France 2 : la mère de Laura témoigne, elle ne veut pas se résigner

Pascale Harel

L’émission politique « L’Événement », sur France 2, présentée par Caroline Roux existe depuis un an, mais l’édition de ce 9 novembre a spécialement fait parler. Y témoignait la mère de Laura, 20 ans, assassinée sur la parvis de la gare Saint-Charles, à Marseille, en même temps que sa cousine Mauranne, par un clandestin tunisien islamiste, le 1er octobre 2017. C’était la première fois que Pascale Harel s’exprimait à la télévision. Six ans se sont écoulés, mais l’émotion la submerge toujours. Cette mère française « qui a arrêté de vivre » cet affreux dimanche, dont elle se souvient « comme si c’était hier », explique, la voix tremblante, que la famille entière a basculé : son frère a perdu lui aussi sa propre fille. Leur assassin n’aurait « jamais dû être là », « il aurait dû être reconduit immédiatement ». Au-delà du chagrin, c'est ce qui indigne Pascale Harel.

Indignation de la gauche 

Une certaine presse de gauche, elle, s'indigne de tout autre chose : Thomas Bécard, journaliste de Télérama, a trouvé le débat sur l'immigration dont cette émission était l'objet « gênant », l'a qualifié de « piètre spectacle ». Tout au plus juge-t-il l’émotion de la mère de Laura « compréhensible ». Encore heureux.

Nassira El Moaddem, journaliste du média d’extrême gauche Arrêt sur images, en veut, quant à elle, à la chaîne : « France 2, vous êtes impardonnable », poste-t-elle sur X. « Quel boulevard à Marine Le Pen, je n’ai pas de mots », rajoute-t-elle encore. Un anonyme commente sous son post, lapidaire : « Pour certains, l’impardonnable, c’est ce qui est arrivé à Laura, à sa cousine, à Samuel, à Dominique. Pour d’autres, c’est l’émission qui en parle. »

Il est vrai que depuis des dizaines d’années, la doctrine de la gauche pour occulter ou euphémiser les faits tragiques qui contreviennent à sa doxa est constante : tout d’abord, traiter les politiques ou les journalistes qui les mettent en lumière de racistes d’extrême droite se rendant coupables de récupération. Ensuite, exhorter les familles à la miséricorde, leur souffler de répéter « vous n’aurez pas ma haine » et « pas d’amalgame », leur citer en modèle le bon grain des familles « résilientes » qui ne mouftent pas et dénoncer, a contrario, l’ivraie des parents qui ne se résignent pas. Aucune pitié, par exemple, pour Patrick Jardin accusé, en 2018, par Le Monde, d’être « sur le chemin de la haine ».

Quant aux détails, aux images qui pourraient rendre compte de la sauvagerie de l’agression ou de l’attentat, il ne faut surtout pas les diffuser : c’est indécent, cela atteint à la dignité de la victime, vous comprenez ? L’argument porte. Aimerions-nous, s’il s’agissait de nos proches, voir leurs corps exhibés ? Sauf que sans le poids des mots et le choc des photos, tout glisse. Les Israéliens l’ont bien compris, qui ont décidé de montrer la crudité des photos, et de faire le récit précis - tout insoutenable qu’il est - des exactions. On notera qu’en revanche, pour le petit Aylan, dont le corps échoué sur une plage a fait le tour du monde, cette même gauche n’avait pas ces pudeurs.

Jusqu’à présent, les familles de victimes de l’impéritie sécuritaire et migratoire étaient restées très dociles, quand elles ne désavouaient pas carrément les politiques qui tiraient la sonnette d’alarme. Aucune manif d’ampleur après le viol de telle vieille dame, l’assassinat au cri d’Allah akbar de tel jeune homme. Parfois des marches blanches, sortes de déambulations cathartiques sans autre visée que faire montre, avec fatalité, d’une tristesse partagée. Rien de plus.

