Da Vinci Coqs
On sait que le torchon brûlait entre Paris et Rome, depuis que le jeune et inconséquent Emmanuel Macron s’était risqué à dénoncer, en juin 2018, la "part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien" après le refus de celui-ci d’accueillir l’Aquarius, ce navire regorgeant d’immigrants, affrété par une ONG immigrationniste.
Récemment encore, en janvier dernier, Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur et vice-Premier ministre italien, avait, derechef, taclé l'impudent en déclarant espérer « que les Français pourront se libérer d'un très mauvais Président », à quoi Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes, avait élégamment répliqué que l’intention de la France « n'est pas de jouer au concours de celui qui est le plus bête ».
Cette guerre des mots et des postures se poursuit également dans le domaine des beaux-arts. Nul n’ignore que nous fêtons, cette année, le 500e anniversaire de la mort du célèbre peintre et inventeur Leonard de Vinci (décédé le 2 mai 1519). Or, c’est précisément à l’occasion des manifestations organisées autour de la disparition de ce grand génie européen que l’antagonisme franco-italien s’est envenimé.
Ainsi, la secrétaire d'État à la Culture, Lucia Borgonzoni, a fustigé comme « inconcevables » les termes de l’accord signé en 2017 par son prédécesseur, Dario Franceschini, par lequel l’Italie s’engageait à la mise à disposition des musées nationaux français de certaines œuvres du Toscan. Le ministre argue, notamment, du fait que « le prêt de ces tableaux au Louvre placerait l'Italie à la marge d'un événement culturel majeur [...] notamment parce que l'Accademia Nazionale dei Lincei [Académie des Lyncéens, plus ancienne académie scientifique de Rome, située dans le Trastevere à Rome, NDLR] est en train de préparer sa propre exposition pour le mois d'août ».
L’argument est bien plus politique que réellement sérieux. Tout au plus, cet « embargo » ne concernerait que La Scapigliata (Tête de jeune fille), dessin sur panneau appartenant à la Pinacothèque nationale de Parme, et de deux tableaux de la fameuse Galerie des Offices de Florence (Galleria degli Uffizi), L’Adoration des mages, une huile sur bois datant de 1481, et Le Baptême du Christ, autre huile sur bois, peinte à quatre mains par Andrea del Verrocchio et Vinci lui-même, entre 1472 et 1475.
Les medias « mainstream » qui n’y connaissent fifre ont alors beau jeu de titrer que le ministre de la Culture italien « déclare la guerre à la France » (Le Figaro, 19 novembre 2018), lors même qu’il ne s’agit que d’un réajustement, à la marge, de cet accord de prêt. Quant à la boutade, émise par Matteo Salvini lui-même, selon laquelle il « travaillait avec l'ambassadeur français pour reprendre la Joconde », elle ressortit évidemment à la plus rodomonte provocation, Mona Lisa étant tout simplement intransportable, sauf à causer à ce regard le plus célèbre du monde des dommages irréversibles. Etant peint sur bois de peuplier très mince, avec le temps, il s’est courbé et présente une fente nettement visible au dos, côté gauche, laquelle s’élargit, les années passant.
Cette affaire, qui ne relève pas simplement de l’anecdote, démontre à l’envi combien l’Europe de Bruxelles, que ses promoteurs présentaient alors comme le refouloir des irrédentismes et des antagonismes européens, au lieu de les étouffer les a, au contraire, exacerbés. Ce n’est donc pas le nationalisme qui est la guerre, mais bien l’européisme ultra revenant, tel un boomerang, à la tête défraîchie de leurs sectateurs.
Les traités de Westphalie et de Vienne sont l’éloquente illustration que, si les Européens savaient se faire la guerre, ils savaient tout aussi bien se montrer bienveillants dans leurs relations mutuelles. Ce que révèle, précisément, l’affaire Vinci est la mise à mal de cette amitié entre les Européens. Vinci n’a pas « seulement fait que mourir en France », selon les termes de Lucia Borgonzoni, et son protecteur et mécène, François Ier, n’est pas allé le chercher au hasard.
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