Jean Sévillia : « Le propos d’Emmanuel Macron n’a aucun sens sur un plan historique »

Jean Sévillia : « Il faut sortir de la Guerre d’Algérie dans l’intérêt de la France ! »

Alors qu'il était en Côte d'Ivoire, Emmanuel Macron a qualifié le colonialisme de « faute de la République ». Réaction de l'historien Jean Sévillia.

En Côte d’Ivoire, Emmanuel Macron a déclaré que le colonialisme avait été une faute de la République. Cette obsession pour la repentance revient régulièrement pour certains présidents de la République.
Emmanuel Macron a-t-il raison lorsqu’il parle de faute de la République ?

Ce propos n’a absolument aucun sens sur un plan historique. On juge l’Histoire dans son contexte et dans son époque. Raisonner en faisant une condamnation d’ordre moral sur la colonisation, c’est comme si les hommes du XIXe siècle avaient eu les éléments à partir desquels nous résonnons sur l’histoire coloniale européenne.
Cela ne veut rien dire. Ce n’est donc pas une faute de la République. Dans son contexte, la colonisation fut une entreprise économique, militaire et humanitaire. Il y a de multiples volets dans la colonisation. Il y a évidemment des pages sombres, mais avec le recul on doit dire qu’il y a aussi des pages lumineuses. Les Européens ont aussi apporté des bienfaits sur le plan social, médical, scientifique et même économique. Il faut faire la part des choses. On ne peut pas faire un reproche à nos ancêtres du XIXe siècle comme s’ils avaient toutes les clés en main comme celles que nous avons aujourd’hui pour réfléchir. Historiquement parlant, cela ne veut rien dire parce que c’est de l’anachronisme.

Les réseaux sociaux révèlent un débat. D’un côté, certains disent que la colonisation était essentiellement positive et de l’autre côté certains disent qu’elle était exclusivement négative.
Comme d’habitude, la vérité se situe entre les deux…

En Histoire, tout se situe toujours entre les deux. L’Histoire n’est jamais manichéenne. La part négative dans la colonisation qu’il ne sert à rien de nier. Cette vision inégalitaire entre civilisations ne correspond plus aujourd’hui à nos critères. La colonisation a pu être une forme d’exploitation. Il y a pu avoir aussi de la violence et de l’injustice dans l’œuvre coloniale. Cela existait. C’est absurde de le nier. Mais il est tout aussi absurde de nier la phase positive et lumineuse de la colonisation. On a apporté des bienfaits aux peuples que nous avons colonisés. Il faut le dire, car cela fait partie de la réalité. Cette réalité est balancée. Ce n’est pas tout bien ou tout mal. C’est un mélange des deux, comme l’Histoire en général.

Qu’est-ce qui pousse régulièrement nos chefs d’État à faire amende honorable sur les crimes de la colonisation ? Idéologie ou but politique ?

Ils doivent espérer s’attirer les bonnes grâces des dirigeants des pays anciennement colonisés. C’est à mon avis un mauvais calcul. Autant on voit que les Algériens par exemple ont un regard très critique sur la présence française en Algérie, autant les dirigeants d’Afrique subsaharienne ne sont souvent pas dans cette optique-là.
Aller au-devant de revendications de repentance, c’est donner des verges pour se faire battre et donner des armes à ceux qui veulent une fois de plus nous pénaliser et nous culpabiliser. Cela me paraît être de mauvaise politique. C’est aussi une forme d’insulte à l’égard de l’Histoire de France, qui de la part du chef de l’État est bien fâcheux. À un moment où une grande partie de l’armée française est engagée dans des opérations extrêmement difficiles en Afrique, cela me paraît être un langage imprudent pour le chef des Armées.

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Jean Sévillia
Journaliste et essayiste - Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine, membre du comité scientifique du Figaro Histoire, et auteur de biographies et d’essais historiques.

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