Jean-Luc Coronel de Boissezon, professeur d’histoire du droit, a été sévèrement sanctionné pour son rôle dans l’évacuation d’étudiants opposés au projet de réforme de l’université, et occupant illégalement les locaux, en mars 2018.

Pour Boulevard Voltaire, il commente cette révocation, procédure disciplinaire la plus lourde de l'Éducation nationale, qui lui interdit d'enseigner et même d'exercer dans la fonction publique.

Vous avez fait partie des professeurs mis en cause lors du déblocage d’un amphithéâtre, à Montpellier, pendant les émeutes étudiantes. Vous venez d’être révoqué de votre poste de professeur. Comment accueillez-vous cette révocation ?

Je considère naturellement qu’il s’agit d’une décision déraisonnable et disproportionnée. Je crois que cela ne peut échapper à personne. Cette décision est la plus dure, la plus rigoureuse et la plus complète qui puisse être infligée dans tout l’arsenal disciplinaire dans l’Éducation nationale. Cela veut dire qu’il n’y a rien de plus sévère que cette décision.

C’est la première fois depuis longtemps qu’un professeur est ainsi révoqué. Qu’entraîne cette révocation ? S’agit-il d’une interdiction d’enseigner ?

C’est bien pire.
Arbitrairement, d’un seul trait de plume, quatre membres d’une commission disciplinaire lointaine de Sorbonne Universités, ex-Paris-IV, composée de gens pour lesquels je suis un inconnu, ont décidé de mettre fin à une carrière de 28 ans. Ils l’ont fait sur la base d’une affaire qui a duré une heure, pendant laquelle j’ai tenté de porter assistance à ma faculté, répondant à l’appel de collègues agressés.
Mais, au-delà de mettre fin à une carrière universitaire, cette décision tente de m’exclure de toute possibilité d’enseigner. En effet, il m’est également interdit définitivement, selon les termes glaçants de cette décision, d’enseigner dans l’enseignement public, quel que soit le degré. Elle prévoit même que je ne puisse "exercer" dans tout établissement, c’est-à-dire en dehors de l’Éducation nationale, dans toute la fonction publique.
Le libellé laisse interdit. C’est pourquoi, comme vous pouvez l’imaginer, un appel sera interjeté.

Pourquoi cette sévérité exemplaire vous frappe vous en particulier ?

Votre question soulève beaucoup d’autres questions. Il y a de grandes parts d’ombre.
Tout d’abord, le procès pénal n’a pas eu lieu. Les journaux disent, de façon hâtive, que la justice a été rendue. Ce n’est pas vrai. Seule une procédure disciplinaire a été conduite.
C’est, bien entendu, une juridiction, mais la juridiction pénale ne s’est pas prononcée. Je suis, bien entendu, toujours présumé innocent. C’est également le cas de ceux qui ont eu le malheur d’être mis en examen dans cette affaire.
La section disciplinaire de Sorbonne Universités n’a aucun rapport avec l’université de Montpellier. Elle n’a aucun moyen de se prononcer sur des faits probants à l’heure actuelle, puisque l’affaire pénale n’est pas terminée.
Les moyens d’investigation de la police sont infiniment plus développés que ceux d’une commission disciplinaire qui ne reposent que sur des témoignages. La section disciplinaire de Sorbonne Universités a, en effet, choisi de se fonder très largement sur des pièces apportées par les occupants illégaux eux-mêmes. C’est assez extraordinaire ! Les personnes qui ont occupé illégalement la faculté, attouché des étudiantes, insulté des étudiants, molesté des surveillants de TD, frappé au visage un de mes collègues, m’ont frappé moi-même et m’ont causé un jour d’ITT, sont ceux qui ont prétendu venir nourrir l’instruction de la section disciplinaire. Pourtant, elle a fait droit à leurs témoignages alors même qu’il s’agit de témoignages anonymes. Cela ne peut que choquer et n’est pas recevable. C’est contraire à tous les principes de la procédure et à tous les principes généraux du droit.
Cette section disciplinaire a pris en compte des témoignages anonymes d’occupants illégaux en dehors de tout fait probant pour m’accabler.

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09 février 2019 à 9:35

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