[Entretien] Jean-Frédéric Poisson : « Les oppositions sont-elles prêtes à destituer le gouvernement ? »

Poisson

Interrogé par BV, Jean-Frédéric Poisson revient sur les difficultés du gouvernement à faire avancer le projet de loi de finances et sur la possible dissolution de l'Assemblée nationale. Pour le président de Via la voie du peuple, les luttes menées par le RN et la NUPES pourraient converger momentanément pour contrer le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Marc Eynaud. L’Assemblée nationale débat sur le projet de loi de finances mais la plupart des articles sont retoqués. La majorité relative ne permet pas de faire avancer le dossier. Que reste-t-il à la majorité ?

Jean-Frédéric Poisson. Il ne reste pas grand-chose. Le fait d’avoir agité la perspective de l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution et probablement de la motion de censure qui s’ensuivra, place la majorité dans une situation qui n'est pas surprenante. Dans un contexte de crise généralisée, on va voir si les oppositions sont prêtes à exercer leurs responsabilités, c’est-à-dire à destituer le gouvernement. Y a-t-il un moyen d’empêcher ce gouvernement de nuire ? Oui, il faut adopter une motion de censure, utiliser des outils et procéder d’une manière qui serait un peu innovante.

M. E. Si une motion de censure est adoptée, Emmanuel Macron procéderait à une dissolution. Qui sortirait gagnant de cette élection législative ?

J.-F. P. Jusqu’ici, aucune motion n’est adoptée, car elle constitue, de la part du groupe qui la dépose, une forme de contre-déclaration de politique générale. Le groupe qui dépose une motion de censure rappelle quel est son projet politique et cela empêche les autres groupes politiques de la signer . En effet, par hypothèse, quand on n’est pas dans le même groupe, on ne partage pas la même vision du monde et le même projet politique. Il y aurait un moyen d’adopter une motion de censure. Cela consisterait à écrire un texte de deux lignes disant : ce gouvernement nuit à la France, il faut le destituer. Il faut que ces gens s’en aillent, ils sont nuisibles.

Cet été, la présidente du Rassemblement national expliquait qu’on ne pouvait pas ajouter une crise institutionnelle à la crise sociale : j'ai le point de vue inverse. La crise institutionnelle nourrit en grande partie la crise sociale. La concentration excessive des pouvoirs, l’opacité dans laquelle se déroule aujourd’hui la vie politique française, ce Conseil de défense, qui décide de vendre des armes à l’Ukraine et de faire entrer la France en guerre et qui a géré la crise sanitaire comme 1 kg de patates, tout cela alimente la crise sociale. Il faut faire comprendre à ce gouvernement qu’il ne peut plus nuire au pays comme il le fait.

Quel résultat sortirait des urnes ? Il faut faire attention à la dissolution, c’est un fusil à un coup. Emmanuel Macron est plus malin que ça, il pourrait toujours essayer de nommer un autre Premier ministre, plus consensuel, avec un projet politique différent. L'urgence est de dire à Mme Borne : « Rentrez chez vous, arrêtez de faire du mal à la France comme vous le faites. » Ces temps-ci, on voit bien que dès qu’il s’agit de rentrer dans le dur, il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale et il faut en tirer les conséquences.

M. E. Une dissolution pourrait apporter une forme d’alternance et faire bouger les choses. Avec quelle opposition cela pourrait-il se faire ?

J.-F. P.. Aujourd’hui, il n’y a pas une opposition mais des oppositions qui sont assez peu conciliables entre elles. Elles ont quelques points d’accord. La NUPES et le Rassemblement national pourraient s’entendre sur des projets communs de résistance à la toute-puissance de la Commission européenne, avec un peu de régulation dans l’économie, un peu d’attention aux fragilités de ceux qui souffrent tous les jours. Autant de sujets qui sont à des années-lumière de ce que pensent Emmanuel Macron et ses amis. À défaut de trouver une personne, il pourrait y avoir des convergences politiques. Je ne crois pas en l’efficacité du choix d’une personne, pour, ensuite, voir ce que celle-ci va faire. Je pense, à l'inverse, que s'il n’y a pas de discussion préalable sur le projet politique que l’on veut conduire, on perd son temps. Il y a peu de points communs entre les différentes oppositions à l’Assemblée nationale, mais il y en a suffisamment pour s’entendre sur trois ou quatre points d’urgence sur lesquels il faudrait protéger notre pays et protéger les Français. Malheureusement, je ne vois pas comment cette convergence pourrait se faire dans un temps court. S’il y avait une dissolution, dans l’ambiance où nous sommes, je ne sais pas ce que donnerait la campagne législative ni le résultat qu’il en sortirait, mais cela mettrait un coup de fouet et permettrait probablement de clarifier la situation.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Il existe sûrement à l’Assemblée une majorité d’élus pour PENSER que Macron et son gouvernement sont néfastes à la France, et aux électeurs qui les ont choisis pour les représenter. Mais combien en resterait il pour oser le DIRE ?

