Israël : Terre promise, terre due
La Knesset, le Parlement israélien, a adopté jeudi une loi fondamentale qui définit Israël comme le « foyer national du peuple juif ». Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, salue cet événement comme un "moment charnière dans les annales du sionisme et de l’État juif". La plupart des commentateurs reprennent cette idée de rupture. Le Monde, par exemple, présente l’adoption de ce texte comme un "tournant dans l’histoire israélienne". Mais sans vouloir faire de sémantique, et à y regarder de plus près, ce vote s’inscrit dans une parfaite continuité qui nous ramène aux origines de la création de l’État d’Israël en 1948.
En effet, il faut relire les premières phrases de la déclaration d’indépendance du 14 mai 1948, le jour où prenait fin le mandat britannique en Palestine. Elle fut prononcée par David Ben Gourion et signée par les trente-six autres membres du Conseil général sioniste, érigé en Conseil national. "Eretz-Israel (le pays d’Israël) est le pays où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national… C’est là qu’il écrivit la Bible et en fit don au monde. Exilé de Terre sainte, le Peuple juif lui demeura fidèle tout au long de sa dispersion et il n’a jamais cessé de prier pour son retour, espérant toujours la restauration de la liberté politique." On comprend mieux, alors, la déclaration faite aux députés arabes de la Knesset par le député du Likoud, Avi Dichter, initiateur de cette loi votée jeudi, déclaration rapportée par Le Monde : "Vous n’étiez pas là avant nous et vous ne serez pas ici après nous."
"Vous n’étiez pas là avant nous" : une affirmation qui tient historiquement, si l’on considère que les Arabes vinrent après les juifs sur cette terre de Palestine, et en admettant que tous les juifs d’aujourd’hui descendent de l’ancien peuple hébreu. L’on pourrait, en effet, évoquer cette conversion au judaïsme du peuple khazar en Asie centrale au VIIIe siècle. L’écrivain juif Marek Halter, dans son roman Le Vent des Khazars, fait dire à l’un de ses personnages : "Juif d’Israël ou Juif du royaume khazar, nous avons foi dans le même Dieu, béni soit Son Nom, et nous respectons la même loi." Une filiation, contestée par certains israélites, mais à laquelle l’académicien et ministre Maurice Druon, d’ascendance juive ashkénaze par son père, se plaisait à se raccrocher. Mais nous nous éloignons de ce Proche-Orient déjà si compliqué… Quoique.
"Vous ne serez pas ici après nous" : cette affirmation se veut-elle prophétique ? Sous-entend-elle que les Arabes (près de 20 % des citoyens de l’État d’Israël) devront prendre le chemin de l’exil comme le firent des centaines de milliers de Palestiniens en 1948 ? Il est évident que de telles déclarations donnent des arguments à ceux qui vont jusqu'à affirmer que cette nouvelle loi fondamentale faisant d’Israël "l’État-nation du peuple juif" présente des aspects racistes vis-à-vis de la communauté arabe.
Continuité, et non tournant, disions-nous. Continuité à la déclaration de la Knesset en 1980 qui faisait de Jérusalem la capitale "éternelle et indivisible", et ce, en contravention au droit international - ce droit international qui avait permis que soit créé l'État juif -, comme le rappela la résolution 476 du Conseil de sécurité, résolution qui enjoignait Israël de ne pas toucher au statut de la ville sainte. Continuité, évidemment, avec l’appui des États-Unis : pensons au transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem cette année.
L’Union européenne s’est dite "préoccupée" - mais qui se préoccupe des préoccupations de l'Union européenne ? - par cette nouvelle loi israélienne qui pourrait compromettre la solution de deux États. Une solution qui va finir par relever des grands mythes de l’humanité ! Et la France ? La France, en tout cas son Président, après être redescendu de son extase footballistique, semble avoir d’autres préoccupations…
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