La victoire de Trump donnera-t-elle un élan décisif à la droite française ?

TRUMP 2024

Ce mercredi 6 novembre, six députés RN se sont attablés à la buvette de l’Assemblée nationale autour d’une… bouteille de champagne. Une manière de provocation vis-à-vis des voisins de table LFI, mais pas seulement. L’éclatante victoire électorale de Donald Trump, après quatre ans de pouvoir de la gauche et une campagne médiatique de démolition incessante, est inattendue. Mais donnera-t-elle un élan décisif à la droite française ? Zemmour, Maréchal ou Ciotti se sont mis immédiatement dans le sillage de l'élection de Donald Trump (voir l'article d'Aliénor de Pompignan).

Au contraire, Marine Le Pen a réservé un accueil très prudent, presque distant, à l’événement : les États-Unis vont « défendre de manière plus vigoureuse leurs propres intérêts, il va falloir que l’Europe se réveille et défende les siens », a-t-elle écrit, sur X. Pour l’euphorie délirante, on repassera… Pourtant, Marine Le Pen s’était clairement affichée comme un soutien de Trump, lors des dernières présidentielles américaines, en 2020. Cette fois, elle « n’a pas voulu afficher de soutien franc à Trump pour poursuivre son entreprise de dédiabolisation », nous décrypte le politologue Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La Revue parlementaire et auteur du livre Aux portes du pouvoir - RN, l'inéluctable victoire ?, paru en avril dernier chez Michel Lafon. Car il ne fait pas bon se tenir aux côtés du diable Trump lorsqu’on veut se normaliser auprès des élites françaises.

Le Pen se normalise, Trump fait l'inverse

La diabolisation est en effet un des points communs qui réunissent Trump et Marine Le Pen parmi les parias. Dans leur patrie respective, tous deux sont perçus comme de dangereuses menaces par l’établissement qui agite l’épouvantail d’une « extrême droite » fantasmagorique, gonflée de toutes les peurs irrationnelles disponibles sur le marché pour effrayer l’électeur.

Mais alors que Marine Le Pen poursuit sa stratégie de normalisation, Trump a tout fait pour… l’éviter. « Cette élection montre que la normalisation n’est plus nécessaire pour accéder au pouvoir aux États-Unis, remarque Arnaud Benedetti. Mais la société américaine est différente de la société française. » De fait, dès les années 1980, Reagan et Bush ont réussi à accéder à la Maison-Blanche en dépit d’une puissante campagne de dénigrement de la gauche. En France, Marine Le Pen attend toujours le pouvoir.

« Pas besoin de cela »

Au fond, le RN considère que l’effet des élections américaines ne sera pas décisif en France, car la dynamique est déjà là. « On n’a pas besoin de cela, nous confie le député RN Philippe Ballard. Le wokisme a déjà commencé à reculer, les élites déconnectées sont rattrapées par la réalité, la mondialisation heureuse et la globalisation sont devenus des cauchemars, avec des industries fermées partout. Ce reflux est un vaste mouvement européen et mondial. » Par ailleurs, les sondages montrent que Trump n’est pas populaire en France, même parmi les électeurs du RN où moins d’un sur deux soutenait le candidat MAGA avant le scrutin. Pas d'intérêt électoral jusqu'ici.

Pourtant, les positionnements de Trump et de Le Pen sont proches : on retrouve dans leurs thématiques majeures le pouvoir d’achat, la sécurité, l’immigration et une autonomie revendiquée à l’international. L’adversaire de gauche est, lui aussi, très similaire, élitiste, wokiste et totalement déconnecté des classes populaires, en France comme aux États-Unis. Le Pen et Trump puisent l’essentiel de leurs électeurs parmi ces mêmes classes populaires. Et ils progressent étape par étape. Trump avait réuni plus de voix, en 2020, qu’en 2016. Marine Le Pen monte elle aussi les marches, scrutin après scrutin.

L'enjeu des classes populaires

Le fossé entre Trump et Le Pen se creuse lorsqu'on aborde la question cruciale du rôle de l’État dans l’économie. « Trump a subi l’influence d’Elon Musk, explique Arnaud Benedetti. Il tient un discours presque libertaire : pour lui, il faut remettre l’État à sa place, lutter contre la prolifération des normes de moins en moins bien supportées par les classes populaires. Le soutien d’Elon Musk a encore amplifié la dynamique libertarienne et anti-wokiste de Trump. » Pour le politologue, c’est clair : « Celui qui présente l’offre politique la plus proche de Trump, c’est Zemmour, qui n’a d’ailleurs jamais varié dans son soutien. Éric Ciotti et Marion Maréchal sont, aussi, proches de cette ligne. Mais voilà, aucun de ces trois politiques n’a de prise sur les classes populaires. »

La réélection de Donald Trump changera-t-elle la donne politique ? Pour Arnaud Benedetti, elle peut amplifier « l’effet désinhibant » du vote à droite pour ceux qui n’osent encore franchir le pas. « C’est un peu tôt pour le dire, cela dépendra de l’entame du second mandat de Trump. Mais cela pourrait avoir un impact sur la façon dont la droite va se reconstruire en France », dit-il. Un par un, les feux passent au vert.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/11/2024 à 16:49.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

59 commentaires

  1. Comment Marc Baudriller peut-il écrire que les positionnements de Trump et de Le Pen sont proches ? Sur le régalien et l’identité, à la rigueur. Mais pour le reste ? Ils sont aux antipodes ! Trump est un populiste de droite là ou MLP est une populiste de gauche ! C’est bien Zemmour qui est le plus proche de Trump en terme de politique.

