[Cinéma] Les Trois Mousquetaires, 2e partie du diptyque de Martin Bourboulon

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En avril dernier sortait sur nos écrans la première partie du diptyque Les Trois Mousquetaires, réalisé par Martin Bourboulon. Une adaptation plaisante du roman d’Alexandre Dumas qui se démarquait des versions précédentes par sa volonté de s’éloigner du registre comique. Ainsi, le film prenait de grandes libertés en abordant les guerres de Religion et en montrant un Louis XIII craignant de voir raviver les tensions avec les protestants. Le cardinal de Richelieu et sa comparse Milady, en effet, s’employaient en secret à provoquer un conflit armé avec eux pour pouvoir mieux les écraser, et voyaient alors les mousquetaires du roi se mettre en travers de leur route…

Pour sa seconde partie, intitulée Milady, l’adaptation de Martin Bourboulon exploite à fond les différentes trames mises en place dans la première, fait culminer celles-ci avec le siège de La Rochelle mais débouche, en définitive, sur une intrigue alambiquée, peu lisible et cousue de fil blanc.

Faisant l’objet d’un interminable jeu du bonneteau qui suffit seul à occuper notre D’Artagnan pendant 1h55, le personnage de Constance Bonacieux, introuvable depuis son enlèvement survenu à l’issue du premier volet, perd très vite de son attrait jusqu’à la manipulation finale dont elle est victime de la part de Milady. Dans le rôle de l’espionne, Eva Green dévoile une palette de jeu impressionnante et n’éprouve aucune difficulté à faire vivre ce personnage vénéneux exerçant son pouvoir de fascination sur les hommes – la comédienne est bel et bien le point fort de cette énième itération des Trois Mousquetaires.

Des qualités... et des défauts

Toujours est-il que l’ensemble des libertés prises avec le matériau d’origine finit par se retourner contre un cinéaste trop aventureux qui s’emmêle les pinceaux et nous laisse pour seule consolation une série de dialogues plus savoureux les uns que les autres. Rabelaisiennes, bourrées de sous-entendus, les répliques font mouche et mettent en valeur notre quatuor héroïque – Romain Duris et Pio Marmaï, en particulier, s’en donnent à cœur joie dans leurs rôles respectifs d’Aramis et Porthos. Louis Garrel n’est pas en reste non plus dans le rôle de Louis XIII.

Si les qualités du premier volet sont toujours de mise – d’époustouflants combats à l’épée tournés en plans-séquences, des costumes et décors magnifiques, un éloge de la camaraderie et des valeurs verticales –, il en va de même des défauts : une photographie sombre et un étalonnage des couleurs qui, paradoxalement, évoque un peu trop la chaleur du far west pour ne pas nous dépayser.

Les ajouts narratifs alternent toujours entre idées judicieuses (les différents développements concernant le parti protestant) et choix idéologiques pour le moins agaçants : tandis que le premier volet tartinait de bisexualité le personnage de Porthos et montrait le religieux Aramis tailler son crucifix pour en faire un instrument de torture (!), la seconde partie cède aux injonctions woke de l’époque et nous mitonne un nouveau mousquetaire noir, filleul du roi… À croire qu’il est désormais impossible en France de produire un film – fût-il à caractère historique – sans tenir compte de l’évolution démographique des « minorités ». Pour la défense du réalisateur, concédons néanmoins que le personnage en question, nommé Hannibal, s’inspire d’un Ivoirien ayant réellement existé, Aniaba, devenu filleul et mousquetaire de Louis XIV.

Enfin, le dénouement du récit, amer et abrupt à la fois, achève ce diptyque de curieuse façon. Le premier volet nous avait emballé malgré ses défauts ; le second nous déçoit.

2 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Tout à fait d’accord avec votre commentaire. Ce film est décevant. Voir Milady se transformer en amazone et s’attaquer à l’épée et à mains nues à de grands gaillards est, au mieux, contraire à l’esprit du roman, au pire ridicule.

  2. Et on critique ! On critique ! La France n’est que le creuset de toutes les formes de critiques. Si un chercheur trouve un vaccin contre le SIDA ou le Cancer, il fera bien de faire part de sa découverte depuis une chaire d’une faculté étrangère.

  3. Vu le film , le quatuor de mousquetaires est très bien , Milady est très bien , mais elle est méchante car les hommes ont été méchants avec elle , concession au féminisme actuels , et l’apparition d’un mousquetaire africain , multiculturalisme oblige , pour le reste le film est ennuyeux , on a du mal à suivre la trame de l’histoire .

  4. Le roman de Dumas n’est donc pas suffisant pour se traduire en 7° art, ou doit on comprendre que ces réalisateurs n’ont pas le talent pour en magnifier la puissance. Plutôt que de regarder une version falsifiée, je préfère, et de loin, me replonger dans l’oeuvre d’Alexandre Dumas et de me faire mon cinéma.

    • Un film, fruit du fantasme et de l’interprétation biaisée d’un quidam lecteur un peu mégalo/mythomane, n’atteindra jamais la valeur d’un récit, plus complet et plus subtil, authentique lui, et de surcroit subtil en langage : Je le vérifie depuis mes 13/14 ans (ça fait donc depuis 50 ans..: toujours déçue , à quelques très rares exceptions près) : Il y a juste du mouvement, du bruitage, de la couleur z’images évanescentes, et des acteurs souvent pas conforme à l’imaginaire (au vécu/senti ) de l’auteur initial . C’est comme les interprétations musicale : ça va du « presque approchant » à la bouillie trop rapide ou trop mièvre ou trop agressive….

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