CNews sous le regard de France Culture

aurélien bellanger

Le réel aurait-il changé de camp ? Le doute est permis. La gauche morale commence-t-elle à disjoncter ? Son réel 2 + 2 = 5, appellation d'origine contrôlée et réel officiel depuis ce funeste mois de mai en l'an de disgrâce 1968, commence à se confronter de plus en plus fréquemment aux sinistres conséquences dont elle a tant chéri et soutenu les causes. De l'autre côté, le réel 2 + 2 = 4, réactionnaire et extrême, fait de l'audience, cartonne sur les réseaux sociaux et les organes de réinformation. Sur France Culture, on essaie de comprendre. La question est posée : d’où vient cette irrépressible envie de regarder CNews ? Information ? Opinion ? Intox ?

Eu égard à la gravité de la situation, pour nous expliquer, c'est le philosophe Aurélien Bellanger qui s'y colle ; comme souvent sur les chaînes publiques de propagande, l'influenceur de service envoie du lourd. « BFM TV fait depuis quelque temps plutôt penser à un temple de la raison : qu’on l’allume, et on verra que l’actualité y est traitée, par le majestueux Bruce Toussaint, à un rythme sénatorial. Cela, on le sait, est dû à la montée en puissance de CNews, prétendue concurrente, mais qui est tout sauf une chaîne d’information continue. » Le décor est planté.

« C’est une chaîne d’opinion ou, pour le dire de façon expéditive, une chaîne qui ne traite pas de l’actualité mais qui prétend la faire. Et la chose, à un an de la prochaine présidentielle, s’est encore intensifiée : il n’y a plus un jour sans que CNews ne lance dans l’espace médiatique un seul ou deux sujets polémiques nouveaux. » Et de poursuivre, : « Quand des personnalités tentent, rationnellement, de venir expliquer à son antenne qu’à ce rythme, c’est le pays entier qui va devenir fou, qu’on ne peut, à point, en intensifier les fractures sans qu’à la fin, ces personnalités s’y font proprement engueuler », y citant l'icône progressiste Pulvar dénonçant les « violences policières ».

Ou quand la gauche dite morale, comme souvent hors de portée de la raison et ayant perdu contact depuis des lustres avec le vrai monde, se sent agressée par celui-ci, est confrontée à sa réalité et accuse ceux qui en font le constat d'apostasie idéologique, traduisant dès lors sa panique et l'effondrement de son système de croyances, de ses lubies de progrès et d'émancipation.

Pour paraphraser Lloyd George, tout homme qui est encore de gauche à quarante ans n'a pas de tête, et en république, des yeux sur cette même tête pour voir la réalité en face, et des oreilles pour entendre le tocsin sonner. Aurélien Bellanger imagine « qu'on n'est plus qu'à un jour ou deux d’un attentat fasciste à la Papacito et qu'on verrait, sur CNews, tel ou tel éditorialiste, savoureux et bien connu, juger l’acte atroce, mais relativement truculent, quand même ». Il va même jusqu'à imaginer que, bientôt, il n’« aura pas le droit d’être de gauche, cela sera même, bientôt interdit ». Pauvre Aurélien, il est un comble que la gauche commence enfin à porter sa croix, entame son Golgotha, et que son paradigme « Je suis de gauche donc je pense » se lézarde.

« Je ressens presque le besoin vital de regarder CNews, de me retourner sans cesse pour savoir à quel distance l’adversaire est de moi », et de conclure en faisant le parallèle avec le quotidien de l’Action française : « Mieux informé des journaux parisiens car il était en capacité, en cette toute fin des années 30, d’informer directement le réel. » Cette gauche plurielle, adepte de la dissonance cognitive, monolithique face à ses contradicteurs, qui tombe les masques face à ses ambiguïtés et hypocrisies qui paralysent son logiciel, commence à désigner ses objecteurs d'ennemi, cette extrême droite fantasmée qui croit en la primauté du réel, et commence à s'engouffrer dans les tranchées qu'elle à sciemment contribuer à creuser. Tranchées idéologiques maintenant, tranchées tout court bientôt.

Nous espérons, d'ailleurs, qu'à la prochaine chronique, Aurélien Bellanger nous expliquera enfin pourquoi beaucoup ont de plus en plus cette irrépressible dégoût d'écouter France Inter.

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