Iran : l’Élysée, petit bras

Hassan Rouhani

L'Élysée vient de déclarer : « Il y a urgence de tenter d’amorcer un processus de désescalade avec un relâchement de la pression maximale des États-Unis sur l’Iran et le relâchement de la stratégie de résistance maximale de Téhéran » et indique que ce sera une des priorités d’Emmanuel Macron à New York, qui rencontrera le président américain et son homologue iranien Hassan Rohani. C'est le service minimum : comme souvent, le Quai - qui a sans doute proposé la note - susurre une langue de bois doré, sur le ton de celui qui en sait bien plus qu'il ne peut en dire.

En réalité, les Européens en général, et la France en particulier, sont largement hors jeu. Le porteur du ballon (Coupe du monde rugby oblige), c'est Donald Trump : tout le monde doit reculer et s'aligner sur lui. Car l'accord Obama sur le nucléaire iranien était un mauvais accord et - comme les accords de Munich en 1938 - laissait les mains libres à l'Iran sur bien des sujets dangereux : développement de missiles stratégiques, probablement la bombe islamique, et la présence des armées religieuses (Pasdaran) du khalifat chiite en Syrie, au Liban, au Yémen. Certes, ces contingents ont contribué à la défaite de Daech en Syrie. Mais aujourd'hui, ils dictent à l'Iran ses actions et géostratégies fanatiques, non démocratiquement décidées.

Par besoin de gloriole, l’Élysée a réussi son petit coup de com' à Biarritz mais le président Trump a su rester indéchiffrable. Il sait très bien ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas. Et la posture française n'a aucune chance de mener à quelque compromis que ce soit car l'Iran ne renoncera jamais à ses objectifs, du moins tant que sa forme politique est un khalifat. Dans cette affaire, on ne veut voir que le soutien de Donald Trump à l'Arabie de Ben Salmane et on lui en fait reproche. Or, on ne doit pas juger le chemin emprunté mais le but à atteindre et le résultat obtenu.

Par ses options vaguement moralisatrices, la France du début du quinquennat Hollande avait appuyé l'opposition à el-Assad et, ainsi, fait le jeu de Daech. Sa position historique en Syrie (l'ex-Levant français) est ruinée. Et elle abandonne peu à peu le Liban au Hesbollah, dont les activités paramilitaires sont supervisées par le Conseil central djihadiste (!) et équipées par l'Iran. La France souhaite-t-elle que l'Iran continue à déstabiliser le Moyen-Orient, se dote de missiles stratégiques, de la bombe islamique, phagocyte le Liban, le tout à 2.500 kilomètres de son territoire, le général Hossein Salami le doigt sur le bouton aux ordres du Guide suprême ? Et à quelques kilomètres d’Israël, dont le khalifat chiite veut la disparition ? En février 2019, le Guide suprême Khamenei a publié un communiqué sur « la seconde phase [les 40 ans à venir] de la révolution islamique »« Aujourd’hui, le défi est de renforcer la puissante présence iranienne aux frontières du régime sioniste, de chasser l’influence illégitime de l’Amérique du Moyen-Orient. » En juin 2018, pour l’Aïd el-Fitr, il avait déclaré dans un discours officiel : « Le régime sioniste [...] illégitime [...] repose sur un mensonge. Il sera certainement détruit par la réussite de Dieu et l’effort des peuples musulmans. ». Un tweet du même (juin 2018) affirmait : « Israël est une tumeur maligne cancéreuse dans la région […] qui doit être retirée et éradiquée : cela est possible et cela se produira ». En mai 2019, lors d’une conférence avec des étudiants, le Guide suprême déclarait que la jeunesse du pays serait témoin de « la mort des ennemis de l’humanité [...] la dégénérescence de la civilisation américaine et la mort d’Israël ».

Dans ces conditions, le discours élyséen sur la stratégie de résistance maximale de Téhéran n'a aucun sens, qui se veut équilibré dans un monde déséquilibré et très dangereux : de la « sagesse de comptoir ». Les Français doivent ouvrir les yeux : depuis longtemps, la France n'a plus d'intelligence géostratégique. De ce fait, elle ne compte plus et le monde entier le sait.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:13.
Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

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