La journaliste russe Marina Ovsiannikova dérange : contre la guerre en Ukraine mais patriote convaincue !

marina

Décidément, les icônes médiatiques ne sont plus ce qu’elles étaient. Elles ont tendance à se démonétiser, telle une Assa Traoré qui se prendrait pour l’Angela Davis du 93 mais ferait de la publicité pour les godasses de luxe Louboutin (comptez un tiers de SMIC la paire), posture assez peu citoyenne, on en conviendra.

Ainsi, la journaliste russe Marina Ovsiannikova est-elle en train d’emprunter semblable chemin. Pourtant, au début, tout commence bien, avec son intrusion surprise au journal télévisé de la chaîne gouvernementale Pervy Kanal, le plus regardé en Russie. L’occasion de brandir une pancarte marquée du slogan « No War ». Elle-même russo-ukrainienne, Marina Ovsiannikova déclare : « C’est une guerre contre un peuple frère ! Aucune personne saine d’esprit ne peut l’accepter. […] Je voulais aussi montrer que les Russes sont aussi contre cette guerre, ce que beaucoup de gens en Occident ne comprennent pas. »

Une opinion qui lui vaut immédiatement quelques démêlés avec la Justice locale. Elle s’en sort avec une amende de 30.000 roubles, soit à peu près 250 euros. En revanche, ce happening télévisuel pourrait lui coûter plus cher, soit quinze ans de prison, en raison d’une loi d’exception prise dès le début de l'« opération militaire spéciale » en Ukraine, au nom de la « publication d’informations mensongères » sur l’armée russe.

La Justice du Kremlin ira-t-elle jusque-là ou laissera-t-elle couler ? Nul ne le sait. Mais Emmanuel Macron, lui, a déjà pris les devants, anticipant jusqu’au verdict final en proposant l’asile en France à l’activiste. Très logiquement, les médias hexagonaux applaudissent des deux mains.

Seulement voilà, Marina Ovsiannikova n’est pas faite de ce bois-là. Opposante à la guerre, certes, elle est une nationaliste russe avant tout. D’où cette douche froide, en forme d’entretien accordé à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel : « Je ne veux pas quitter notre pays. Je suis patriote, mon fils l’est encore plus. Nous ne voulons en aucun cas partir, nous ne voulons aller nulle part. » Pas plus en France qu’ailleurs, donc…

Pauvres confrères qui, après avoir chanté les louanges du nationalisme ukrainien, découvrent aujourd’hui que le nationalisme russe n’est pas que peau de balle et balai de crin et qu’il est possible de critiquer la politique étrangère de sa propre patrie tout en y demeurant indéfectiblement attaché.

Si ces mêmes confrères s’étaient donné la peine de voyager dans cette région du monde autrement que les yeux fermés, ils sauraient qu’en Russie, tout comme en Iran ou en Turquie, le patriotisme est la règle, même chez les pisse-copie, qu’ils soient de droite ou de gauche, d’extrême gauche comme d’extrême droite, religieux ou laïcs, voire même centristes - espèce assez rare au demeurant, en ces lointaines contrées. Que le lecteur permette cette petite anecdote personnelle. Il y a dix ans, presque jour pour jour, j’étais invité à Téhéran pour une très officielle conférence sur la Palestine en particulier et la géopolitique orientale en général. Soit l’occasion de converser, toujours avec les mêmes confrères, et de parler boutiques respectives.

L’un d’eux me confia ainsi, à propos de la liberté de la presse en Iran : « Chez nous, on peut quasiment tout écrire, à condition de ne pas offenser les bonnes mœurs, les trois religions abrahamiques et l’honneur de la mère-patrie. » Ce à quoi j’avais répondu : « Chez nous, en France, c’est exactement pareil, sauf que c’est l’inverse. » Mon interlocuteur n’en avait cru ni ses yeux et encore moins ses oreilles, m’assurant que nous étions « fous »…

J’avoue avoir renoncé à lui démontrer le contraire. Comme quoi, dans nos écoles de journalisme, on apprend tout, hormis l’essentiel : écrire debout. En ce sens, le cas de Marina Ovsiannikova demeure pour le moins exemplaire, à la grande et manifeste incompréhension de nos journalistes bienveillants.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

31 commentaires

  1. « et qu’il est possible de critiquer la politique étrangère de sa propre patrie tout en y demeurant indéfectiblement attaché. » Heureux pays que la Russie!

  2. Macron s’est bien fait remballer et il a encore perdu une bataille .Décidément il n’y a plus beaucoup de gens qui l’aime .

  3. C’est fou le nombre de gens qu’on félicite d’être patriote!!!!
    mais en France c’est interdit par la gauche et la macronie..replis sur soi, xénophobie….
    c’est comme pour BHL qui exalte les valeurs patriotiques pourvu que ca ne soit pas en bas de chez lui!!!!

  4. Le vent tourne, aujourd’hui on considère que c’est de la propagande organisée par Poutine.
    Tous nos media se seraient donc fait berner en se précipitant sur un os à ronger ?

  5. C’est même le « patriotisme russe », que l’on préfère au turc, qui « virule » fort, qui nous fait rêver d’une Europe de l’Oural à l’Atlantique, allié au besoin à l’Iranien, expurgé de l’anti-Sionisme- qui fut la règle du temps du Shah et qui existe encore…..

  6. Entièrement d’ accord avec cet article…..Mais subsiste un doute cependant. Lorsque l’on voit les (rares) images de manifestants russes opposés à la guerre en Ukraine, emmenés sans ménagement par la police….Que penser de cette « héroïque » intervention télévisée? Légère amende et aucune crainte à demeurer dans son pays? En Biélorussie, une opposante politique partit in extrémis afin d’ éviter les représailles du gouvernement. A l’époque, il n’y avait pas de guerre. Alors?? Le doute est permis

    • Une mise en scène savamment orchestrée par VP and co , comme ils sont experts , et apparemment ça fonctionne .

  7. les « peuples frères », ça me fait toujours marrer. Chacun sait que dans les familles, les frères ne sont pas forcément désintéressés lors des partages. C’est plutôt intrigues, tirage de couvertures, dénigrements, tricheries. Il en est donc de même pour l’Ukraine, tirage de couverture, léchage de bottes de l’UE pour s’attirer le fric au dépend de la Russie, léchage de l’Otan pour la défendre de ce fameux « frère »

    un privilège n’en est plus un si trop en profitent. Alors, le frère russe

  8. Une émule de BHL rien de plus. En temps de guerre on ne fait pas le jeu des médias de l’ennemi. Regardez comme ces minables journalistes de nos télés et la quasi totalité de nos « politiques » se sont emparés de ce geste pour faire du Poutine bashing tout en exacerbant la russophobie de nos compatriotes. Cette journaliste n’aurait pas dû agir ainsi.

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