« D’un point de vue fiscal, on ne peut pas dire que Macron soit le Président des pauvres »

L'association Contribuables associés décortique la dépense publique française ainsi que la pression fiscale qui s'exerce sur les contribuables. Olivier Bertaux, fiscaliste, membre de cette association, démontre au micro de Boulevard Voltaire qu'avec les mesures prises par Emmanuel Macron, les impôts et taxes vont augmenter et frapper principalement la classe moyenne.

Le cabinet Ernst & Young a démontré que Macron avait créé neuf impôts et taxes supplémentaires depuis le début de son quinquennat. Est-ce vrai ?

Comme tous les gouvernements, il a créé de nouveaux impôts. Il se lance, lui aussi, dans ce qu’on appelle le pointisme fiscal. Il fait de petits impôts supplémentaires : un sur le papier, un autre sur les hydrocarbures...
On peut surtout dire qu’il n’a pas baissé les impôts. De toute façon, tant qu’il ne baissera pas la dépense publique, il ne pourra pas baisser les impôts.
Il y a, néanmoins, eu des mesures assez positives comme la suppression de l’ISF, mais c’est un peu gâché par la création de l’IFI. On se demande bien pourquoi un impôt sur la fortune immobilière. Pourquoi n’aime-t-il pas l’immobilier à ce point-là ? Une suppression totale de l’ISF aurait été une vraie bonne nouvelle.

On a beaucoup dit de Nicolas Sarkozy qu’il était le Président des riches. Emmanuel Macron n’est-il pas en train de faire plus encore ?

D’un point de vue fiscal, on ne peut pas dire que Macron soit le Président des pauvres, quand on regarde la balance.
D’un côté, le rendement de l’ISF va passer de cinq milliards à un milliard d’euros. C’est clairement un cadeau fait aux riches. L’impôt baisse aussi pour les gros épargnants qui sont dans les hautes tranches de l’impôt sur le revenu. Avec le PFU (prélèvement forfaitaire unique), ils auront une imposition à 30 % sur le revenu d’épargne, alors qu’auparavant, cela pouvait monter jusqu’à 65 %.
De l’autre, ceux qui ne sont pas imposables et ne paient que la CSG se retrouvent avec 1,7 % de CSG en plus. Il est clair que, pour les petits revenus, et surtout les retraités, il y a une augmentation de l’impôt. Les petits propriétaires avec seulement un loyer supplémentaire pour compléter leur retraite, eux, continuent à payer des impôts fonciers très élevés avec une augmentation de la CSG.
Ce ne sont pas les petits revenus qui profitent des mesures Macron. Par ailleurs, puisqu’il faut bien compenser la baisse d’impôt, il faut en créer d’autres. La nouvelle fiscalité est principalement basée sur la consommation, même si c’est un peu passé inaperçu. On vous explique que c’est pour la bonne cause. On augmente la fiscalité sur le tabac, sur l’essence et sur les hydrocarbures. Certes, on pourrait arrêter de fumer, mais ce n’est pas spécialement les riches qui fument. Il faut bien se déplacer donc forcément la fiscalité sur l’essence pénalise tout le monde. Et il y a surtout la fiscalité sur le gaz. La facture de gaz va exploser pour tous les particuliers. La fiscalité augmente de 40 % et il est prévu qu’elle double, voire qu’elle triple d’ici 2022. C’est plus discret, on ne le voit pas. C’est une fiscalité qui apparaît à peine sur une quittance de gaz. On ne la lit pas en général, mais cela va rapporter beaucoup à l’État et coûter très cher à tous les citoyens, qu’ils soient imposables ou non. Et les bas revenus vont aussi en pâtir.

Le fait n’est pas nouveau, c’est une fois de plus la classe moyenne qui va ajuster.

Avec la flat tax, la classe moyenne ne gagne rien. En revanche, elle subit l’augmentation de la fiscalité sur la consommation. Elle va aussi payer l’augmentation de la fiscalité sur l’immobilier car, en général, l’immobilier représente une partie importante de leur patrimoine. Ils vont continuer à payer l’IFI et vont payer plus de CSG sur les revenus fonciers. Il est donc clair que c’est la classe moyenne qui va en subir les conséquences.
Je souhaite revenir sur le prélèvement à la source qui est, selon moi, une autre augmentation d’impôt en train de passer totalement inaperçue. Jusqu’à présent, les personnes qui ne payaient pas d’impôt - je ne dis pas ceux qui étaient non imposables, mais ceux qui ne payaient pas d’impôt du fait de la défiscalisation ou de réductions d’impôts - pouvaient s’exonérer de payer leurs mensualités. À partir de l’année prochaine, le contribuable va payer son prélèvement à la source non pas sur la base de son impôt de l’an passé, mais sur la base de son revenu de l’an passé. D’abord, c’est faux de dire qu’il y a un effet de contemporanéité entre l’impôt et le revenu, parce qu’on prend toujours la base du revenu N-1. Mais, surtout, on va prendre effectivement le revenu comme base de calcul. Même si vous avez défiscalisé d’une manière ou d’une autre, on n’en tiendra pas compte. Vous commencerez par payer l’impôt et, ensuite, si vraiment vous voulez défiscaliser, il faudra payer une deuxième fois pour investir dans les PME ou embaucher une femme de ménage pour avoir une réduction d’impôt. C’est uniquement l’année suivante que vous aurez une déduction d’impôt. Cela fera une très forte avance de trésorerie pour l’État, et comme l’État est éternel, c’est comme si on payait un impôt une deuxième fois. Il va y avoir une grosse augmentation d’impôts dès l’année prochaine avec le prélèvement à la source. Je pense que les contribuables vont s’en rendre compte dès janvier 2019.

La lutte contre la fraude fiscale était un engagement du candidat Macron. Les plans annoncés seront-ils efficaces ? La lutte contre la fraude fiscale va-t-elle devenir un enjeu prioritaire en France ?

On peut dire que la lutte contre la fraude fiscale est un enjeu prioritaire depuis quelques années maintenant. Le problème est qu’on mélange tout et n’importe quoi.
La simple optimisation fiscale est devenue de la fraude fiscale. Le simple contrevenant qui ne comprend rien à la fiscalité et paie moins, car il ne sait pas exactement ce qu’il doit payer, devient un fraudeur.
Il ne faut pas oublier que la fraude fiscale relève, normalement, du pénal. La plupart des contribuables redressés sont des gens qui n’ont éventuellement pas été très sérieux ou ont omis de payer de l’impôt. Ce n’est pas réellement de la fraude fiscale.
Vous avez raison de dire que c’est, là aussi, une manière d’augmenter l’impôt. Si on met encore plus la pression sur les contribuables, il est clair que cela fera rentrer plus d’impôt, soit parce que les gens auront peur et préféreront payer beaucoup, quitte à payer trop et être tranquilles, soit il y aura de tels contrôles qu’il y aura effectivement plus de rentrées. Et avec le prélèvement à la source, les contrôles seront beaucoup plus faciles à faire.
Avec le prélèvement à la source, les réductions d’impôts auront beaucoup moins d’effets, car les effets seront reportés dans le temps. On peut donc supposer que ces réductions seront moins incitatives et qu’il y en aura moins. Cela veut dire que l’impôt sera toujours aussi élevé et les gens seront moins incités à optimiser leur fiscalité. Finalement, on aboutira à une augmentation des impôts. Elle sera un peu déguisée et pernicieuse. Je ne dirais pas "à la Macron" mais, en tout cas, tel que Macron sait le faire intelligemment.

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