Au terme de 675 jours d’enquête, Donald Trump se retrouve donc blanchi d’une possible collusion avec une Russie suspectée d’avoir aidé à sa tonitruante élection face à Hillary Clinton. Déjà, on se pince. Les USA accusant une tierce puissance d’ingérence dans ses affaires internes, c’est un peu comme parler de la corde dans la maison du pendu. Parce que les USA, la chose est connue, ne se sont jamais, au grand jamais, immiscés dans les affaires intérieures des autres pays.

La Russie, c’est finalement Vladimir Poutine qui en parle le mieux. Dans son livre d’entretiens avec le cinéaste Oliver Stone (Conversations avec Poutine), il affirme, non sans raison : « Il est difficile d’imaginer qu’un pays – même un pays comme la Russie – soit capable d’influencer sérieusement la campagne électorale ou les résultats de l’élection. […] Ce sont des problèmes internes aux États-Unis » (page 326).

Lesquels ? Vladimir Poutine, encore : « Il est clair que cette campagne de manipulation de l’information a certains objectifs. D’abord, elle essaye de discréditer la légitimité du président Trump. […] Et les relations russo-américaines, dans ce contexte, ne sont qu’un simple instrument, une arme dans la lutte interne des États-Unis » (Page 331). Nous voilà au cœur du sujet.

Pour commencer, il faut savoir que Donald Trump est un intrus dans le jeu politique américain. Il ne vient pas d’un "Establishment" peinant à concevoir d’avoir été à ce point désavoué, mesurant ainsi la mesure de son impopularité : si Trump a été porté au pouvoir par les électeurs, ce n’est évidemment pas sur ses qualités propres, mais avant tout sur le rejet de tout ce que ce même Establishment et la dynastie Clinton, l’une de ses éminentes incarnations, peuvent incarner en tant que définitif repoussoir.

Il ne s’agit pas plus d’une querelle entre républicains et démocrates, mais seulement de la survie du clan néo-conservateur, présent dans ces deux formations. Barack Obama ayant eu la sagesse d’en évincer les représentants les plus voyants durant ses deux mandats, ils entendaient revenir en force en 2016. Le sort des urnes en a décidé autrement.

Ne pouvant admettre une telle déconvenue, ce clan, sorte d’État dans l’État, marchant de conserve avec ce complexe militaro-industriel jadis dénoncé par le président Dwight Eisenhower, devait trouver une cause à cet échec. Les Russes ? Le coupable idéal : les Américains, forts de décennies de paranoïa anticommuniste en général et de paranoïa tout court, sont rompus à l’exercice, tandis que la rhétorique de l’ennemi intérieur et d’une toujours possible cinquième colonne n’est pas neuve - depuis au moins 1776.

On remarquera que, dans leurs calculs politiciens à court terme et obnubilés qu’ils sont par une lecture hâtive du Choc des civilisations, concept à la va-vite théorisé par l’essayiste Samuel Huttington, ces mêmes néo-conservateurs persistent à négliger un impérialisme bien plus réel, celui de la Chine, autrement plus menaçant que les élucubrations meurtrières d’illuminés islamistes aujourd’hui réfugiés dans leurs montagnes.

Cela, Donald Trump, personnage sur lequel les idéologies n’ont que peu de prise, l’a pressenti à sa manière. Ce n’est peut-être pas pour rien qu’il voulait renouer avec Moscou, afin que Pékin cesse de se réjouir, de moins en moins discrètement, de la brouille entre ces deux puissances qui, naguère, se partageaient le monde.

Dès lors, et de fait, rien ne paraît désormais empêcher l’actuel président américain de briguer un second mandat. Et l’Europe ? Dès qu’on en aura défini la raison sociale et déniché la ligne téléphonique directe, que nos lecteurs sachent qu’ils en seront les premiers informés.

PS : dans la foulée, Donald Trump a réussi à obtenir du Pentagone qu’il débloque un milliard de dollars pour l’édification du mur séparant le Mexique des USA. Les envahisseurs à leur tour envahis ? Ce sont les Indiens qui doivent s’étouffer de rire en mangeant leur pemmican.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:49.

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26 mars 2019 à 19:44

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