Cinéma : Les Chatouilles, d’Andréa Bescond et Éric Métayer
Tandis que les journalistes de tous bords font du zèle à dénoncer la pédophilie au sein de l’Église – alors même que le taux de prêtres concernés, selon William Oddie, serait quatre fois inférieur à celui des hommes en général –, Les Chatouilles, film d’Andréa Bescond et de son compagnon Éric Métayer, nous rappelle incidemment, au cas où nous l’aurions oublié, que la moitié des agressions sexuelles sur mineur ont lieu au sein du cercle familial. Une donnée moins croustillante, il est vrai, que les mystères du confessionnal, mais qui a le mérite de mettre les choses à plat…
Danseuse moderne dans la trentaine, instable et à fleur de peau, Odette Le Nadant décide de consulter une psychologue afin de se libérer d’un poids qu’elle traîne depuis des années ; à savoir les douloureux souvenirs de son enfance lorsque Gilbert Miguié (Pierre Deladonchamps), un ami proche de ses parents, profitait de ses allées et venues à la maison pour lui imposer en secret ses séances de « chatouilles »…
Avec l’âge, et à mesure que s’éloigna son agresseur vers de plus jeunes victimes, celle qui se préparait jadis à devenir danseuse étoile mit peu à peu sous le boisseau sa féminité, s’endurcit à l’excès, revit à la baisse ses ambitions professionnelles et fit sien un mode de vie bohème, désabusé, aux accents autodestructeurs sur fond de drogues et de coups d’un soir.
Par un jeu permanent entre passé et présent via l’utilisation de flash-back nous est ainsi raconté le parcours d’Odette, dont l’enjeu majeur de la thérapie sera la reconstruction personnelle.
Transposant à l’écran la pièce de théâtre à caractère autobiographique qu’elle avait montée en 2014, la cinéaste Andréa Bescond choisit à nouveau d’incarner le rôle principal afin de porter pleinement son sujet et de militer, à sa manière, en faveur d’un allongement des délais de prescription en matière de pédocriminalité. L’intention, en soi, est louable, et le film nous offre quelques passages particulièrement poignants. On pense, notamment, à celui où le père d’Odette, candide et brave gars (Clovis Cornillac, touchant et d’une rare justesse), apprend des années plus tard ce qu’a subi sa fille et lui fait part, en voiture, de son sentiment d’impuissance et de culpabilité. Karin Viard, également, a droit à quelques scènes mémorables ; on pense à la séquence où la mère d’Odette, sceptique et distante à l’égard de cette fille un peu casse-cou, et craignant le qu’en-dira-t-on, adopte à la sortie du commissariat où vient tout juste d’être déposée une plainte un réalisme froid, anxieux, égoïste, qui traduit chez elle une incapacité patente à faire face à la situation. Une réaction humaine, et finalement compréhensible, que bien des parents de victimes ont dû éprouver.
Là où le film se trompe lourdement, d’après nous, c’est que les deux réalisateurs ont l’air de croire qu’on ne peut aborder un tel sujet sans instiller dans le récit quelques touches d’humour, comme s’il fallait à tout prix conforter le spectateur en rendant la chose plus légère, plus digeste – c’est ce qui ressort des séquences « surréalistes » où la psy pénètre dans les souvenirs d’Odette.
Le sujet est grave et il n’y eût rien de honteux à le traiter tel quel. D’autant que ce mélange des genres, fécond de maladresses, est un peu trop appuyé pour paraître sincère ; comme si Andréa Bescond n’assumait pas pleinement sa rancœur qui, pourtant, est manifeste tout au long du film.
2,5 étoiles sur 5
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