Conclave sur les retraites : pas de fumée blanche sans feu !

En l'absence de fumée blanche - ce qui est fort probable -, Bayrou évitera-t-il l'incendie de la censure ?
Capture d'écran LCP
Capture d'écran LCP

Au début, l’idée était belle. Enfin, tout du moins au plan cinématographique. Un conclave, vous pensez bien ! On imaginait déjà les « acteurs sociaux » parcourant la Ville Lumière en longue procession, chacun derrière, non pas sa bannière, mais sa banderole, avant de rejoindre le ministère des Affaires sociales. Une sorte de grand-messe à trois chevaux aurait été célébrée. Bayrou aurait pontifié, assisté de Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet. Pour l’occasion, le Palois nous aurait délivré un sermon filandreux aux petits oignons, rappelant, comme il l’avait fait lors de son discours de politique générale, que ce conclave devrait se tenir « sans totem ni tabou ». Parce que c'est pas très catholique, les totems et les tabous ? Puis, Vautrin aurait elle-même fermé l’huis à triple tour – c’est le principe de base d’un conclave – et aurait gardé sous son corsage l’une des clefs, remettant la deuxième à Bayrou, qui l’aurait accrochée en pendentif à son cou, comme une sorte de fétiche ou de gri-gri, si vous voulez. Non, franchement, ça aurait eu de la gueule ! À côté, la cérémonie de réouverture de Notre-Dame, Macron bras dessus, bras dessous, avec Madame, et l’archevêque déguisé pour aller à Carnaval, c’était la foire du Trône !

Un conclave ? Mais où Bayrou va-t-il donc chercher tout ça ?

Évidemment, son éducation religieuse mais aussi, peut-être, l’actualité catholique : c’est certain, on est probablement plus près du prochain conclave qui élira le successeur du pape François que de celui qui porta sur le trône de Pierre le pape Paul VI (vous voyez, la maison ne prend aucun risque !). On se souvient de l’annonce urbi et orbi de François (de Matignon, pas du Vatican), lors de son discours de politique générale : « Une délégation permanente sera donc créée. Je la réunirai dès vendredi. Je proposerai aux représentants de chaque organisation de travailler autour de la même table, de s’installer dans les mêmes bureaux, ensemble, pendant trois mois à dater du rapport de la Cour des comptes. » Il ne manquait que la proposition de les faire manger dans le même réfectoire, dormir dans le même dortoir, sans télé ni téléphones ni même viennoiseries à la pause-café, l’idée de partir en vacances ensemble étant de facto rejetée.

Il s’agissait, pour Bayrou, de gagner du temps

Certes, on se doutait bien que Bayrou se doutait bien que ce n’était pas gagné, que la fumée risquait de ne pas être blanche tout de suite et qu’elle pourrait même faire grise mine. « Si, au cours de ce "conclave", cette délégation trouve un accord d’équilibre et de meilleure justice, nous l’adopterons. Le Parlement en sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale ou, si nécessaire, par une loi. » En bon démocrate-chrétien qui se respecte, Bayrou ne croit sans doute pas au petit Jésus soviétique : un « accord d’équilibre » entre Sophie Binet et le MEDEF, qui pouvait y croire ? On l’aura compris, il s’agissait, pour Bayrou, de gagner du temps sur ce dossier vérolé des retraites et d'éviter la censure des socialistes. En l'absence de fumée blanche, ce qui est fort probable, que va-t-il se passer, dans les prochaines semaines, pour Bayrou ?

