La crise de la démocratie offre une chance de la transformer

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Faut-il s'étonner si le baromètre annuel du CEVIPOF (Centre d'étude de la vie politique), publié dans Le Figaro de vendredi, montre une défiance, jusqu'ici inégalée, envers les institutions et les acteurs de la vie démocratique ? Le mouvement des gilets jaunes est sans doute passé par là, mais il est lui-même le symptôme d'une crise de la démocratie. Malgré les propos alarmistes du gouvernement, on peut s'en réjouir car de la crise peut naître un renouvellement de nos institutions.

L'étude du CEVIPOF nous apprend, notamment, que la confiance à l'égard des syndicats, des banques, des médias, des réseaux sociaux se situe nettement en dessous de la moyenne, mais ce sont les partis politiques qui remportent la palme, avec un score de 9 %. L'image des députés, du Premier ministre et surtout du chef de l'État est profondément altérée, avec respectivement 31 % (-4 points), 25 % (-11) et 23 % (-13). Seuls les maires tirent leur épingle du jeu, avec 58 % (+3 points).

Ce phénomène n'est pas nouveau, même s'il semble s'accentuer. Le nombre d'abstentions et de bulletins blancs ou nuls, aux dernières élections présidentielles et législatives, en est une illustration. Mais il faut essayer de cerner les causes profondes de cette défiance envers les partis politiques, les politiciens et, plus généralement, les formes actuelles de la démocratie, que beaucoup de gilets jaunes traduisent par la demande d'un référendum d'initiative citoyenne.

Prédomine le sentiment que l'Assemblée nationale n'est pas représentative. C'est un fait qu'avec le scrutin majoritaire à deux tours, beaucoup de Français ne sont pas représentés. Si l'on ajoute que les élus de la majorité sont, la plupart du temps, contraints de voter comme un seul homme, quelles que soient leurs réserves, on comprend que ce système électoral soit remis en question. Ce n'est pas une petite dose de proportionnelle qui pourrait y remédier, surtout si le nombre de députés est réduit.

Intervient aussi le fait que nos dirigeants ont tendance à ne considérer l'avis des citoyens que lorsqu'il va dans leur sens. Rappelez-vous comment, en 2005, nos dirigeants (droite et gauche confondues) refusèrent de suivre les 54,68 % de Français qui avaient rejeté le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Un véritable déni de démocratie ! S'ils en avaient tiré les conséquences, l'Europe ne se serait sans doute pas engagée dans la fuite en avant qui la caractérise. Voyez, encore, comment Macron et sa majorité tentent d'organiser un grand débat national, en commençant par exclure des thèmes et en annonçant qu'ils garderont le cap, quoi qu'il arrive.

Les médias, le « quatrième pouvoir », sont pareillement la cible des critiques. Force est de constater que trop de journalistes répètent les mêmes lieux communs, comme si leur formation avait anesthésié leur esprit critique. On est presque surpris quand l'un d'entre eux manifeste quelque originalité. Ils participent ainsi à l'uniformisation de la pensée. Sans doute entend-on, sur certaines chaînes, des voix discordantes, mais la ligne éditoriale reste toujours la même. Sur pratiquement tous les sujets, on peut prévoir à l'avance ce qu'ils vont dire.

La remise en cause des formes actuelles de la démocratie offre une chance à un renouvellement des institutions. Le pouvoir dénonce les « factieux » qui veulent renverser la démocratie, comme s'il suffisait de défendre le mot pour en défendre l'esprit. Il cherche plus les moyens d'imposer ses vues, en sauvegardant les apparences de la démocratie, que les méthodes qui favoriseraient une véritable participation des citoyens à la prise de décisions. La démocratie, parce qu'elle n'a pas su se renouveler, tend vers le totalitarisme. La seule façon de la sauver, c'est de la transformer.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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