Jacqueline Sauvage : histoire d’une instrumentation sociale et politique
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Il paraît que trois millions de téléspectateurs ont regardé, lundi soir, Jacqueline Sauvage, c’était lui ou moi, avec Muriel Robin dans le rôle-titre. Je n’en étais pas.
L’ont-ils regardé pour la prestation de Muriel Robin ou pour le scénario ? Sans doute pour Muriel Robin, qui nous a beaucoup fait rire dans le passé et sait maintenant nous faire pleurer dans des rôles noirs, ambigus, de femme fatale au sens premier du mot. Elle y excelle, c’est vrai, mais il semble que, cette fois, elle ait épousé le rôle bien au-delà du simple jeu d’acteur : en militante de la cause des femmes.
La fiction, car c’en était une, est l’ultime étape d’une instrumentation sociale et politique. Un abus de conscience, en quelque sorte, et une manipulation de l’opinion dans laquelle les bonnes âmes trouvent un exhausteur de goût à la vie. Surtout si elles rament pour remonter la pente du doute de soi et de la déprime solitaire, ce qui était, il y a peu encore, le cas de Muriel Robin, à en croire les confidences qu’elle fait à la presse.
« Quand Yves Rénier m’a proposé le rôle, je n’ai pas réfléchi une seconde, je lui ai dit : Jacqueline Sauvage, c’est moi ! », confie-t-elle à Paris Match. Le rôle, en effet, est sans doute conforme à l’idée que Muriel Robin et quelques millions de personnes avec elle se font de cette histoire, mais la question importante est : ce personnage est-il bien Jacqueline Sauvage ? Est-ce que cette femme qu’on nous livre dans une fiction à grand tapage est conforme à la réalité de l’individu Jacqueline Sauvage ?
Non, répond catégoriquement le magistrat Frédéric Chevallier, procureur général dans le procès en appel qui a vu l’accusée condamnée à dix ans de réclusion, confirmant ainsi la condamnation du premier procès. Démarche rarissime, il le fait au travers d’une lettre adressée à Catherine Sauvage et publiée mardi par le journal Le Monde.
Quand Muriel Robin, reprenant ce qui est devenu un roman "d’utilité nationale", résume l’histoire de cette femme à quarante-sept ans de domination et de coups, le magistrat réfute, déplorant que Jacqueline Sauvage soit devenue « le symbole inadapté d’un fait majeur de société ». Il regrette qu’on la présente désormais dans les médias comme « soumise » alors que tout montre qu’elle a toujours été une « femme déterminée », prenant sa vie et son destin en main.
« Ce que vous avez vécu ne peut être cet “enfer” créé par celles et ceux qui vous ont enserrée dans cette image symbole placardée sur leur poitrine “Je suis Jacqueline” […] Vous présenter comme soumise et sous l’emprise de ce “tyran” de Norbert [son mari], c’était nier totalement votre personnalité dont la réalité ne correspondait plus en rien à ce que vous avez été pendant quarante-sept ans », écrit-il. Et de préciser, le lendemain, sur France Info :
« Cette lettre, je l’ai écrite d’abord pour Madame Sauvage […]. Et puis je l’ai écrite pour les jurés. […] Je le dis en leur nom : la vérité judiciaire établit que madame Sauvage est une meurtrière aggravée. Elle encourait perpétuité pour avoir tué son mari. La cour d’assises, après avoir étudié, analysé, évalué l’ensemble de cette affaire, l’a déclarée coupable et l’a condamnée à dix ans [deux fois !]. Madame Sauvage était d’accord avec ce verdict. Elle ne voulait pas faire appel. Et puis surgissent deux avocates qui vont faire appel… »
Il poursuit :
« Il faut que les gens réfléchissent. Est-ce qu’ils considèrent que c’est un symbole acceptable de dire qu’aujourd’hui, pour lutter contre les violences faites aux femmes, il s’agit de tirer trois balles dans le dos de son mari ? »
Quant au droit de grâce dont a usé François Hollande, il pouvait, certes, se justifier dans une époque où la peine de mort était en vigueur et où n’existait pas la possibilité d’appel devant la cour d’assises, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Mais, on le sait, Hollande a cédé à la pression de l’émotion, pas à la réflexion.
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