Cinéma : Mon légionnaire, de Rachel Lang

mon légionnaire

Quand on songe à la représentation de la Légion, au cinéma, des images spectaculaires de La Bandéra, de Julien Duvivier, nous reviennent à l’esprit. On pense aussi à la comédie burlesque de Christian-Jaque Un de la légion ou encore aux Morfalous, d’Henri Verneuil, plus potache que le précédent.

Une fois n’est pas coutume, le cinéma nous propose en ce moment une représentation crédible de cet univers à travers Mon légionnaire. Pour cause, la réalisatrice, Rachel Lang, est aussi officier de réserve, elle connaît son sujet et entend restituer avec fidélité le mode de vie des soldats et de leurs familles.

Le récit s’articule autour de deux couples, celui que forment Maxime et Céline, et celui de Vlad et Nika, ressortissants ukrainiens. Les deux hommes sont affiliés à l’antenne de la Légion étrangère de Corse, où vivent leurs familles. Pour eux, le don de soi est une évidence, et le sens de l’honneur une valeur avec laquelle on ne transige pas. Une appréhension de l’existence qui se heurte régulièrement à l’incompréhension de leur entourage auprès duquel les soldats sont amenés à se justifier : « Qu’est-ce que ça te fait, de travailler pour les intérêts économiques de telle ou telle entreprise ? », demande-t-on à Maxime, lors d’un dîner entre amis. Et l’officier (Louis Garrel, impeccable dans sa composition) de répondre qu’il y va de la France et des Français, le sujet économique n’étant pas le sien, il n’a pas vocation à remettre en question les choix géostratégiques de son pays, quand bien même ce dernier ferait fausse route.

Le film évoque en toile de fond l’opération Barkhane, en l’occurrence au Mali, mais la question géopolitique n’est pas centrale dans le récit, elle ne fait pas l’objet d’une quelconque réflexion, l’intrigue eût été la même sous un contexte militaire différent. Un choix judicieux de la part de Rachel Lang, qui ajoute à cela une certaine pudeur dans la représentation des scènes de guerre, qui passe souvent par le hors-champ, et un refus de toute esthétisation – contrairement à ce que suggère la (mauvaise) bande-annonce de Mon légionnaire.

Tandis que les entraînements et les missions rythment le quotidien des soldats, les épouses ne restent pas inactives, la plupart mènent une vie professionnelle des plus classiques et toutes se réunissent en association afin de reproduire l’esprit de fraternité qui anime les hommes partis combattre pour la France. L’occasion, pour elles, de partager leurs doutes et de se soutenir psychologiquement dans les moments difficiles, notamment dans l’attente des permissions.

Par son propos général, Mon légionnaire met l’accent sur l’importance capitale, pour un soldat, d’entretenir une vie familiale épanouie. C’est là, précisément, que le film de Rachel Lang trouve son intérêt, lorsqu’il s’agit de nous montrer, pendant les permissions, le décalage au sein d’un couple entre l’homme, fraîchement revenu à la vie civile, et son épouse qui cherche à s’adapter. Chacun essayant de répondre, du mieux qu’il peut, aux attentes de l’autre, sans toujours y parvenir. Si certains couples, au fil du temps, ont acquis la force de surmonter les obstacles en faisant la part des choses, d’autres se laissent miner par la peur du lendemain et ne se projettent plus dans l’avenir. En cela, la conclusion du film nous éclaire sur le comportement de ceux qui, inconsciemment, auront tout fait pour dissuader leur conjointe de rester.

 

4 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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