Le livre de l’été : La Reconquête (22)

reconquete

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Matignon

Il regardait Laurent Wauquiez parler avec animation, fasciné par cet homme qui avait tant évolué en trente ans. D’abord centriste avec Barrot, il avait droitisé son propos année après année, avait pris conscience des problèmes liés à l’immigration et aux angoisses identitaires que traversait le pays.

Éric Zemmour avait d’abord été méfiant, persuadé que Wauquiez changeait de discours par opportunisme. Il savait, d’ailleurs, l’influence qu’avait eue Patrick Buisson sur lui, avant que Wauquiez ne décide de prendre ses distances. Mais la réalité était un peu différente : si Wauquiez avait commencé à changer de vision par souci électoraliste, il avait compris que le peuple aspirait à un programme très à droite, tout en ayant peur d’élire des « extrémistes ». Il avait, ensuite, été convaincu que son discours était en fait la seule bonne réponse aux problèmes que traversait la France.

Wauquiez était en pleine conversation avec Patrick Buisson et Marion Maréchal. Le sujet du jour, brûlant, était la prise de décision concernant les cités. Il fallait à tout prix commencer à reprendre l’initiative face à Ogras et ses maîtres qui avaient, d’après la DGSI, pour projet de préparer un référendum pour les zones dont ils avaient le contrôle dans le but d’instaurer la charia.

– Tu es consciente que, si nous n’agissons pas, ils auront toute légitimité pour imposer la charia sur des portions entières de notre territoire ? Et que s’ils obtiennent un oui à ce référendum - et je pense que ce sera le cas -, nous ne serons plus légitimes pour reprendre le contrôle par la force ?

Elle leva les yeux au ciel.

– Laurent, je ne vois pas comment tu peux croire que les Français qui habitent dans les zones de non-droit seront pour l’instauration de la charia en France. Personne ne sera d’accord avec ça, même les médias nous soutiendront. Elle semblait ne pas comprendre l’ampleur des dégâts provoqués par les décennies de laisser-aller dans les cités. Éric regarda son visage fatigué, elle avait déjà lancé tant de sujets en quelques semaines, il était impressionné par son volontarisme. Il décida d’intervenir en douceur pour ne pas la brusquer.

– Non, Marion, Laurent a raison. Il sera très difficile de faire accepter aux Français l’usage de la force car cela fait soixante-dix ans qu’on leur explique que la paix est à privilégier avant toute chose. Avant l’intégrité de notre territoire ou de notre identité, avant même les droits de l’homme. D’une certaine façon, ils seront probablement prêts à sacrifier les banlieues au nom de la liberté et de la paix, sans comprendre qu’en faisant cela, ils sacrifieront la liberté de ceux qui habitent dans ces banlieues et qu’ils prépareront la guerre.

Patrick Buisson approuva.

– Tu ne dois pas croire que les Français auront le courage de subir une autre période de crise. Nous sortons d’une semi-guerre civile, nous avons eu de la chance que la situation ne tourne pas plus mal. Ils sont effrayés et ils aspirent au calme. Si nous laissons les choses reposer, nous risquons de ne pas pouvoir revenir en arrière.

Elle ferma les yeux et laissa un long silence s’installer, les trois hommes se demandaient quelle serait sa réaction. Pour la première fois, ils allaient contre son intuition profonde.

– Et vous êtes tous les trois d’accord pour faire usage de la force ? Je ne veux pas risquer de replonger le pays dans le chaos, surtout pas maintenant alors que nous avons retrouvé un semblant de calme.

Éric acquiesça le premier, il avait deviné qu’elle voudrait préserver le peuple de toute nouvelle flambée de violence. Il réagit.

– Alors, dans ce cas, il faut gagner du temps. Il faut que Ménard rencontre Ogras et qu’il le menace de faire usage de la force s’ils lancent ce référendum. En parallèle, il faut que nous allions dans les médias pour attaquer leur projet en expliquant que tout est truqué, que les habitants des cités subissent une pression énorme des intégristes et que nous ne pouvons tolérer cette parodie de démocratie.

Wauquiez lui fit un léger signe de tête pour le remercier. Il intervint :

– Je suis d’accord avec Éric, je te propose de prendre la main sur ce sujet avec Robert et de faire un communiqué de Matignon pour dénoncer l’initiative d’Ogras.

Marion les avait écoutés, elle sentait qu’ils la poussaient contre son gré à prendre des décisions radicales mais elle savait, au fond d’elle, qu’elle ne pourrait pas y échapper. Elle plongea un instant son regard dans le jardin, le calme qui y régnait était si étrange dans le contexte de tempête qui menaçait de submerger le pays. Elle se retourna, déterminée.

– Écoutez, tous les trois, vous faites comme si je n’avais pas mon mot à dire, mais je refuse de laisser la main à d’autres. Je dois gérer moi-même cette crise, j’en suis à l’origine et les Français ne comprendraient pas que je me cache derrière Laurent. Je vais rencontrer ce type, je vais officialiser cette rencontre et faire venir les médias et je vais lui expliquer moi-même que la France est un État de droit, que les communautés n’ont pas à vivre en autarcie et qu’ils resteront sous la tutelle de l’État. En revanche, s’ils s’engagent dans la voie de la guerre, nous entrerons sur un terrain glissant et je suis incapable de savoir jusqu’où cela nous entraînera.

Éric Zemmour, Patrick Buisson et Laurent Wauquiez sourirent. Ils avaient retrouvé la jeune femme énergique et décidée qu’ils connaissaient.

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