Car le conclave est en train de tourner au vaudeville

Avec des portes qui se claquent, des gens qui sortent, peu qui entrent (c’est la différence avec les comédies de boulevard). On vous avait pourtant bien dit qu’il fallait fermer à triple tour. Force ouvrière, dès le 27 février, a préféré rester au seuil de la porte : « Pour nous, c’est terminé. Nous ne participerons pas à cette mascarade où on veut nous faire dire qu’effectivement, la seule solution, c’est d’allonger la durée de travail pour les salariés dans ce pays », avait déclaré le représentant de FO Michel Beaugas. Ce mardi 18 mars, l’Union des entreprises de proximité (U2P) a annoncé qu’elle quittait le conclave, voulant ainsi contribuer « à une prise de conscience ». « Est-il sérieux, dans un contexte de déficits structurels et de projections alarmantes, de continuer à emprunter la voie d'un retour de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans ou d'une réduction de la durée d'activité requise », a déclaré son président Michel Picon. Sans parler des interventions extérieures au conclave. Édouard Philippe, le jugeant « hors-sol » et « totalement dépassé » « au regard des changements géopolitiques et de l'effort de défense qui doit être produit »… Il y eut le Covid-19, il y a désormais les changements géopolitiques. Et puis, évidemment, surtout, l’intervention de Bayrou, ce week-end, sur France Inter, au cours de laquelle il a clairement exclu un retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans, certes en s'appuyant sur le rapport flash rendu par la Cour des comptes, faisant voler en éclats la fiction du « sans tabou ni totem », position qu'il a réitérée, ce mardi 18 mars lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Quelle que soit l’issue (de secours) de ce conclave sur les retraites, il ne restera sans doute pas dans les annales de l'Histoire. Comme celui de Viterbe au XIIIe siècle, qui dura deux ans et neuf mois (de 1268 à 1271), ou celui de 1939 qui, pour élire Pie XII, dura moins de 24 heures. On imagine que, pour tirer les enseignements de ce très profane conclave, François Bayrou, s’il en a le temps, réunira son gouvernement… en séminaire.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

26 commentaires

  1. C’était couru d’avance un conclave ça se termine par un enfumage. C’est un bal d’hypocrites donc chacun sort en sauvant la face. N’allez pas me dire que la gauche s’imaginait qu’on allait encore réduire le temps de travail d’autant plus qu’ils prévoient toujours d’augmenter les dépenses. Et la droite sans courage est bien contente de ne pas être tenue pour responsable. Le gouvernement est soulagé aussi, ce sera la faute des partenaires sociaux. Bref tout le monde s’en sort avec les honneurs…du moins le croient ils….et la France là dedans ? Outre les économies énormes que l’on peut faire en arrêtant de dilapider l’argent public, seule une réforme incluant un fond de pension peut résoudre nos problèmes à long terme.

  2. D’abord que viennent faire nos gouvernants dans la gestion de caisses où les salariés « cotisent » et où parfois l’état ne cotise pas ? (Cotisant= Ayant droit.de dire et de gérer!)
    un conseil INTERNE d’admiration comme dans les banques suffit ?
    Avant de faire peiner plus les, Nos , »vrais Travailleurs « , (par classes de métier)
    Ces gens en place par copinage , devraient regarder d’où viennent les fuites des caisses de retraite.!
    et agir d’abord chez eux. (cumuls honteux à supprimer, un montant limité , égalité du privé public…….)
    ET…..Vérification de l’ existence des ayants droit
    ET réduction de 50% des pensions versées et dépensée outre sol de France .
    Sur le principe de notre devise EGALITE déjà des Milliards sont récupérables dans l’immédiat.
    Mais, comment faire réfléchir des ânes sortis de cette école à former des baudets ,endetteurs ?
    ou des gens habitués à dilapider l’argent des Français besogneux?.

  3. Je ne sais pas si nous vivons tous dans la même France ? J’entends sans cesse parler dans les médias de retraite à 62 ou à 64 ans. Pourtant, j’ai dans mon entourage plein de gens qui ont eu leur retraite à 55 ou 58 ans. En tout cas bien avant 62 ou 64 ans et pourtant ils n’ont eu ni carrière longue, ni métier pénible. De plus le montant de ces retraites est bien élevé et souvent identique aux derniers salaires des ces personnes mise en retraite anticipée. C’est ça la justice et l’égalité en France ? et l’abolition des privilèges elle est où ?

    • Retraité à 65 ans, j’ai vu mon revenu amputé de 50 % et la cotisation de ma mutuelle exploser à 300 %. Mais je ne suis pas fonctionnaire.

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