  2. Pourquoi Marc EYNAUD n’a t il pas questionné JF.POISSON sur le RIC qui permettrait aux opositions comme à tout citoyen de mettre un veto à toute loi estimée injuste? Le RIC par sa simple existence oblige la majorité à une véritable concertation car il y a menace de veto. Cela existe en Suisse où de initiatives citoyennes sont également possibles. Le RIC est majoritaire à l’AN et au Sénat puisque Valérie Pécresse l’avait dans sa profession de foi présidentielle comme M.LE PEN et les 4 candidats de gauche qui se sont rassemblés dans la NUPES qui, dans son programme législatif, a le RIC en n°1 du chapitre 5 : 6ème République et démocratie

  3. Merci pour ces éclaircissements.
    Il faut y rajouter que ces « nouvelles oppositions sont trop heureuses d’avoir enfin des groupes parlementaires, d’avoir leur place au chaud, pour se tirer une balle dans le pied !

  4. c’est la rue qui va parler ce WK et surtout mardi !! j’espère qu’il y aura beaucoup de monde dans les rues !!!!!

  5. Monsieur Poisson à bien raison et son raisonnement est bien argumenté, mais, il y a un mais, de tous ces députés et sénateurs bien peu seront assez courageux pour faire un geste salvateur pour notre nation, ils ne pensent majoritairement qu’à leur carrière les pieds au chaud et la bourse garnie.

  6. C’est avec tristesse que nous disons : laissons parler la rue. Il est en effet grand temps d’arrêter cette folie macronienne d’une guerre contre la Russie au seul profit de Washington. Il est grand temps de redonner une voix au peuple contre cette hyper classe dominante qui souhaite tout écraser. La France mérite autre chose que ces lamentables et horribles pantins qui ne pensent qu’à nous museler.

  7. Le nuisible en chef, c’est le président. Il pourrait changer dix fois de PM que nous aurions toujours le même type de gouvernement puisque c’est lui qui est aux commandes.

  8. Ah si seulement ! Mais après ? Les petits soldats fonctionnaires (chargés d’une fonction de Service Public) , rémunérés identiquement chaque mois par une solde (de solidus) ou un appointement ou traitement, recouvriront-ils le sens du Bien de la Res Publica ? Et ceux chargés, comme sous les tropiques- où la chaleur ne ralentit apparemment pas leur vivacité- de faire respecter l’ordre et la protection de la Nation* ( au lieu de se vanter d’être parfois  » en réserve de la Nation » après s’être entrainés toute leur vie au body-bulding ; et parfois grassement rémunérés pour ça, toute proportion gardée on est fonctionnaire ou on ne l’est pas , hein ) ?
    * du cheval de Troie bien installé

  9. Qu’attendent tous ces députés avec leur peur de perdre leur place pour certains ou leur état d’âme constitutionnel ? Que tout se passe dans la rue ? Que des émeutes éclatent ? Que Macron nous entraîne dans une guerre destructrice contre la Russie ? Il faut arrêter les querelles de chapelle et les calculs politiciens, pour que l’on puisse arrêter les folles décisions de ce gouvernement. Il en va de la survie de la France !

  10. Je ne vois pas à quoi servirait une motion de censure, une dissolution. Un nouveau gouvernement marcherait dans les pas du précédent. Macron remplacera des technocrates et quelques ministres gadget par d’autres technocrates et d’autres ministres gadget. Et quand bien même, il s’en servira pour baver que cette opposition l’empêche de mettre en place ses réformes, dont celle des retraites.

  11. Une assemblée élue « par hasard  » avec beaucoup de scores ricrac de justesse avec peu de voix d’écart, n’est pas enthousiaste pour une dissolution et préfère laisser la rue parler.

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