Le projet de loi du gouvernement britannique qui fait qu’un réfugié en situation illégale est d’abord illégal avant d’être réfugié a été brillamment défendu par le ministre de l’Intérieur Priti Patel, la dame de fer de Boris Johnson. Ce qui, par voie de conséquence, criminalise les traversées de la Manche des réfugiés cherchant à mettre les autorités devant le fait accompli.

Les points de départ par mer se sont démultipliés de Dunkerque à Berck-sur-Mer, effets pervers de plusieurs facteurs combinés : la sécurisation du port de Calais (Pas-de-Calais) et de l’Eurotunnel, le ralentissement du trafic aérien et routier pendant la crise du Covid-19, des chances de réussite plus élevées qu’en camion, et les 120 kilomètres d’une Côte d’Opale qui offrent des lieux de mise à l’eau incalculable.

Ces demandeurs d’asile arrivés de façon irrégulière sur le territoire britannique auront désormais moins de droits et de possibilités de recours que ceux passés par les voies légales (demandes d’asile dans les consulats à l’étranger, etc.). Ils risqueront des peines de prison pour être arrivés « sans autorisation ». Cela étant, de manière préventive le projet de loi autorise aussi les pushbacks – le renvoi des bateaux de migrants vers les eaux extranationales.

« Cette différence de traitement n’a aucune base dans le droit international », avait déjà dénoncé le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dans un communiqué. Parliament Square, en face du palais de Westminster, les habituels pousse-au-crime étaient réunis, au revers de leur veste des cœurs orange « Together with Refugees » (« Ensemble avec les réfugiés ») quand, en cette saison, toute l’Angleterre porte l’insigne du Poppy Appeal, deux pétales de coquelicot en mémoire des soldats tués et une obole versée en solidarité avec les orphelins de guerre.

Priti Patel est, comme l'écrit Le Monde, « une brexiteuse de la première heure » sur qui le peuple britannique peut compter, au grand dam des droits-de-l’hommistes qui avaient fait part de leurs inquiétudes lors de sa nomination au ministère de l’Intérieur britannique (Home Secretary), en raison de ses positions très conservatrices. Pensez donc, cette sémillante quadragénaire n’avait-elle pas voté contre le mariage homosexuel ou encore, un temps, soutenu la peine de mort ? Le ministère estime se conformer au « message clair » envoyé par le peuple britannique lors du référendum de 2016 sur le Brexit et des élections législatives de décembre dernier. Le contrôle de l’immigration avait été un des principaux sujets.

Depuis l’accord de 2014, les autorités françaises sont rémunérées pour bloquer les clandestins, contrepartie de la localisation de la frontière côté français. Près de 200 millions d’euros ont été versés par les Britanniques pour financer l’achat de matériel pour les forces de l’ordre, le recours à des réservistes, des travaux de sécurisation. Néanmoins, le nombre de traversées de la Manche, souvent avec de petits bateaux, a explosé. La gestion de la frontière est toujours dans l’impasse et la relation avec la France au plus bas. « C'est devenu le principal moyen de passage », assure Xavier Delrieu, à la tête de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST), dans Le Monde. Environ 18.000 personnes ont rejoint le Royaume-Uni, depuis le début de l’année, contre moins de 2.000 en 2019. Ils sont iraniens, irakiens, érythréens, syriens, vietnamiens… M. Delrieu baisse ainsi les bras : « Éradiquer le phénomène est impossible. Notre but est de le contenir et de démanteler un maximum de réseaux pour que ça soit moins rentable. »

Outre-Manche, cette fois, c’est le volet clandestin de l’immigration dont s'empare la Chambre des communes, c’est-à-dire traiter enfin les fameux « sans-papiers » pour ce qu’ils sont : des illégaux.

6120 vues

25 octobre 2021 à 15:30

Partager

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

Les commentaires sont fermés.