La question n’est pas de savoir si François-Xavier Bellamy a démérité mais plutôt si son camp le méritait…

François-Xavier_Bellamy

Après la défaite électorale de dimanche, la tête de liste François-Xavier Bellamy, devant les siens, a demandé pardon. Dans un monde où les hommes politiques arrivent les poches bourrées d’éléments de langage sophistiqués censés les exonérer - du lointain « responsable mais pas coupable » de Georgina Dufoix au récent « dysfonctionnement » de Christophe Castaner, dans la gestion des gilets jaunes -, dans un pays où l’on est toujours prompt à frapper sa coulpe sur la poitrine de ses voisins ou de ses aïeuls, il faut reconnaître qu’une telle déclaration mêlant humilité et contrition surprend. D’aucuns diront - soucieux de garder bien collée cette étiquette qu’ils lui ont collée sur le front dès sa première intervention - qu’il faut être catholique et avoir tâté du confessionnal pour oser ce mot excentrique. Cela s’appelle, en tout cas, assumer, et cela mérite d’être salué.

D’autant que si fautes et affronts exigeant un pardon il y a, n’est-ce pas plutôt envers lui qu’ils ont été commis ?

Par ceux qui, aujourd’hui, voyant en lui un facile bouc émissaire, lui reprochent ses valeurs assumées. Comme son ancien directeur de campagne (!) Geoffroy Didier qui a déclaré, sur France Inter : « Je pense que nous avons perdu un point lorsque François-Xavier Bellamy a commencé à faire revenir son conservatisme sociétal en disant devenir un acteur de l’histoire de Vincent Lambert. » On n’est jamais mieux trahi que par les siens. Et par des raisonnements qui, au delà d’un manque de conviction, font montre d’un étonnant défaut de réflexion : si la défense de Vincent Lambert a plombé LR, pourquoi n’a-t-elle pas nui au RN, dont l’électorat, pourtant, selon un sondage sur les parvis, n’est pas constitué de grenouilles de bénitier ? Et les Orbán et Salvini, grands vainqueurs de ces élections, n’ont-ils pas choisi dès le début d’endosser toute la matrice conservatrice sans l’ombre d’une hésitation ?

Par ceux qui, hier, ont tant trahi l’électorat de droite qu’il est devenu comme un amant blessé avec une femme volage : circonspect, méfiant, ne se laissant pas reconquérir en un rien de temps parce que, comme disait Reverdy, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves.

Par ceux qui, demain, comme Gérard Larcher, veulent « tenter une ouverture » vers le centre, girouettes que la première houle fait tourner à 180 degrés… histoire, sans doute, de perdre les 8,5 % d’électeurs restants, ceux qui avaient apprécié François-Xavier Bellamy et misé sur sa sincérité. Pas sûr que cet aggiornamento précipité visant à récupérer des électeurs déjà envolés chez LREM - et qui n’ont aucune raison de revenir : pourquoi le feraient-ils ? - les ravisse. C’est LR canal trappiste qui creuse sa tombe. Ruinant tous les efforts de reconstruction.

Tout est affaire de tectonique des plaques. Alors que les clivages se sont déplacés, LR, belle demeure bourgeoise bâtie au siècle dernier quoique, depuis, repeinte et rebaptisée, est sur la nouvelle ligne de fracture, à l’exact endroit où deux continents, celui des somewhere et celui des anywhere - pour reprendre la terminologie de David Goodhart -, sont en train de s’écarter. Les murs se lézardent et les fondations tremblent, les tuiles commencent à tomber… Le grand écart devient périlleux, durant toutes ces années, on a réussi à tenir, mais il faut maintenant choisir son camp. François-Xavier Bellamy veut demeurer, comme son livre du même nom, sur la rive des enracinés - en dépit de quelques ambiguïtés -, d’autres préfèrent courir dernière les marcheurs qui, éternellement en mouvement, sont déjà ailleurs quand on croit les avoir rattrapés, au risque de tomber dans la crevasse en tentant de l’enjamber.

La question n’est pas de savoir si François-Xavier Bellamy a démérité mais plutôt si son camp le méritait.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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