Le gouvernement lorgne sur l’argent des retraites du privé

argent

Bruno Lemaire a le sens de l’humour dilaté comme jamais. Il en faut une bonne dose, en effet, quand on est depuis six ans ministre de l’Économie sous la présidence d’Emmanuel Macron, pour oser donner des leçons sur la dette publique. Dans un entretien ahurissant donné à France-Info, le 25 juillet, le petit maître de Bercy a professé « qu'une dette trop lourde, c'est insupportable, et que c’est un danger pour la nation française ». Qui croirait que, depuis qu’il est à Bercy, la dette publique a crû de 800 milliards d’euros en six ans, soit une augmentation de 27 % ! Elle dépasse, aujourd’hui, 3.000 milliards d’euros. La main sur le cœur et le portefeuille, le ministre s’en émeut et veut, pour sortir du rouge, « récupérer », en 2024, la moitié de la trésorerie détenue par les opérateurs d’État (CNRS, Pôle emploi, etc.), soit un peu moins de 1,3 milliard d’euros au total. En regard, les seuls intérêts de la dette s’élèvent à 41 milliards, en 2023, et augmenteraient jusqu’à 71,2 milliards en 2027 !

À en croire Le Maire, cette charge constituerait aujourd’hui le premier poste de dépenses de l’État. Il en omet un autre : les dépenses de retraites, qui « pèsent » quelque 338 milliards d’euros. Et c’est justement du côté des retraites que le gouvernement pourrait bien être tenté de chercher de quoi combler ses déficits (à commencer par ceux des régimes de la fonction publique).

L’Agirc-Arrco, régime de retraite complémentaire des salariés du privé, dispose de près de 68 milliards d’euros de réserve de financement, ce qui n’est pas considérable au regard des pensions de retraite versées chaque année (86,5 milliards d’euros en 2022), mais représente pour l’État une manne alléchante. Les organisations partitaires gestionnaires du régime ne l’ignorent pas et s’en inquiètent. Selon La Dépêche, des « responsables d'employeurs » soupçonnent le gouvernement de vouloir « utiliser cet argent afin de financer de nouvelles dépenses liées à la réforme des retraites ». Le quotidien toulousain citait, au mois de juillet, l’ancien président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, ou le vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Éric Chevée, qui demandait au gouvernement de « clarifier ses intentions ».

Or, les réserves de l’Agirc-Arrco résultent des prélèvements opérés sur les cotisants. L’appropriation par l’État de cet argent et son utilisation à d’autres fins que le paiement des pensions des retraités affiliés à ce régime constitueraient donc une spoliation flagrante.

Le feuilleton du transfert des cotisations à l’URSSAF

Les réserves ne sont pas la seule cible du pouvoir. En 2019, le gouvernement inscrivait, dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020, le transfert du recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco à l’URSSAF – autrement dit, à l’administration. Cette mesure, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2022, devait permettre à l’État de mettre la main à discrétion sur les ressources du régime, soit environ 90 milliards d’euros annuels de cotisations. Au passage, il était prévu que l’URSSAF facturerait à l’Agirc-Arrco cette captation de ses ressources en prélevant des frais de gestion dont l’enveloppe augmenterait de 5 % dès 2024 : la cerise en pourboire sur le gâteau volé !

Toutefois, en raison de vives résistances à son projet, exprimées notamment par la présidente de l’Agirc-Arrco, Brigitte Pisa, par un rapport très critique du Sénat et par des campagnes de pétitions comme celle organisée par l’association Sauvegarde Retraites, l’application de la mesure fut reportée par deux fois, au 1er janvier 2023, puis 2024. Finalement, Élisabeth Borne l’annula par le biais d’un article de la réforme des retraites, elle-même incluse dans la loi de financement de la Sécurité sociale rectificative. Fin du feuilleton ? Non ! Car au mois d’avril, le Conseil constitutionnel a annulé l’annulation en considérant qu’elle n’avait pas sa place dans la loi de financement rectificative.

