Le roman de l’été : La Reconquête (2)

Il s’approcha du gardien de prison le plus proche, sortit son couteau et hurla « Allahou Akbar! » Aujourd’hui, la France allait payer.
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16 février 2026, Fleury-Mérogis

Youssouf rentra dans le bâtiment, dont la façade grise et sale surplombait une cour close, en frissonnant. Il ne supportait plus le froid glacial qui traversait le pays de part en part depuis d’interminables semaines. Il était heureux que cela se termine, définitivement. Il regarda ses camarades à travers la vitre. Ils se recroquevillaient en fumant leur cigarette, s’accrochant à ce petit bout de chaleur qui encombrait doucement leurs poumons. Les hauts murs d’enceinte, hérissés de barbelés et surmontés de miradors, rendaient l’atmosphère écrasante.

Il se demanda comment ils pouvaient supporter de s’étouffer avec une fumée artificielle dans un environnement si suffocant. Il pénétra dans la salle commune sous le regard pesant, lourd d’attente et pourtant craintif, de ses coreligionnaires. Ils savaient tous que le jour était venu. Personne ne l’avait balancé, il était certain qu’aucun des détenus n’oserait trahir son secret. Il avait derrière lui de puissants réseaux, ils le savaient et le craignaient. De toute façon, même si c’était le cas, il était trop tard pour l’arrêter. La salle était étrangement calme, il avait l’impression d’être sous l’eau, les sons atténués lui semblaient lointains, inaccessibles. Il entendait, mieux, il sentait son cœur battre, doucement, comme s’il avait conscience de sa fin imminente. Le sang pulsait à ses oreilles. Tout semblait ralenti, comme s’il avait été dans une autre dimension. Il ne faisait déjà plus partie du monde des hommes. Depuis des mois, des soldats de l’ombre comme lui s’organisaient dans de nombreux endroits.

Ils avaient prévu d’agir de concert pour faire vaciller leur ennemi, lui faire comprendre qu’il avait perdu le contrôle. Le manque de surveillance et les faibles moyens que ses adversaires s’étaient donnés en avaient fait une proie facile, blessée. Il était temps de la mettre à mort. Il s’approcha du gardien de prison le plus proche, sortit son couteau et hurla « Allahou Akbar! » Aujourd’hui, la France allait payer.

Le même jour, Saint-Denis

Akim se baladait dans le centre-ville de Saint-Denis en gardant les mains dans ses poches pour les maintenir au chaud, à l’abri de l’effroyable vent qui soufflait depuis trois jours sur la ville. Il s’ennuyait fermement chez lui, il s’était donc décidé à rejoindre ses amis là où ils traînaient toujours. Sa mère avait encore crié, elle ne voulait pas qu’il voie les « extrémistes du quartier ». Mais depuis que son père était parti, Akim se moquait de l’autorité. Il n’avait plus peur de sa mère, il n’avait pas à lui obéir. Il devait obéir à une seule personne : l’imam. Il n’était pas pour autant toujours d’accord avec ses amis, il les trouvait trop haineux, toujours à parler de vengeance, d’infidèles, de conquête… Lui préférait avancer, il avait déjà décidé, du haut de ses 14 ans, qu’il ne détesterait pas les Blancs. Il choisissait de les ignorer, ce n’était d’ailleurs pas difficile : à part quelques vieux, il n’en voyait jamais, si ce n’est à la télé, et, même là, de moins en moins.

Il arriva bientôt au porche du HLM sous lequel se trouvait en permanence l’un ou l’autre de ses « frères », comme il les appelait. Il était fier d’avoir pour amis des jeunes de 16 à 25 ans, il ressentait cela comme une marque de confiance. Il n’y avait personne au lieu de zonage habituel. Bizarre. Il décida d’aller au centre commercial, là, il devrait y trouver quelques-uns de ceux qu’il cherchait. Il arriva par la place de la Halle et entra dans le centre. Il déambula puis aperçut rapidement Farid, l’un de ses plus proches amis, au loin. Il s’inquiéta tout de suite de sa présence dans le centre commercial, Farid était recherché par la police pour avoir agressé un jeune homme quelques jours plus tôt, il était censé se cacher chez des amis pendant quelques semaines, d’autant que le gars qu’il avait cogné était dans le coma et que Farid en était à sa quatrième récidive.

Il s’approchait de son ami quand il vit deux policiers se diriger vers lui, Farid ne les avait pas vus, il hurla : « Va-t’en, va-t’en Farid ! » Ce dernier se retourna et aperçut les policiers, il commença à courir et il sortit une arme de poing, il se retourna dans sa course et visa les forces de l’ordre. Des coups de feu fusèrent. Trois. Farid s’écroula et son arme glissa sur le sol jusqu’au premier vigile. Une flaque de sang s’élargissait sous son corps sans vie, criblé de deux balles, la troisième avait troué un mannequin dans une vitrine voisine. Akim s’approcha, les yeux fixés sur le visage de son ami, perdu dans un abîme d’incompréhension et de tristesse. Le policier le plus proche ramassa l’arme, il l’observa, écarquilla les yeux et murmura : « Putain, c’est un pistolet à bille ! »

 

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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/08/2021 à 14:49.

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