures plus tard, palais de l’Élysée

Le Président avait convoqué l’ensemble de son gouvernement en réunion de crise. Les visages tendus, concentrés, attendaient que le ministre de l’Intérieur arrive. Le Premier ministre ne tenait pas en place, sillonnant la pièce à grandes enjambées.

– Assieds-toi Valérie, je t’en prie. La demande émanait du Président dont l’inquiétude allait croissant. Un silence pesant s’installa durant quelques minutes. Valérie Pécresse s’arrêta de marcher. Elle avait rejoint le Président en 2022, entre les deux tours, pour prendre la place de Premier ministre à défaut d’avoir su prendre la tête des Républicains. Soudain, des éclats de voix retentirent au loin, s’approchant dangereusement, tel un orage. Ils enflèrent jusqu’à ce que la porte s’ouvre. Le ministre de l’Intérieur fit irruption dans la salle, suivi des membres de son cabinet :

– C’est la panique générale, c’est un coup monté, on est foutus.

– Comment ça Christophe ? Pourquoi tu parles de coup monté ?

– Il y a eu 27 attaques dans plein de villes différentes : Marseille, Lyon, Toulouse, Saint-Denis, Lille, Nantes…

– 27 ? Mais on parle de combien de victimes, au global ?

– Emmanuel, le ton du ministre de l’Intérieur devint solennel, plus calme, donnant l’impression d’un abandon définitif, tout était parfaitement orchestré. Ça fait des années que ça devait nous tomber dessus, et là, ils ont gagné. On a des milliers de radicalisés à suivre, ça fait trois ans que je te dis qu’on ne s’en sort pas. Collomb a eu raison de partir en 2018, il savait qu’on allait droit dans le mur et il ne voulait pas passer pour le responsable… Les rapports qui remontent du terrain corroborent tous les premiers éléments que je t’ai livrés : les terroristes étaient tous passés sous les radars. On ne les connaît pas, pour la plupart. Ils ont été approvisionnés en armes et en ordres par les mosquées les plus chaudes, mais presque aucun d’eux n’était officiellement pratiquant. Ils nous ont bernés, nous avons concentré toutes nos forces pendant des années sur les extrémistes les plus visibles et sur ceux qu’on avait rapatriés du Moyen-Orient et, en parallèle, ils préparaient des troupes invisibles sur tout le territoire…

Christophe Castaner, fidèle à lui-même, parla sans interruption. Ses phrases longues, ponctuées par quelques « euh », rendait son propos rébarbatif, mais il savait choisir ses mots. Le Président l’avait rappelé au ministère de l’Intérieur quand Gérald Darmanin avait été trop clair sur ses ambitions présidentielles. Emmanuel Macron lui répondit :

– Bon. Nous savons désormais qui nous attaque et dans quel but. Maintenant, nous allons avoir toute légitimité pour restaurer l’ordre dans les banlieues. Je pense que nous allons devoir déployer l’armée. En revanche, nous allons faire face à un autre problème : il semble qu’il y ait eu plusieurs jeunes, voire très jeunes, tués par des policiers dans de fausses attaques. Est-ce vrai ?

– Oui, au moins cinq gamins sont morts dans différentes villes, ils ont fait semblant d’attaquer des policiers ou des postes de CRS. Nos forces de l’ordre ont tiré, alors que les armes des assaillants étaient factices ou chargées de balles à blanc. C’est ça, le coup monté !

Son regard semblait perdu dans le vide. Le Président assimila ces informations calmement et, après un temps de silence, réagit :

– Tout cela a donc été parfaitement orchestré. Non seulement nous devons éteindre les émeutes en prison, protéger nos concitoyens, déblayer les restes des attentats, commémorer nos morts, mais, en plus, nous allons probablement faire face à des manifestations monstres venues des cités à la suite du décès de ces jeunes. Ils vont les prendre pour des martyrs et ils se moqueront du contexte. Tout ce qu’ils retiendront, c’est que des enfants armés de pistolets à billes ont été tués gratuitement.

Il avait tout de suite compris la double menace que les islamistes cherchaient à faire naître. Le piège était bien pensé. D’un côté, les attentats qui avaient causé la mort de plusieurs centaines de Français allaient forcément engendrer une réaction de l’extrême droite et de la France périphérique. Cela risquait de créer des tensions énormes dans tout le pays. Les Français allaient être furieux contre le gouvernement qui serait tenu pour responsable du drame. De l’autre côté, le fait que cinq gamins des cités avec des armes factices soient tués en ferait des victimes aux yeux des musulmans et des cités. Elles allaient probablement se soulever et être, une fois encore, le théâtre d’émeutes monumentales. Ses prédécesseurs et lui-même avaient déjà connu les deux situations. Lui avait failli chuter en 2019 au moment des gilets jaunes, Chirac avait été sur la sellette en 2005. Mais, cette fois, Emmanuel Macron allait devoir subir les deux simultanément.

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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/08/2021 à 14:49.

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