Joe Trump et Donald Biden

Nos « démocrates » européens autoproclamés ont participé durant quatre ans (in partibus) à la campagne contre Donald Trump (subsidiairement président des États-Unis, élu avec soixante-trois millions de voix) et ont, bien sûr, exulté à l’annonce de la victoire de Joe Biden.

Ces bonnes consciences ont systématiquement jugé Trump à l’aune de critères « moraux » : le président américain était raciste, sexiste, climato-sceptique, anti-science, d’une effroyable vulgarité, etc. C’est pourquoi les premiers gestes « moraux » de Biden en faveur de l’avortement, des LGBT, des migrants, de l’écologie les comblent de joie.

Ils oublient que c’est politiquement qu’il faut juger un homme politique. Hillary Clinton, en 2016, a perdu parce que sa campagne était mauvaise : elle se contentait d’agréger des « communautés » qui devaient « forcément » voter pour elles (Noirs, Latinos, minorités sexuelles, etc.). Tandis que Donald Trump a mené une bonne campagne, parce qu’il a senti se lever en Amérique, au sein d’une population appauvrie par la « mondialisation heureuse », un vent de révolte contre les dogmes de l’ultralibéralisme, de la destruction des frontières, de la délocalisation, etc. Et même s’il a perdu l’élection de 2020, en raison d’une épidémie qui a mis à terre une économie américaine florissante, les soixante-quatorze millions de voix qui ont accompagné sa défaite doivent faire réfléchir sur le plan politique.

C’est ce que fait Joe Biden, au-delà d’apparences trompeuses. Certes, il a donné des gages à sa gauche woke avec ses décrets pro-LGBT (comme Trump donnait des gages à sa droite chrétienne ultra-sioniste). Mais cela ne lui coûte guère. Déjà, le pivotement en faveur des énergies renouvelables ne doit pas faire illusion. Bien sûr, Biden favorise d’autres industries que celles que soutenait Trump, mais le principe reste le même : élu, pendant plus de trente ans, du paradis fiscal qu’est l’État du Delaware, Biden sait parfaitement renvoyer l’ascenseur à ses puissants soutiens.

En politique intérieure, Biden va mettre méthodiquement ses pas dans ceux de Trump, revenant vers cette classe moyenne et ouvrière que le parti démocrate avait plus ou moins délaissée au profit du mirage d’une concurrence internationale « libre et non faussée ». « America First » restera sans aucun doute, même en sous-main, le principe directeur de son action.

Il en sera de même au plan international : combat frontal contre la Chine, tentative de déstabilisation de l’Iran, soutien inconditionnel à Israël, retour des « boys » depuis les théâtres d’opérations où ils se font tuer inutilement depuis tant d’années, etc., le « néo-trumpisme » a encore de beaux jours devant lui avec Biden.

Enfin, il ne faut pas se leurrer : l’actuel président américain manifestera le même manque d’intérêt que son prédécesseur pour une Union européenne vieillissante, faible, velléitaire, engoncée dans une réglementation kafkaïenne nappée d’une vaine rhétorique des droits et des valeurs.

Nos bons « démocrates » se sont réjouis, à tort, de l’échec de Joe Trump, qui avait l’avantage d’être un ennemi identifié : ils feraient mieux de préparer leurs mouchoirs pour accueillir Donald Biden, un prétendu « ami » dont ils ne profiteront guère. Bienvenue dans le monde cruel d’un multilatéralisme restauré… toujours au profit des intérêts américains !

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Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

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