Depuis le confinement, je ne reprends ma plume que parce que l'on commence à évoquer sa fin. Quand je peux vadrouiller à ma guise, je parviens à m'isoler pour écrire, alors que, quand je suis contraint à l’isolement, ma source intérieure de mots se tarit. Ceci est un paradoxe que les amoureux de la liberté comprendront aisément. Beaucoup ont commenté l’abondante parole d’État, à la fois et tour à tour incontrôlée, vague, improvisée, péremptoire, contradictoire, illogique, mensongère, optimiste ou apocalyptique.

J'aimerais aborder un autre sujet.

L'irruption de ce virus (à moins qu'il ne disparaisse aussi subitement qu'il est apparu…) laissera des traces dans nos conventions sociales.

Qui peut croire que, le jour du déconfinement, nous sortirons en poussant des vivats et en semant à la volée d'humides gros poutous, en veux-tu, en voilà ? La peur s'immiscera à notre insu dans nos rapports quotidiens qui seront, fatalement, plus distanciés et moins normalisés. Sera-ce la mort de tout lien social ? Non.

Restons lucides mais néanmoins positifs. Révolution des convenances il y aura. Mais ne sera-ce que vers le pire ? Ne pourrions-nous, aussi, trouver quelques satisfactions à bousculer nos usages vers moins de familiarité, de mécanismes pavloviens et d'hypocrisie, et vers plus de sélection, de mesure, de raffinement, de respect, de sincérité et de spontanéité ?

Un « Bonjour, Monsieur » les yeux dans les yeux vaut-il moins qu'une poignée de main insincère ? Un « Bonjour, Madame ou Mademoiselle », appuyé par un sourire et une déférente inclination de la tête, vaut-il moins qu'une litanie de bises non souhaitées ? Une parole n’est-elle pas mieux goûtée si elle n’est pas postillonnée sous son nez ? Les femmes n’auraient-elles pas un intérêt à voir les distances sociales se desserrer autour d'elles et à pouvoir jouer, à leur gré, à leur resserrement envers l’hôte de leur choix ? Les embrassades ne devraient-elles pas être réservées à ceux qui méritent notre confiance, notre amitié ou notre amour ? Le contact ne possède-t-il pas plus de sensualité lorsqu'il est mutuellement désiré que lorsqu'il répond à un usage social arbitraire ? Sinon, tant que nous y sommes, pourquoi ne pas passer directement à la levrette pour nous dire bonjour ?

Finalement, ne serions-nous pas en passe d'assister à la résurgence de codes désuets : tact, politesse, conversation, délicatesse, caresses suggestives par les mots, la posture, le regard et le verbe, préliminaires, inclination voire révérence, salut militaire, chapeau ?

Le risque de contamination ne nous incitera-t-il pas, naturellement, à faire fi des fioritures (amant, maîtresse, fantaisie éphémère), à nous recentrer sur l'essentiel (famille et amis) et à faire preuve de plus de discernement dans nos actions, nos fréquentations et nos amours ?

Si, en sus, il avait pour effet de dissuader notre Président de nous imposer de navrantes scènes de libidineuses papouilles, qui s’en plaindrait ?

Comme le dit un vieux dicton : « À quelque chose, malheur est bon. »

3727 vues

28 avril 2020 à 16:06

Pas encore abonné à La Quotidienne de BV ?

Abonnez-vous en quelques secondes ! Vous recevrez chaque matin par email les articles d'actualité de Boulevard Voltaire.

Vous pourrez vous désabonner à tout moment. C'est parti !

Je m'inscris gratuitement

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.