Aujourd’hui, le transfert des cotisations de l’Agirc-Arrco à l’URSSAF reste donc programmé dans la loi. Certes, Élisabeth Borne s’est engagée à réinscrire son annulation dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, examiné à l’automne prochain, mais le contexte a changé depuis l’annonce de son abandon par le Premier ministre, en janvier 2023 : en pleine contestation de la réforme des retraites, le gouvernement avait alors intérêt à désamorcer ce conflit supplémentaire avec les organisations gestionnaires de l’Agirc-Arrco. C’est moins le cas aujourd’hui, même si les négociations avec les syndicats se poursuivent. Élisabeth Borne tiendra-t-elle sa promesse (en politique, elles n’engagent souvent que ceux qui les reçoivent…) ou cédera-t-elle à la tentation de prendre le contrôle du pactole des cotisations du privé, convoité par Bercy ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/08/2023 à 12:14.
Éric Letty
Éric Letty
Journaliste

Vos commentaires

44 commentaires

  1. Les finances du privé ont déjà été plombées par les émoluments des « intermittents du spectacle » depuis Jack Lang. Comme personne ne conteste la chose depuis 40ans, ils passent à la 2me couche. La France est un pays définitivement installé dans le socialo-communisme.

  2. Mais Mr Macron et son ami Lemaire n’ont aucune honte !! La preuve le 1% logement (tombé à 0.45%) payé par les entreprises de + de 10 salariés et gérés par les CIL , tous les fonds ont été récupérés et cela s’appelle maintenant « Action logement » et pour qui en grande majorité servent ces fonds ? Et là grand silence et avant cela servait déjà à financer en partie l’ANRU mais maintenant , cela permet de financer que du logement très social, le logement dit ‘intermédiaire disparait, pour y avoir travaillé maintenant dans les locaux la dégringolade et on s’imagine entrer à La CAF !!

  3. Le valet de macron et le traite de la droite veut saigner les retraités. Cela prouve que ce monsieur est un lâche et qui a peur de s’attaquer aux fraudeurs de l’URSSAF.

  4. En droit privé on parlerait de VOL pur et simple
    L »appropriation frauduleuse convoitée par l’Etat doit être refusée par les gestionnaires de l’AGIRC – ARRCO, de même que les responsables du régime paritaire de l’UNEDIC sont en train de se mobliser pour refuser la décision récente unilatérale de BERCY d e PONCTIONNER CHAQUE ANNEE UNE PARTIE DE L’ EXCEDENT de leur gestion ACTUELLE du régime CHOMAGE ….Cet Etat impécunieux par ses propres erreurs ne recule devant rien !!

  5. le peu qu’on certains retraités et le gouvernement cherche à les saigner à blanc. Macron est ignoble !

  6. Au lieu de traiter le mal par une réorganisation profonde de l’état géré depuis 1981 en dépit du bon sens. Ce traitre et triste sire de LEMAIRE et son âme damnée MACRON ne font que chercher des solution pour augmenter le pillage et la dégringolade dans tous les domaines de la France. Il serait grand temps que cela cesse et que l’on ferme déjà les robinet formant les pilleurs ENA et Sciences Politique, que l’on vire ceux qui sont haut fonctionnaires afin de pourvoir enfin faire les réforme nécéssaire et empécher la mise en place du pillage par les lobbys corrompu comme par exemple les éoliennes et autres gadgets technique qui ne méne à rien sinon au pillage de nos industries et à une restriction de la disponibilité d’énéergies etc… Où trouver enfin l’Hercule qui nettoera les écuries d’Augias et de précvaricateurs qu’est devenu notre pauvre pays.

  7. Pour être un homme libre, il faut avoir son indépendance financière.
    Sans système de retraite obligatoire, les autres peuples font des économies, puis des placements, parvenant ainsi à devenir libres, voir de donner cette liberté à leurs enfants.
    En France, l’impôt assure la pérennité de la servitude pour l’énorme majorité des français.
    Car l’état fait de la redistribution, certes, mais pour vous redonner 100€ il vous en prend le double, voir plus.
    Tous les prétextes sont bons pour légitimer ce calcul : traitement d’un nombre absurde de fonctionnaires, solidarité avec la planète entière, y compris nos pires ennemis…
    Mais en réalité, les comptes publics sont tous mélangés et dans un pays qui n’a pas proposé un seul budget à l’équilibre depuis des décennies, l’argent va où on veut, le reste n’étant que des cahiers de comptes sans importance.
    Ainsi, la masse informe et peu traçable des comptes publics permet de nourrir plus que grassement une nouvelle « noblesse » sans la moindre légitimité.
    Médias, artistes, « experts », politiques…
    Le serfs ont de nouveaux maîtres aussi flasques et lâches qu’inutiles et avares.
    Ils seront à ces postes de pères en fils peu importe leur niveau d’incompétence.
    Alors mesdames et messieurs, je vous rappelle que le mot serf n’est autre que le latin pour « esclave ».
    Si vous voulez redevenir libres, commencez par refuser toutes ses soi-disant « aides » qui vous coûtent en réalité si cher, puis vous pourrez arrêter de payer.
    Un français moyens contribut à auteurs de plusieurs millions d’euros durant sa carrière entre impôts, charges et taxes. Avec la moitié, vous pourriez déjà investir suffisamment pour vivre bien mieux qu’avec la retraite d’état.

