Le Grand Déconfinement (ou le grand n’importe quoi…)

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Paris déconfiné ! Paris démuselé ! Paris libéré ! Ça jouissait du feu de Dieu, ce dimanche après-midi - Pentecôte oblige, comme l’a dit un média -, sur la pelouse « autorisée » du jardin du Luxembourg. Amoureux, familles avec enfants, tous, démasqués, avaient les langues tirées sur des mamelons en cornet roses, jaunes, simples ou doubles. Quelques ventres arrondis sous des robes fleuries témoignaient de l’effort fait pendant le confinement pour nos retraites. On sentait sur la nuque le souffle de joggeurs.

Un couple grincheux de la caste des Vulnérables, me voyant masquée et gantée à mi-coude, les yeux sous des hublots, les cheveux emprisonnés dans une mousseline, me prend à témoin, près du kiosque à musique, de la grande misère de la France désobéissante et inconsciente, jouisseuse et haïssable. Ces Vénérables ne se démasquent, en effet, qu’une fois franchi le seuil de leur maison. Lui me confie se mettre à détester ses semblables pour leur indiscipline. Il est vrai que si on reçoit en pleine figure une vague coronarienne, on n’aura pas volé ce patin made in France.

En rentrant chez moi, j’enlève précautionneusement mon masque, fais bouillir mes mains quelques secondes, inscris ma température (frontale) que je mets en ligne sur le site du ministère de la Santé pour son étude épidémiologique préventive. J’ouvre la radio, écoute le message réconfortant du ministère de la Santé : oui, elle est toujours là, en embuscade, la perfide Covid-19. Ne relâchons pas notre vigilance : gestes barrières, hoquets étranglés dans le coude, Kleenex™ à usage unique, prochain tenu à distance. Il y a peu, le ministre Cédric O a ébloui les sénateurs par l’appli de son imagination numérique, opérationnelle, afin de tracer, traquer, tracter les bovidés. OK ? avait-il demandé à nos anciens. Presque tous de répondre : Oui ! Oui ! Oui !

Les soirs d’été, j’ai l’habitude de prendre la température du pays en comptant les cafés ouverts et les consommateurs. Les doigts d’une main suffisent. Je compte aujourd’hui les démasqués du Luxembourg. Au bout de vingt pas, je compte les masqués. Puis je ne compte plus rien du tout. La « pelouse autorisée » déborde. Comme on dit élégamment, les Français se sont lâchés.

Heureux, les Français ! Peu importe que leurs enfants n’aillent pas à l’école, c’est jouir dans la sécurité qui importe. Le care ou je meurs. La pelouse ou je mords. Si j’étais le ministre de la Technologie, au lieu de jouer à la marelle avec les GAFA, j’aurais testé les covidés potentiels de ce soir à la sortie du jardin. Mais aucune brigade angélique n’était là pour surveiller et punir. Heureusement ? Assurément. Mais les Français sont-ils raisonnables ? Rue Soufflot, on se presse les uns contre les autres pour acheter des glaces. Dans les Monoprix, le masque n’est pas obligatoire. Comme on dit, « il faudrait savoir »… Les terrasses des cafés vont rouvrir mais des rues seront interdites. Comprenne qui peut. Vous prendrez bien un verre de chloroquinine à la maison ? Comment, vous ne connaissez pas, la chloroquinine ? Le nouveau drink à la mode ! Pas cher et requinquant !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/06/2020 à 17:02.
Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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