Le grand silence électoral
Il y eut des rois sans tête, nous voici avec une démocratie sans électeurs. L’abstentionnisme massif au dernier scrutin régional constitue un désastre, le signe d’un peuple ouvertement en grève contre ses représentants politiques de tout bord, Rassemblement national et France insoumise inclus. Pourtant, cette situation ne semble guère perturber outre mesure nos dirigeants. Après quelques propos convenus, petits larmoiements de circonstance, les vainqueurs se mirent immédiatement à claironner gaiement et les vaincus à inventer toutes sortes d’excuses pour justifier de leurs déboires. Les chiffres se font néanmoins aussi éloquents que cruels. En Île-de-France, au second tour, Valérie Pécresse arrive à 14,87 % des inscrits, soit 85,13 % contre elle, sans même compter les bulletins blancs ou nuls. Xavier Bertrand atteint 16,76 %, soit 83,24 % contre lui, Laurent Wauquiez 17,78 %, soit 82,22 % contre lui, et ils constituent cependant parmi les mieux élus. La palme du plus mauvais revient à la gauche. Loïg Chenais-Girard s’impose en Bretagne avec 10,49 %, soit 89,51 % contre lui. Il récolte un maigre 3/20, véritable score de cancre.
Ceux qui ont perdu obtiennent encore pire. Pour le gouvernement, la déconvenue se présente comme générale. Éric Dupond-Moretti a été mis en déroute dès le premier tour de scrutin. Un total de 2,91 % des inscrits le renvoya sèchement aux Sceaux dont il assure la garde. Marlène Schiappa, sur le département de Paris, réalise 3,77 % au second tour. Promouvoir l’art du lissage brésilien trouve ses limites. Elle eut beau aussi pousser la vocalise, à la manière des kermesses agricoles, rien n’y fit.
Quelles conséquences, alors, tirer de ce naufrage du système politique français ?
Certes, tous les sortants se trouvent réélus. La mode électorale régionale, pour la collection printemps-été 2021, se résume ainsi à la devise « On prend les mêmes et on recommence ! » servie en version « suffrages minus », tellement peu de Français se sont déplacés aux urnes. Par de tels résultats, les présidents de région disposeront indéniablement d’une légitimité juridique pour continuer leurs œuvres, mais sans plus. Face à leurs bilans respectifs, de gauche ou de droite ou du centre, le peuple ne leur a retourné qu’un immense silence méprisant. Les pouvoirs territoriaux reposent maintenant sur un vide absolu. Démocratiquement, ils n’incarnent rien, et surtout pas la volonté populaire.
Pourtant, dès le soir des résultats, certains se précipitèrent à jouer les personnages providentiels, dont le destin national serait devenu hautement irrésistible tellement leur triomphe local se ferait grand. Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez agitent chacun du Klaxon™. Leurs dithyrambes auto-promotionnelles ressemblent cependant à la méthode du docteur Coué. Réélus sans votants, ils entament leurs numéros de claquettes, trottinant en lévitation au-dessus du néant. Ce dimanche, la droite s’est inventée trois roudoudous présidentiels. Le spectacle continue, mais il n’y a plus de public.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées