Et les élections municipales, on s’en fiche ?

urne

« Rarement une allocution présidentielle aura été autant commentée avant d’avoir été prononcée. La diffusion de préjugés, la propagation de rumeurs, qui alimentent des débats nébuleux, révèlent les symptômes d’une incontinence verbale hautement contagieuse. » Bien observé. C’est de qui, ça ? Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale. Fidèle d’entre les fidèles. Un tweet envoyé lundi, quelques heures avant l’intervention présidentielle. Effectivement, l’allocution du président de la République a duré près de 28 minutes ! Mais pas certain que ce diagnostic visait Emmanuel Macron. 28 minutes : une demi-heure, quoi ! C’est long. Très long. Trop long. De l'incontinence à la diarrhée verbale, il n'y a que l'épaisseur d'une feuille de papier... à cigarette.

Cela dit, Il a été convaincant pour 62 % des Français, si l’on en croit un sondage réalisé par OpinionWay-Square pour Les Échos, j’allais dire « à la sortie des urnes ». Les Français ont sans doute retenu ce qu’ils voulaient entendre : la fin du confinement, c’est pour le 11 mai. Ce qui n’est pas tout à fait ça. C’est comme les contrats d’assurance, faut bien lire entre les lignes. Tout comme dans le marc de café ou les volutes de fumée. Et Christophe Castaner s’est empressé, mardi matin, de préciser les choses : « Ce n’est pas une certitude mais un objectif. » Nuance. Le Président l’aurait exprimé ainsi, le résultat du sondage ne serait peut-être pas tout à fait le même.

Au fait, les urnes, on en est où ? Une longue demi-heure de discours et pas un mot, pas une seconde sur les élections municipales, grand fiasco démocratique de ce quinquennat, il faut bien l’avouer.

Certes, on a bien insisté, après l'annulation-report sine die du second tour, sur le fait que, pour environ 30.000 communes, l’affaire était réglée puisque y a été élue une liste avec la majorité absolue dès le premier tour. Que ces nouveaux conseils municipaux ne soient pas installés, que les maires et leurs adjoints n’aient pas été élus par ces nouveaux conseils municipaux - confinement oblige -, que les conseils communautaires, non plus, ne soient pas installés, tout cela semble passer au second plan et ne pas émouvoir grand monde. Et le sort des quelque 6.000 communes qui n’ont pas élu, au premier tour, leur conseil municipal n’est toujours pas tranché. Cela représente environ 35 % du corps électoral, soit tout de même une quinzaine de millions d’électeurs, ce qui n’est pas rien. Pas un mot, de la part du Président, pour ce moment fort de notre démocratie.

Certes, les Français n’ont pas la tête à ça. Comme, sans doute, ils n’ont pas la tête à entendre que l’on va annuler la dette de l’Afrique, comme l'a annoncé Emmanuel Macron… Mais tout de même ! Initialement, le second tour de ces élections municipales avait été envisagé fin juin. Puis, on a évoqué un report à l’automne ou l’an prochain et, dans ce cas, en rejouant le premier tour. Tout cela n’est pas rien, tout de même. Des centaines de milliers de citoyens, de tous bords, souvent sans bord, se sont engagés, investis avec enthousiasme dans cette campagne, y consacrant du temps, de l’argent aussi (et pour beaucoup sans perspective de remboursement de l'État pour les communes de moins de 9.000 habitants).

Mais de tout cela, pas un mot, pas une seconde durant cette longue demi-heure. Pas même l'évocation d'hypothèses en fonction de l'évolution de la situation, de la part du président de la République, garant, rappelons-le quand même, de nos institutions. Et cela ne semble émouvoir personne. Faut-il que notre démocratie soit bien malade. Pour cela, trouvera-t-on le bon vaccin ? S'il n'est pas trop tard.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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