Fermetures de classes : le ras-le-bol de la France périphérique

Jeudi 15 mars, le Président Macron s’est rendu à Rilly-sur-Vienne (37), commune de moins de 500 habitants, pour y annoncer l’ouverture prochaine de classes dédoublées (12 élèves) en milieu rural. Cette visite ultra-médiatisée aux côtés de son ministre vedette (Jean-Michel Blanquer) s’inscrit dans un vaste plan de communication visant à stopper le mouvement de contestation concernant les fermetures de classes. Ni la vidéo de Christophe Castaner, qualifiant de fake newsbullshit les critiques de l’opposition, ni les chiffres brandis comme des arguments par le ministère n’auront dissipé le profond sentiment d’injustice qui grandit en France face au traitement différencié des élèves de primaire.

En effet, alors qu’une logique comptable implacable continue de s’appliquer dans la plupart des territoires, notamment ceux frappés par le déclin démographique, les « quartiers sensibles » bénéficient d’un dédoublement systématique des classes de CP/CE1. Les « réseaux d’éducation prioritaire » (REP), qui disposent déjà de nombreux avantages (prime pour les enseignants, personnels supplémentaires, budgets spécifiques…), sont donc les grands gagnants de la politique gouvernementale. Ces établissements, où les conditions de travail sont extrêmement difficiles, se situent souvent en "zone urbaine sensible", c’est-à-dire des quartiers déjà massivement subventionnés, notamment par les milliards de la « politique de la ville ». Cette accumulation de moyens au profit de certains quartiers est évidemment perçue comme une injustice flagrante par la France périphérique frappée par la paupérisation et le désengagement des pouvoirs publics.

Pour mesurer la réalité des fermetures de classes rurales, le gouvernement et les syndicats sont engagés dans une lutte de chiffres. Le gouvernement met en avant l’amélioration du « taux d’encadrement » puisque le nombre d’enseignants dans le primaire augmente globalement alors que celui des élèves baisse légèrement. Mais cette amélioration reste géographiquement très ciblée. En outre, peu de personnes savent que c’est l’enseignement secondaire qui sert, en réalité, de variable d’ajustement à la politique en faveur des REP. Jean-Michel Blanquer, disposant de moyens constants, a légèrement réduit les dotations horaires des collèges et des lycées pour pouvoir augmenter la masse salariale dans le primaire. Ce système de vases communicants, assumé par le ministre, suscite une certaine inquiétude chez les professeurs du secondaire dont on réduit le nombre et les heures supplémentaires.

Cette polémique autour des fermetures de classes démontre que Jean-Michel Blanquer est prisonnier de deux logiques délétères. Tout d’abord l’approche quasi exclusive par les « moyens » qui sous-entend que la qualité de l’enseignement serait proportionnelle aux milliards injectés dans tel ou tel segment du système. Ainsi, les difficultés des REP justifieraient des embauches supplémentaires. Les établissements privés hors contrat ont démontré tout le contraire, notamment dans les banlieues « sensibles » où leurs résultats peuvent être excellents malgré des moyens matériels limités. Ces établissements ont simplement renoué avec des méthodes traditionnelles d’enseignement. L’autre logique, extrêmement nocive, est la « discrimination positive » qui a manifestement inspiré le candidat Macron. Celui-ci, guidé par une logique clientéliste, a choisi une mesure très concrète (diviser pas deux le nombre d’élèves par classe), quitte à n’en faire bénéficier que certains publics (avec des arrière-pensées électoralistes évidentes).

C’est contre cette logique du deux poids deux mesures que la France périphérique proteste aujourd’hui. Les annonces d’Emmanuel Macron, Président plébiscité dans les métropoles, ont donc peu de chance de calmer le mécontentement d’une population victime d’une relégation économique et symbolique qui dépasse largement la question scolaire.

Gilles Ardinat
Gilles Ardinat
Conseiller municipal d'opposition à Frontignan (34) Professeur agrégé d’histoire-géographie, universitaire et militant souverainiste

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