  2. Trump a réussi à réunir les Républicains derrière lui.
    Qui, en France, acceptera de laisser son gros égo pour se rallier à un chef de file à droite ?
    Indécrottables gaulois !

  3.  » La diabolisation est en effet un des points communs qui réunit Trump et Marine Le Pen parmi les parias.  »
    qui réunissent !

  4. les Etats-Unis vont « défendre de manière plus vigoureuse leurs propres intérêts, il va falloir que l’Europe se réveille et défende les siens » Pauvre Marine, elle n’a toujours rien compris. Par exemple, pourrait-elle m’expliquer la nature des « intérêts européens », je lui en serais très reconnaissant.

  5. Enfin en France de quelle droite parle t on?? Qui est de droite et le revendique? Qui n’a pas changé d’opinion au sein de cette soit_- disante droite depuis 6 mois?
    La dernière personne que j’ai vu de droite en France était G. Pompidou. Ne venez pas raconter que Chirac,
    par exemple était de droite, ni Sarko.

  6. Aïe! Aïe! Aïe!
    Zemmour le diviseur vaudrait Trump le rassembleur?
    D’abord, sachez que Zemmour est remplacé par S Knafo, la SEULE élue reconquête.
    Avec ça, il devrait aller très loin en effet. D’autant que l’autre préemptrice du parti zemmourien , M.Maréchal a trahi pour la 4ème fois- mieux que Judas- et a créé son microparti, pour diviser elle aussi la Droite Nationale.
    Et puis Trump dispose d’un pays hyper industrialisé, qui crée des richesses. La France, désindustrialisée jusqu’au sang, ne crée aucune richesse. Zemmour et ses deux ennemies intimes font-ils des propositions de réindustrialisation massive, des projets à la de Gaulle? Evidemment non. L’Union Nationale, elle, en a les moyens, et c’est dans son projet.
    Assez de Zemmour, de Phillipot et de Maréchal, SVP! UNION NATIONALE!

  7. Quand on analyse les idées économiques du RN , tellement proches du NFP, on a du mal à voir une quelconque proximité avec Trump ou Musk..

  8. Marine Le Pen à vouloir trop se normaliser n’y gagnera rien pour l’élection présidentielle à venir.
    Je crois qu’elle est en permanence dans le mauvais timing. Elle prônait la sortie de l’UE quand il n’y avait encore rien de flagrant contre, et semble être devenue européïste maintenant que les gens ne seraient pas contre l’idée d’en sortir.
    Je peux comprendre qu’elle ait une dent personnelle contre Trump qui l’a humiliée en ne la recevant pas il y a quelques années, mais l’occasion était trop belle pour profiter de faire le parallèle avec la vie politique française (activistes de gauche et média français acquis à leurs causes).

  9. Quand on est de droite on joue à droite! Rien ne sert de finasser ,de faire comme si…il faut des idées claires centrées sur la restauration de la France . Toute autre attitude est vouée à l’échec ( une nouvelle fois) .Trop de chefs,de petits chefs et de moins grands chefs alors qu’il faut incarner une seule ligne : celle qui a fait la grandeur de ce pays .

  10. Zemmour président ? On éclate de rire. Cet homme est arrivé en trombe, a tout bousculé, a dénigré voire calomnié « celleszetceux » qui lui faisaient de l’ombre mais sont meilleur-es que lui, a avancé des idées totalement utopiques, irréalisables et anti-constitutionnelles, etc. Seulement, voilà, il y a un hic : Trump est un milliardaire tout puissant et célèbre, une sorte de géant baraqué comme un joueur de rugby quand Zemmour n’a rien de tout cela. Le résultat a été immédiat : les Français l’ont fait dégringoler du piédestal où ils l’avaient eux-mêmes placé alors qu’il n’était que chroniqueur. Il y aurait un test intéressant à faire pour le vérifier : dans combien de foyers a-t-on zappé quand il a été invité en « exclusivité » sur CNews ( mais aucune autre chaîne ne veut de lui !) ?

  11. Pour moi si Marine continue sur la voie de l’UE je pense ne plus voter pour elle. Bon les 2 ans a venir me le diront. Enfin ont verra qui ce présente aux prochaines présidentiels. J’ai l’impression quelle devient soupe au lait.

    • Qu’on regarde le sort que l’UE a réservé à la Grande Bretagne lors du Brexit ? Marine, Meloni et Orban ont une autre méthode : ils attendent que l’UE se disloque et disparaisse de nos cauchemars. Visiblement, la stratégie est bonne puisque la plupart des pays européens sont passés à la droite dure. Le combat cessera faute de combattants, économisons notre énergie.

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