Le procès déjà raté des crimes du 13 novembre 2015
Le procès dit « du Bataclan », ou « des terroristes du vendredi 13 novembre 2015 », s'est ouvert ce 8 septembre. Sur les vingt prévenus, Salah Abdeslam est le principal accusé, seul survivant des « commandos ». Un magistrat se félicite de la tenue (six ans après les faits !) de ce procès qui sera « l'occasion de permettre aux victimes de faciliter leur travail de reconstruction [...] un devoir de mémoire ». Mais les Français risquent de ressentir une profonde et sourde amertume, non sans raisons. « J'ai plus peur de nos propres erreurs que des plans de nos ennemis », disait Périclès.
Pour le président de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats, « ce n'est pas le procès des pouvoirs publics, de l'État, des responsables politiques et des services. C'est le procès des personnes qui sont dans le box ». Après une des nombreuses déclarations islamistes d'Abdeslam, le président de la cour d'assises spéciale lui a répliqué : « Ici, on n'est pas dans un tribunal ecclésiastique, on est dans un tribunal démocratique. » Une référence surréaliste à l'Église. Autre étonnement : après son abominable forfait, Abdeslam, arrêté en Belgique en mars 2016, n'a été extradé vers la France qu'en 2018. Nous sommes en guerre mais nos systèmes judiciaires sont phraseurs et lents. Quant aux commentateurs judiciaires et politiques, ils ont déjà accepté la qualification pénale retenue : ce sera un procès pour « meurtres en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste » (Code pénal, art. 421-1 et s.). Et c'est tout. Certes, il encourt la peine maximale, mais ce monstre finira-t-il ses jours en prison ?
Si, pour la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), les États sont libres de fixer la durée légale des peines de prison et libres d'infliger, pour les crimes très graves, des peines de prison perpétuelle, la Cour proclame aussi que la Convention (art. 3) est violée quand cette peine est incompressible (et, donc... perpétuelle !) : il faut pouvoir réviser la condamnation si le détenu s'est amendé au point de remettre en cause la motivation de la sentence... Et les victimes ?
Ensuite, l'incrimination basée sur l'article 421-1 est bien terne face à la force symbolique de ces attaques. Car ce texte ne fait aucune distinction selon la nature des terrorismes, se bornant à viser les « actes [...] commis en relation avec une entreprise collective [...] ayant pour but de troubler gravement l'ordre public (sic) par l'intimidation ou la terreur ». Notamment les « atteintes volontaires à la vie » (sic ! ).
Or, il existait, en France, d'autres incriminations possibles, d'une autre gravité morale, politique et judiciaire, dont les fondements remontent au procès de Nuremberg et à la résolution de l'ONU (de 1946). Le génocide et les crimes contre l'humanité (art. 211-1 et 212-1) se définissent par l'exécution d'un plan concerté, visant à la destruction, même partielle, par l'atteinte à la vie d'un groupe national ou religieux ou d'un groupe de population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique. Quiconque se revendique d'Al-Qaïda, Daech, AQMI, Boko Haram, etc., se place, au su de tous (États et juges compris) dans une perspective génocidaire. Abdeslam n'a-t-il pas dénoncé la participation de la France à la guerre contre Daech ?
Alors que Nuremberg avait été le procès du génocide nazi, les organisateurs du procès qui commence n'ont pas pris la mesure ni compris la nature du djihad islamiste et sa volonté génocidaire expresse (en Syrie, Irak, Nigeria), son implantation durable sur le territoire français et le grave risque à long terme qu'il fait peser sur notre société. La protection des Français exigeait de nommer le mal et de le traiter pour ce qu'il est : un acte inscrit dans un plan criminel contre l'humanité, et non pas un terrorisme ordinaire (tels les nationalismes basque, breton, corse, irlandais, ou les gauchismes italien, allemand ou français des années 70-90). Les islamistes revendiquent leur rattachement au combat global de l'islam contre l'Occident (en particulier contre la France). Une réflexion, même rapide, au sujet de l'islamisme criminel permet d'en identifier les caractéristiques essentielles : Abdeslam se dit religieux, il est politique et organisé, il revendique le crime, se veut mondial, ensanglantant tous les continents, et cherche à entretenir la haine par l'idée de guerre de civilisations. Que faut-il de plus ?
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