C'est une simple question posée dans les colonnes de Valeurs actuelles, qui vient relancer un débat jusque-là traité de manière assez confidentielle : "Riss, le directeur de Charlie Hebdo, a-t-il été protégé par un policier radicalisé ?" Il semblerait, en effet, qu'à l'issue d'un contrôle de routine de la part de l'administration policière, l'agent chargé de la protection rapprochée du journaliste ait été écarté en raison "d'un avis défavorable à la reconduction de son habilitation de la part de la Direction générale de la sécurité intérieure". En d'autres termes, les services de renseignement ont considéré que ce fonctionnaire, qui avait apparemment consulté des sites islamistes sur Internet, présentait un danger potentiel pour la sécurité de la personnalité qu'il était censé protéger. Si l'on ne peut que se réjouir d'une telle mesure, on ne peut, toutefois, que s'interroger sur la réalité et la portée d'un phénomène qui toucherait, désormais, l'ensemble des forces de l'ordre et, au-delà, notre administration et nos armées.

Il y a deux ans déjà, une note interne à la préfecture de police de Paris attirait l'attention de l'ensemble de la hiérarchie policière et des responsables politiques sur le comportement de certains policiers. C'est ainsi qu'il était fait état, dans ce document confidentiel, de gardiens de la paix écoutant des versets du Coran alors qu'ils se trouvaient en service, de policières sortant des vestiaires, après leur vacation, couvertes d'un "hidjab", ou encore d'adjoints de sécurité repérés pour fréquenter des associations abritant des musulmans radicalisés, ou postant sur les réseaux sociaux des messages franchement antisémites.

Mais l'institution policière n'est pas la seule concernée. C'est ce qu'un autre rapport, émanant de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, révélait à la même période, et de manière très circonstanciée, en dénonçant la présence de plusieurs dizaines de militaires radicalisés dans les rangs de l'armée française. Ces éléments étaient d'ailleurs corroborés par quelques cas de désertion de soldats français ayant rejoint les forces armées de l’État islamique.

Enfin, d'une façon plus générale mais moins précise, tant il est compliqué de surveiller les individus dans un État démocratique, plusieurs notes d'attention faisaient état de comportements problématiques au sein de diverses administrations de notre pays.

La problématique soulevée, une nouvelle fois, par la découverte, auprès d'une personnalité potentiellement menacée, d'un fonctionnaire de police à tout le moins suspect relance donc un débat de fond sur l'état de la contamination qui est susceptible de toucher, aujourd'hui, l'ensemble de notre société. En effet, si, depuis quelques années, des procédures de détection ont été mises en place en préalable à tout recrutement dans les services sensibles (police, gendarmerie, armée, administration pénitentiaire...), celles-ci ont cependant leurs limites, tant les accès aux données personnelles ont été rendus compliqués par les restrictions législatives successives.

Par ailleurs, le phénomène de dissimulation ne peut absolument pas être exclu de la part d'individus qui sont convaincus, aujourd'hui, de mener un vrai combat contre nos démocraties. C'est donc bien à un phénomène majeur que sont confrontés nos services de renseignement et de sécurité. Leur efficacité repose en grande partie sur l'implication de chacun pour détecter à temps celles et ceux qui, le moment venu, pourraient profiter de leur position pour porter un coup fatal à nos concitoyens et à nos institutions. Et là, il ne s'agit plus de science-fiction.

9102 vues

31 octobre 2018 à 13:45

Partager

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.