La famille des deux victimes de la gare Saint-Charles, respectueuse des institutions, avait saisi quant à elle la Justice, espérant faire condamner l’État, mais en janvier 2020, le tribunal administratif a rejeté leur requête, jugeant que si « plusieurs dysfonctionnements [avaient] été mis en évidence », que « le casier judiciaire de l’individu était vierge, qu’il ne figurait ni au fichier des personnes recherchées ni au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste et l’infraction de vol à l’étalage ne révélait pas une dangerosité particulière » justifiant « d’édicter une mesure d’éloignement assortie d’un placement en rétention ». Dit autrement, un individu illégalement sur notre sol et y ayant commis un acte délictueux n’a pas nécessairement à être arrêté ni expulsé.

Les familles relèvent la tête. 

Mais comme l’expliquait récemment Clémence de Longraye dans ces colonnes, depuis quelques mois, la donne change : les familles commencent à gronder. Ces familles restent bien sûr très polies. Elles ne mettent pas le pays à sac, ne pillent pas les vitrines, ne brûlent pas les voitures, ne détruisent pas le mobilier urbain. Mais elles font part, dans les médias, de leurs interrogations et de leur légitime colère. Véronique, femme de Philippe, tué à Bayonne, Christelle, épouse d’Alban, assassiné à Marseille, Ludovic, père de Mégane, violée à Cherbourg,.. et, la semaine dernière, dans l’émission « L’Événement », enfin, Pascale Harel. « Il n’y a rien qui bouge. En six ans, il n’y a rien eu de mis en place. Je veux du concret, je veux que ça change », a lancé cette dernière.

Face à cette mère de famille si terriblement éprouvée, France 2 avait mis deux autres mères de famille : Laure Lavalette, députée RN du Var, dit à BV ne pas avoir été prévenue par la chaîne de la présence de Pascale Harel. Elle avoue avoir failli pleurer. Sa propre fille étudiante passe souvent par la gare Saint-Charles. Laure Lavalette, comme elle l’explique à Pascale Harel, pense aux deux jeunes filles.

Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux élections européennes, elle, fait remarquer que « le clandestin qui a tué Laure et Mauranne à Marseille a travaillé dans le BTP en Italie dans les fameux métiers en tension. Arrivé en France il est passé à l’acte. »

Sans doute la presse de gauche a-t-elle trouvé que la chaîne participait ainsi à la « stratégie de normalisation » du RN et de Reconquête, selon l’expression consacrée. Il ne faudrait les montrer que le couteau entre les dents en train de dévorer des chatons. Ce qui n’est pas facile, convenons-en, à faire en même temps. Quoi qu'il en soit, si les familles de victimes commencent à relever la tête, le gouvernement, lui, peut commencer à s’inquiéter.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

63 commentaires

  1. Certains ont peiné à analyser le sentiment que leur a inspiré le livre « Vous n’aurez pas ma haine ». Le soupçon d’insincérité dominait souvent, mais peu se sont déclarés émus ou bouleversés. A contrario, le témoignage poignant de cette mère et tante bouscule et bouleverse tant sa sincérité est vibrante. Elle nous prouve que, malgré leur douleur, les familles peuvent se lever en masse pour témoigner, pour alerter et réveiller les esprits anesthésiés de ceux qui osent encore crier au racisme. Dans un tel contexte, le slogan « Vous n’aurez pas ma haine » n’a plus sa place, a perdu toute crédibilité. Mais l’injonction « Woke », « réveillez-vous » s’impose plus que jamais. Et cette fois-ci, il a tout son sens.

  2. Pour la gauche, il ne faudrait pas parler de ces atrocités sous le prétexte que cela servirait à MLP. Continuez ainsi à vouloir cacher les méfaits dus à l’immigration sauvage et un jour viendra où les Français en auront assez et c’est une MLP ou quelqu’un d’autre qui règlera le problème.

  3. « Nassira El Moaddem, journaliste du média d’extrême gauche Arrêt sur images, en veut, quant à elle, à la chaîne : « France 2, vous êtes impardonnable », poste-t-elle sur X. « Quel boulevard à Marine Le Pen, je n’ai pas de mots » ». C’est tout ce que la détresse de cette mère inspire à cet indigne personnage ? Les mots, madame, ce sont des mots de compassion et uniquement eux qui auraient dû vous inspirer. Ce sont vous et votre confrère Thomas Bécard qui sont impardonnables en nous laissant sans voix. Que la honte soit sur vos têtes !

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