Des « greffiers de police » au secours de la police judiciaire

POLICE

Anticipant l’impossible réforme de la procédure pénale demandée à cor et à cri par les policiers et annoncée par Emmanuel Macron lui-même, Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale, vient de proposer, via une note à l’adresse du ministre de l’Intérieur, la création d’un corps de « greffiers de police ».

Cette proposition, qui émane de celui qui fut, notamment, dans une autre carrière directeur central adjoint de la police judiciaire, est censée répondre à plusieurs phénomènes qui minent aujourd’hui nos services d’investigation. Premier d’entre eux, et à l’origine du mal, la complexification de la procédure pénale. Pour illustrer cette réalité qui touche tous les services d’enquête, il est habituel de rappeler que, s’il y a quelques années encore, un procès-verbal de garde à vue tenait sur deux feuillets, il en faut aujourd’hui près d’une trentaine. En effet, le renforcement des droits de la défense, sous la pression des juridictions internationales notamment, a eu pour conséquences d’alourdir considérablement tous les actes de procédure. Alors qu’hier encore les policiers passaient plus de temps sur le terrain que derrière leurs machines à écrire, force est de constater que c’est désormais l’inverse.

Ce renforcement de l’activité procédurale, en dehors du fait qu’il paralyse des services entiers de police judiciaire, a également pour conséquence de fragiliser fortement les procédures et les actes d’enquête. Face à l’instauration de nombreuses contraintes légales, les procès-verbaux des enquêteurs sont ainsi susceptibles d’être régulièrement contestés pour n’avoir pas toujours respecté les conditions légales imposées par un législateur pointilleux. Il s’ensuit régulièrement des vices de forme qui mettent parfois à bas des semaines voire des mois d’investigations.

Dans ce domaine très technique de l’investigation et du travail d’enquête, un constat s’impose néanmoins. La formation des policiers n’a pas suivi. La qualité d’officier de police judiciaire (OPJ), jadis donnée à des policiers expérimentés à l’issue d’un examen difficile, est aujourd’hui attribuée à des agents sans véritable expérience de terrain. Par ailleurs, entre-temps, la procédure est devenue un véritable labyrinthe que seule une formation de haut niveau et une pratique quotidienne seraient à même de mettre à la portée du policier enquêteur. Face à ces difficultés, et aux frustrations légitimes qu’elles provoquent, les policiers désertent donc peu à peu une spécialité qui était pourtant, il y a encore peu de temps, un idéal à atteindre pour les jeunes fonctionnaires de police sortant d’école.

Ainsi, « greffiers de police » ou pas, il sera de toute manière indispensable de revoir rapidement la formation des OPJ. Le temps du policier généraliste capable de réaliser toutes les missions de police au cours d’une journée est révolu, si tant est qu’il ait existé un jour. La police est devenue une affaire de spécialistes et celle de demain devra s’organiser en « filières métiers » avec des apprentissages et des formations longues, spécifiques et pointues.

L’idée de Frédéric Veaux n’est donc qu’un pis-aller. Elle consiste à vouloir maintenir un existant bancal sans avoir à se poser les bonnes questions. Difficile à mettre en œuvre juridiquement et administrativement, elle ne répondra pas durablement aux problèmes de la compétence et de l’efficacité de nos services de police judiciaire.

Quant à l’espoir de voir M. Dupond-Moretti proposer une réforme de la procédure pénale en phase avec les problématiques sécuritaires actuelles, il relève du vœu pieux, voire du fantasme, et ne se concrétisera jamais.

Comme régulièrement à travers son histoire, laquelle suit celle du pays bien entendu, la police nationale est à la croisée des chemins. Pour faire face aux nouveaux défis qui l’assaillent de toutes parts, il est indispensable qu’elle se réforme en profondeur et rapidement. Le malaise que traverse notre police judiciaire n’est, malheureusement, qu’une infime partie des difficultés qu’elle connaît, et seule une réaction volontariste et puissante l’armera efficacement pour les décennies à venir.

 

 

 

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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