Les positions de la France en Afrique francophone, qui n'étaient pas bonnes, se sont encore dégradées, ces dernières années. Le 12 avril dernier, en toute discrétion, en pleine campagne électorale française et en plein carnage en Ukraine attaquée par la Russie, un accord de défense et de coopération militaire était signé par les ministres de la Défense camerounais et russe. Pour une durée de cinq ans… On n'a pas entendu les belles âmes de gauche, ces censeurs de la « Françafrique », s'alarmer de la « Russafrique », pas plus qu'ils ne l'avaient fait pour la « Chinafrique ». Il y aurait pourtant lieu de s'inquiéter pour au moins deux raisons. Deux réalités dont la gauche anti-France, et aussi, en fait, anti-Afrique, ne veut pas connaître, dans sa maladie de déni.

Que dit cet accord signé par Joseph Beti Assomo, ministre de la Défense camerounais, et par son homologue russe, Sergueï Choïgou (un dur, membre du premier cercle de Poutine, sur qui pèsent de lourds soupçons d’assassinats politiques) ? L'accord du 12 avril a pour objet de développer la coopération militaire entre les forces armées des deux pays : des « échanges d’informations » et, bien plus grave, la formation et l’entraînement des troupes, et des activités communes de lutte contre le terrorisme ou la piraterie maritime. Prétextes cousus de fil rouge : la Russie pourra surveiller et contrer la France dans la zone et ses navires pourront mouiller à Douala.

Plus méfiants et moins anti-français que les Maliens, les Camerounais n'ont pas accepté la clause de « livraison d’équipements militaires ». Mais l'accord russo-camerounais ne l'exclut pas, puisqu'il dit ouverts « tous autres domaines de coopération ». C'est néanmoins un recul par rapport au précédent accord de 2015 qui prévoyait explicitement la fourniture d’armements et d’équipements militaires à l’armée camerounaise, en lutte contre les hordes sanguinaires des islamistes de Boko Haram, infiltrées depuis le Nigeria. Le Cameroun avait reçu de Moscou une aide - de mauvaise qualité, a-t-on dit - en matière d'artillerie, de transport de troupes et de protection aérienne. Mais, à la différence de celui de 2015, ce nouvel accord, conclu pour cinq ans, sera automatiquement renouvelé à chaque terme quinquennal.

Ainsi, peu à peu, la France recule en Afrique, et la Chine et la Russie prennent sa place.

Les conséquences de ce recul sont multiples. Pour l'Afrique, les mercenaires Wagner brutaux, ignorants des peuples qu'ils côtoient, rackettent leur environnement car ils « se paient sur la bête » (comme au Mali ou au Centrafrique) et commettent des violences. Pour la France, une perte d'influence économique, culturelle et internationale, et l'alignement à l'ONU des divers pays francophones sur la Russie ou la Chine. Et même un recul militaire : la France a quitté le Mali et la Russie y a vendu ses hélicoptères et ses radars.

Les causes du recul sont, elles aussi, multiples mais elles sont encore remédiables. Fabius et Le Drian ont en commun un grave manque de vision et de sens stratégique. Le cas du Mali en est une illustration typique. Ces deux-là ont ignoré que la plus grande partie du problème venait de la non-prise en compte de la singularité des populations du nord de l'immense Mali (l'Azawad) et leurs demandes de reconnaissance identitaire et démocratique. La politique d'assistance militaire anti-islamique, vitale pour les populations (et pour nous), a pâti des erreurs dues à leur myopie politique et à notre perte de puissance économique. Ainsi, après le succès de l'opération Serval, Fabius n'a pas su ou voulu imposer une solution politique Nord/Sud. Sur le terrain économique, il n'a pas su proposer un grand plan agricole (delta intérieur du Niger) ou industriel (codéveloppement pour la création de valeur ajoutée par transformation sur place des richesses, coton, or). Désormais, le pays qui mérite d'être aidé dans sa lutte contre le terrorisme islamiste, c'est le courageux Burkina, en première ligne et fiable. Quant à la politique de coopération, la France l'a abandonnée à Bruxelles. C'est un échec. Tout cela, les Africains subsahariens le voient et en tirent, à contrecœur, les conséquences.

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24 avril 2022 à 9:25

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32 commentaires

  1. La France est un pays ruiné qui n’a plus les moyens de sa politique africaine, qui consiste à acheter les bonnes volontés des classes dirigeantes d’un quart du continent africain. Donc si ce ne sont pas les Russes, ce seront les Chinois … La place est à prendre pour ceux qui payent cash. Et pendant ce temps, on continuera a dorloter les Africains qui ont élu domicile chez nous et qui ne nous servent à rien, à part nous ruiner un peu plus …

  2. Ne nous moquons pas des Africains, nous qui venons de réélire le président sortant malgré ses erreurs, son inaction…

  3. Quand on sait comment L. Fabius du P.S. et Président du Conseil Constitutionnel a traité les citoyens français à propos du Covid, des confinements, des injections régulières pour un virus pas des plus mortels, des résultats inférieurs à d’autres pays, et sans appliquer la Constitution, sans pouvoir écouter les Grands Professeurs spécialisés en virologie, non politisés, avec de multiples publications et reconnus dans le Monde entier, il y a de quoi se faire grand souci sur l’avenir…

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