Emmanuel Macron en campagne, carnet de chèques en main…
Avant-hier fantomatique, hier hypothétique, la candidature d’Éric Zemmour semble être aujourd’hui devenue dramatique, puisque bousculant le bon ordonnancement de l’échéance présidentielle à venir. L’ultime marche du podium qu’on nous promettait, Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, le premier l’emportant à l’évidence sur la seconde ? Tout cela semble être désormais remis en cause pour cause d’irruption du ludion politico-médiatique en question.
Une telle reconfiguration ne pouvait échapper à Emmanuel Macron. D’où son périple en France oubliée. Dernière étape en date ? Saint-Étienne, jadis terre des Verts – les footballeurs et non point les écologistes – et du défunt catalogue Manufrance. Mais comment parler de « start-up nation » en ces friches industrielles ? En visitant ce qui demeure à peu près debout en cette région déshéritée, soit Siléane, entreprise spécialisée en « robotique, vision et intelligence artificielle ». Soit, à en croire Le Monde de ce 26 octobre, « l’espoir de la réindustrialisation du pays ». Comme si les chômeurs allaient illico, par la seule volonté jupitérienne, se transformer en « start-upers »… Et Emmanuel Macron d’évoquer ensuite, toujours selon la même source, « une enveloppe de huit cents millions d’euros au secteur de la robotique dans le cadre du plan d’investissement de trente milliards d’euros de France 2030 ».
Soit la politique du carnet de chèques, une fois encore, vieille loi non écrite d’un « système » que l’actuel Président entendait naguère combattre. Ce qui lui valut cette sortie d’Alain Minc, chantre de la « mondialisation heureuse », en janvier 2017, alors que Macron était un candidat à peu près aussi improbable que Zemmour : « Je n’admets pas qu’Emmanuel Macron se présente en candidat anti-système. Il est le produit le plus réussi du système éducatif, du système de recrutement des élites. » Bref, pesé à ce trébuchet, Emmanuel Macron n’est jamais rien d’autre qu’un Valéry Giscard d’Estaing en plus jeune.
À ce titre, l’irruption d’Éric Zemmour a tout bousculé. Les espoirs de Marine Le Pen au premier chef, même si les pétulantes sorties du journaliste tendraient plutôt à la recentrer. Mais, au bout du compte, que l’une ou l’autre parviennent au second tour, les deux n’auront d’autre choix que d’appeler à voter pour le candidat ou la candidate sorti du chapeau. Leurs électorats respectifs y trouveront leur compte, les idées à défendre comptant parfois plus que les femmes ou les hommes qui les promeuvent ; le risque consistant, évidemment, à ce qu’aucun des deux ne dispute la finale. C’est un pari, un risque à prendre : on imagine que Le Pen et Zemmour en ont conscience.
Chez LR, c’est déjà plus compliqué. La petite musique zemmourienne se superposant aux mélopées lepénistes, c’est toute leur stratégie qui est remise en cause. Adieu, les candidats issus du « Cercle de la raison » si cher à l’Alain Minc plus haut cité. D’où la surenchère protectionniste et eurosceptique de ces jours derniers, les condamnant aux seconds rôles, de Xavier Bertrand en Valérie Pécresse.
Le seul qui pourrait tirer son épingle du jeu, à l’approche de la primaire LR ? Michel Barnier, qui peut compter sur l’estime et le vote des militants. Ce, au moins pour deux raisons. La première est qu’il est toujours demeuré fidèle au parti. La seconde est qu’il en train de mettre l’immigration au premier rang de ses préoccupations. Est-il crédible en la matière ? L’important, c’est que la base LR, souvent plus droitière que celle du RN, continue d’y croire.
Si l’on résume, ce qui ne devait être que banale formalité électorale risque d’être un peu plus hasardeux que prévu. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, sachant qu’une certaine forme de populisme transgressif n’en finit plus de bousculer les certitudes officielles de la France d’avant. À croire que celle de demain pourrait se montrer plus riante que celle d’hier ; n’en déplaise aux progressistes professionnels.
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