Depuis que la France, l’Angleterre et les États-Unis ont décidé, en 2011, de renverser le régime de Kadhafi (et d’assassiner ou de laisser assassiner ce dernier, au passage), la Libye vit un enfer. Anarchie, guerre civile, affrontements tribaux et implantation de l’islamisme rythment la vie de ce pays qui n’en est plus un. Il sert logiquement de plate-forme à une immigration massive vers l’Europe et s’enfonce dans la pauvreté.

Deux hommes ont émergé de ce chaos : Fayez al-Sarraj, un civil, et Khalifa Haftar, maréchal de son état.

Sarraj règne à Tripoli, la capitale, et est soutenu par l’ONU, les États-Unis, l’Angleterre, l’Italie, mais aussi par les Frères musulmans, c’est-à-dire la Turquie et le Qatar. Comme d’habitude, entre deux camps, les Américains ont choisi le plus islamiste. Côté Haftar, on trouve officiellement l’Égypte, les Émirats arabes unis et, en sous-main, la Russie et même la France. Des armes françaises ont d’ailleurs été retrouvées entre les mains des hommes d’Haftar.

Le maréchal a conquis la Cyrénaïque (Tobrouk), à l’est du pays. En avril dernier, il a lancé une offensive générale vers Tripoli. Après quelques succès initiaux, il a été bloqué à quelques kilomètres de la capitale libyenne.

La position de Sarraj est fragile et, à long terme, les forces d’Haftar semblent en mesure de l’emporter. Conscient de ce risque, Sarraj s’est rapproché encore un peu plus d’Erdoğan et a signé un accord de coopération militaire avec la Turquie, le 27 novembre dernier. Haftar devient pressé par le temps et, le 12 décembre, déclenche « la bataille décisive » pour Tripoli.

Sarraj lance alors un appel à cinq pays amis : les États-Unis, l’Algérie, le Royaume-Uni, l’Italie et la Turquie. Les quatre premiers ne bougeront pas, mais la Turquie en rêve : « Nous savons que ces pays ne feront rien, mais ils ne pourront pas nous reprocher une intervention d’Ankara », a déclaré à RFI un proche de Sarraj.

L’accord du 27 novembre est en effet très clair et prévoit l’intervention d’une force rapide turque en Libye si son gouvernement, c’est-à-dire le camp de Sarraj, en fait la demande. Le temps semble d’ailleurs s’accélérer pour tout le monde puisque, selon le New York Times, plus de 200 mercenaires russes de la fameuse organisation Wagner (présente également en Syrie et dans plusieurs pays d’Afrique) se seraient déployés en Libye, courant novembre, afin d’aider Haftar.

Au-delà de cette assistance militaire, Sarraj et Erdoğan ont également conclu un accord de partage de la Méditerranée qui viole le droit international maritime aux dépens, notamment, des îles grecques, à commencer par la Crète. La Grèce a vigoureusement protesté auprès de l’ONU et expulsé l’ambassadeur libyen.

Depuis plusieurs mois, la marine turque est de plus en plus présente en Méditerranée, notamment autour de Chypre, empêchant les navires français et italiens d’exploiter le gaz chypriote. Il est vrai que la Turquie occupe militairement le nord de l’île depuis 1974 dans l’indifférence générale.

Cet accord maritime illégal peut marquer le grand retour de la Turquie en Méditerranée, sans parler de l’Afrique du Nord. Une grande première depuis la glorieuse bataille de Lépante.

Erdoğan peut être, en tout cas, sûr d’une chose : son impunité.

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21 décembre 2019 à 17:38

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