Comme le remarquait très justement Laurent Dandrieu la semaine passée dans Valeurs actuelles, les films à thématique chrétienne se bousculent depuis quelque temps au cinéma. Nous évoquions Silence, sur Boulevard Voltaire, L’Ami, François d’Assise et ses frères ou encore, plus récemment, L’Apparition. Mais avant d’aborder prochainement le Marie-Madeleine de Garth Davis, attardons-nous un peu sur La Prière, dernier film en date de Cédric Kahn sorti en salles le 21 mars.

Rappelant par certains aspects L’Enfance nue de Pialat ou Rosetta des frères Dardenne, La Prière, produit par Sylvie Pialat, compagne du cinéaste défunt, raconte l’itinéraire difficile de Thomas, ancien héroïnomane en souffrance dont on ne sait pratiquement rien, muré durant les dix premières minutes du film – jusqu’à son sevrage – dans un silence quasi animal, et cherchant à se reconstruire peu à peu au sein d’une communauté religieuse venant en aide aux jeunes drogués.

Une communauté qui se défend de condamner autrui dans la mesure où tous ses membres ont connu un parcours à peu près similaire et où il n’est donc pas question de ressasser ses erreurs ou de se mortifier, mais au contraire de travailler sur soi en vue d’une renaissance physique et psychologique avec, pour seules béquilles, la prière et la fraternité. Celle-ci trouvant sa meilleure traduction possible dans les chants collectifs qui parsèment le récit et composent en grande partie la bande originale du film.

Réfractaire dans un premier temps à son nouvel environnement, Thomas tombe à plusieurs reprises, parvient péniblement à se relever, s’accroche, et à force de réciter indéfiniment ses psaumes tels des mantras bouddhiques, rencontre enfin la foi. D’abord en Dieu, puis enfin en lui-même avec, à la clé, nous dit la conclusion du récit, une ouverture possible sur le monde. Car, au fond, le film de Cédric Kahn ne se résume pas tant à un appel à la religion ou à la vie monastique – lui-même n'est pas croyant – qu’à la simple reconnaissance des bienfaits et de l’efficacité de l’action sociale de l’Église. Les jeunes de la communauté y renouent notamment avec la notion d’autorité figurée par le nombre de règles et d’interdits posés par le frère Marco, et retrouvent une force morale et une totale maîtrise de leurs désirs. Ce à quoi les avait largement dispensés jusque-là l’époque moderne.

Une quête de pureté qui conduira le personnage principal à envisager, non sans candeur, d'entrer dans les ordres et de tourner le dos aux plaisirs terrestres. Personnage auquel Anthony Bajon – un acteur à suivre de très près – apporte avec justesse ce qu’il faut d’innocence et de passion.

Le grand mérite de Cédric Kahn, semble-t-il, est de traiter son sujet sans emphase, l’agnosticisme du cinéaste lui imposant une distanciation nécessaire afin de permettre au spectateur un regard critique sur le parcours et les choix du jeune homme.

Pour autant, cela n’empêchera pas Les Cahiers du cinéma, dans tout le sectarisme petit-bourgeois et la misère intellectuelle qui les caractérisent, d’écrire avec émoi qu’"on peut s’interroger sur ces fictions plus que bienveillantes avec la foi". Avant d’ajouter, fiers de leur minable jeu de mots : "Il n’est plus question d’être à la croisée des chemins mais presque sur le chemin des Croisades" »…

S’il vous manquait encore une raison d’aller voir ce film, songez donc à la perspective d’outrepasser les limites autorisées du bon goût.

4 étoiles sur 5

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30 mars 2018 à 20:38

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