  8. La meilleure façon de casser un peu plus les retraites du privé. Il existe pourtant un moyen plus simple de faire des économies c’est d’aligner les conditions de retraite des fonctionnaires du public sur ceux du privé ; ce n’est pas demain la veille qu’un politique courageux – oxymore – osera le faire !

  9. Au nom de solidarité Nationale Bercy va nous concocter une petite taxe derrière les fagots. Mauvaises nouvelles pour les retaités et propriétaires qui n’ont pas voté pour ces derniers gouvernements

  10. Il faut être lucide, il n’est pas question de rembourser la dette, ni même de la réduire. En effet, nous l’avons « initiée » en 1975, pendant les trente glorieuses et tous les ans, tous les gouvernement, n’ont fait que la creuser et ceci pas pour faire des investissements à long terme, mais pour finir les fins de mois. Avec macron, nous touchons le fond, le coûte que coûte, ruine un peu plus la France, si tant est que ce soit possible, nous sommes même obligés d’emprunter pour payer les intérêts de la dette. Nos préteurs, en gros les états unis, nous tiennent comme aurait dit Bernard Tapie, par les « burnes ». C’est eux directement et à travers les instances européennes, qui nous dictent ce que nous devons faire et pas faire, d’ailleurs ils ont mis en place Macron, pour achever ces gaulois récalcitrants et donc la France, pour aller vers une Europe fédérale, qui pourrait ajouter une étoile sur le drapeau américain. Ceci, n’est pas une critique envers les USA, qui pratiquent l’ América First, mais contre nos dirigeants Français et Européens. Pauvre France, tous nos morts patriotes doivent se retouner dans leurs tombes!

    • « Pauvre France, tous nos morts patriotes doivent se retourner dans leurs tombes! » Il n’y a pas qu’eux. Songez aux 50 millions de victimes de la dernière guerre mondiale, qui se sont sacrifiés pour empêcher Hitler d’annexer l’Europe. Et bien cela s’est fait quand même : l’Europe de 2023 est allemande, sans un coup de canon supplémentaire, à la grand satisfaction de feu Hitler. Merci les Ricains!

  11. Avec un projet de budget 2024 déjà largement déficitaire et les nouvelles distributions quasi quotidiennes et tous azimuts de l’argent public par notre président , comment ne pas lorgner sur les cagnottes des structures correctement gérées.

  12. détournement de fonds, ça aucun gouvernement l’avait tenté, ils nous ont endetté de 800 milliards d’euros en 6 ans, et maintenant ils veulent nous voler les fonds des retraites, c’est comme ça qu’ils parlent de désendettement en faisant endetter les autres. Et cerise sur le gâteau, pour l’installation de l’usine de Taïwan à Dunkerque pour fabriquer une usine de batteries électriques cadeau de 1.5 milliards d’euros, pas mal non, sans contrepartie évidemment. Le problème c’est qu’il va falloir importer tous les composants des batteries, et aussi s’assurer de a sécurité des habitants en cas d’incendie, voir le ferry en feu depuis 15 jours en mer du Nord avec des véhicules électriques dont une batterie a court-circuiter et mis le feu aux autres véhicules, et ce feu n’est peut pas être circonscrit, on fait comment ?

    • « détournement de fonds, ça aucun gouvernement l’avait tenté, » C’est de l’humour?

    • Je connais une vieille dame, pas bête du tout, plus à droite que moi, mais qui a voté Macron parce qu’il était jeune et présentait bien………..

  13. L’Association Sauvegardes Retraites ( non subventionnée ) est prête à nous représenter devant la Justice de l’État.
    Il nous faudra la soutenir. Merci.

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