Ils sont neuf « sages », à ce qu’il paraît, qui forment le Conseil constitutionnel. Ce sont Mesdames Bazy-Malaurie, Maestracci, Luquiens et Lottin aux côtés de Messieurs Pinault, Mézard, Pillet, Juppé et Giscard d’Estaing, tous bien rangés sous la houlette de Laurent Fabius. Moyenne d’âge au-dessus de 70 ans, cela, sans compter le doyen Valéry Giscard d’Estaing qui dispose d’un fauteuil qu’on espère rembourré pour ses 94 ans.

Tous ces personnages, récompensés pour leurs bons services dans la très haute fonction publique et les ministères, sont les dignes représentants de la classe dirigeante supérieure. Un peu de ménage a toutefois été fait, ces dernières années, au Conseil, les Français estimant qu’il comptait un peu trop d’anciens présidents de la République. Ces gens-là nous disent donc le bien et le mal au regard de la Constitution. En principe. Quant à savoir si sont respectés les vœux des Français via leurs représentants légaux que sont les députés et les sénateurs, c’est un peu la loterie.

Ainsi la décision rendue dans les touffeurs du mois d’août semble tout sauf conforme aux souhaits de la nation. Alors que, chose assez rare, un réel consensus était apparu entre les deux chambres, députés et sénateurs s’étant accordés pour voter, les 23 et 27 juillet, en deuxième lecture, la loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des condamnés pour terrorisme sortant de prison, les neuf « sages » ont décidé de passer outre et retoquer la loi. C’était pourtant « un texte qui [leur] paraissait conforme à la fois à la sécurité et à la prudence, aux désirs des Français et à la défense de l'État », écrit Michèle Cotta, dans Le Point. Qu’importe l’avis des Français : il n’y aura donc pas, comme le prévoyait le texte, d’évaluation du degré de dangerosité de chacun des ex-djihadistes par l’institution judiciaire avant leur sortie, ni de suivi s’il avait été estimé nécessaire après celle-ci.

Il était en effet prévu, selon les cas et l’appréciation des juges, que les anciens détenus soient soumis à « une batterie de mesures allant de l'obligation de pointer trois fois par semaine dans un commissariat au port éventuel d'un bracelet électronique, en passant par l'autorisation nécessaire d'un juge pour changer de domicile, ou encore l'interdiction de participer à des rassemblements ou des activités jugées dangereuses ». Toutefois, si l’ex-condamné faisait preuve d’une bonne volonté le ramenant dans le droit chemin de la République, le juge d'application des peines aurait eu le pouvoir de modifier les mesures imposées.

Le Conseil constitutionnel a estimé tout cela attentatoire aux libertés fondamentales, donc contraires aux termes de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ; il a, en outre, estimé fort regrettable que le législateur « ne se soit pas assuré que la personne en passe d'être libérée ait bénéficié, pendant l'exécution de sa peine, d'un traitement favorable à sa réinsertion ».

Dans une tribune publiée également par Le Point, Me David-Olivier Kaminski (avocat pénaliste) pointe l’inconscience de nos prétendus sages. Leur erreur fondamentale, dit-il, est qu’il ne s’agit pas ici de droit commun, « il s'agit de morts innocents par centaines, il s'agit d'un pays ébranlé, d'une République fissurée ». Ayant eu à plaider aux assises dans ces affaires de terrorisme, « j'ai vu de près, dit-il, pendant un mois d'audience, le point de non-retour de ces terroristes devant nos valeurs sociétales empilées siècle après siècle, de la Renaissance aux Lumières jusqu'aux grands penseurs du XXe siècle ».

Dans le souci de préserver la liberté de ces individus, on refuse donc d’imposer à des (ex-)terroristes le traitement qu’on applique sans broncher aux criminels de droit commun ! « Méritons-nous une société vivant avec des bombes à retardement sans le moindre contrôle a posteriori ? », demande Me Kaminski. À l’évidence, pour les belles âmes du Conseil constitutionnel, c’est oui !

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14 août 2020 à 16:23

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