On n’en voit souvent que la déferlante, mais il est des vagues qui viennent de loin…

En 1963, la ville de Meknès avait offert à celle de Pau la statue du général Poeymirau (1869-1924). En 1973, une plaque fut apposée sur le fût par la municipalité, avec cette inscription : « Au Général Poeymirau, […] Pacificateur du Maroc, […] ». Le maire était alors André Labarrère, qui portait les couleurs socialistes comme il aurait porté n’importe quelle écharpe, mais gérait sa ville avec panache. Sous son successeur dogmatique, Martine Lignières-Cassou, la plaque a disparu. Vol ? Retrait volontaire ? Une opération-commando en catimini dont on ne sait les commanditaires ? Était-ce, dans notre lointaine province, un des premiers signaux de l’iconoclasme racialiste inspiré par la nouvelle gauche post-soixante-huitarde, bien assise aux commandes politiques et intellectuelles du pays ? Une obscure concession au communautarisme naissant dont on pensait (déjà) acheter à peu de frais la paix sociale ?

Le fait est que le pauvre Poeymirau n’a jamais retrouvé sa plaque, même si de vieux livres d’histoire coloniale lui conservent ce titre de « pacificateur ».

Dans la déferlante, où tout se mêle, où la parole du footballeur vaut la pensée du philosophe, le 5 mai dernier, 14 pilotes de F1, dont la réussite vrombissante vient d’abord d’une exploitation capitaliste de gisements exotiques, ont cru bon de mettre genou à terre contre le « racisme », avant de pousser les gaz à fond autour du Red Bull Ring de Spielberg, en Autriche !

La vague emporte tout. Dans le sillage des people décérébrés qui viennent y barboter à l’unisson, les politiques africains, eux, espèrent avec raison se saisir au vol du poisson.

C’est le cas du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, dont la demande opportuniste d’une repentance française et son instauration d’une « journée de la mémoire » des massacres de Sétif de 1945 participent d’un plan de sauvetage de la cohésion nationale arabo-kabyle en perdition. Les manifestations pro-démocratiques et anti-corruption du Hirak (soldées, pour l’instant, par quatre décès officiels et des centaines de détentions) sont le saillant visible de l’échec constant du FLN. Pour aboutir, il sait pouvoir compter sur la faiblesse idéologique du Président Macron en ce domaine : un héritier post-colonial éduqué dans la doxa mondialiste venue d’outre-Atlantique. Il sait aussi que Macron doit donner des gages à l’Algérie pour espérer sauver la France d’un fiasco militaire contre le djihad sahélien. Deux hauts fonctionnaires sur un même rafiot…

Mais le Président français a bel et bien rouvert l’outre d’Éole lorsqu’en 2017, encore candidat, il a délibérément noirci l’Histoire de son pays en accusant ses ancêtres, fonctionnaires républicains, de « crime contre l’humanité », à Alger ! Simple faute par imprudence ?

Tout aussi périlleuse est l’attitude du roi des Belges qui – sous quelles pressions ? – s’est précipité dans la repentance coloniale auprès du Congolais Tshisekedi, plus pragmatique, et moins prompt que lui à pourchasser le crime humanitaire. Il n’est pas sûr qu’en ouvrant un contre-feu humanitariste, par difficulté à maîtriser les frictions nationales internes des Flamands et Wallons, le rex Belgarum puisse longtemps se poser en rassembleur d’une Belgique communautarisée et ouverte, à l’horizon 2050. Cet asservissement des dirigeants européens à la vague de fond, par idéologie ou suivisme, peut nous alarmer à bon droit.

Allons, tout n’est pas pourri dans le vieux bateau Europe : dimanche, en Autriche, malgré les pressions de la déferlante planétaire, six pilotes sont restés debout. Quelles qu’aient été leurs motivations, voyons-y un hommage à la liberté de choix et d’action qui nous est chère.

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08 juillet 2020 à 11:42

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